La république de Moldova proclame son indépendance le 27 août 1991, étant la 7e ancienne république soviétique à prendre cette voie.
A l'été 1989, les régimes communistes d'Europe centrale et orientale se délitaient à grande vitesse, mettant un terme à un demi-siècle de terreur politique et de désastre social et économique. La chute du communisme en Union soviétique a été bien plus que cela : l'Etat soviétique partait en vrille, suivant de près le modèle marxiste qui l'avait constitué, et les anciennes républiques soviétiques ont sauté sur l'occasion, pour prendre leurs destinées en main. Ce fut d'abord le cas des pays baltes, la Lituanie au mois de mars 1990, suivie par la Lettonie et l'Estonie. Avant la fin de 1991, la Géorgie, l'Ukraine, le Belarus, la Moldova, les anciennes républiques soviétiques d'Asie centrale, l'Arménie et, enfin, la Russie même leur emboîtèrent le pas, mettant un terme à l'existence de l'une des superpuissances de la seconde moitié du 20e siècle, l'URSS.
La république de Moldova proclame son indépendance le 27 août 1991, étant la 7e ancienne république soviétique à prendre cette voie. Mais la proclamation formelle de l'indépendance n'a été que le point d'orgue du long chemin que les Moldaves avaient consenti à emprunter pour recouvrer leur identité et leurs traditions ancestrales. L'apparition de la république de Moldova sur la carte politique du monde n'aurait pas été possible en l'absence de la politique d'ouverture lancée par Michael Gorbatchev à partir de 1985. C'est grâce à sa politique de la pérestroïka que voyait le jour, en 1986, le Mouvement démocratique de Moldova, celui qui allait organiser, le 27 août de l'année 1989, ce grand rassemblement public qui demandait l'adoption de l'alphabet latin et de la langue roumaine comme langue officielle de la république. Mais ce n'est que le 23 juin 1990 que le parlement de Chișinău vote la déclaration d'indépendance de la république de Moldova, et qu'il élit le premier président du nouvel Etat, en la personne de Mircea Snegur. Le 23 juin 1991 la nouvelle république allait finalement adopter sa titulature officielle, celle de République de Moldova, devant l'assemblée populaire de Chișinău, et le 27 août de la même année la déclaration d'indépendance sera lue au parlement. Enfin, en réaction à toute cette évolution, le 16 août 1991, on voit la région de Transnistrie faire sécession.
Alexandru Moșanu, le président du parlement moldave, passait en revue, depuis la tribune de l'assemblée législative, le long chemin parcouru par son pays. C'étaient des moments avant le vote pour l'indépendance de la république : « Cher peuple, notre désir inébranlable de liberté, ce cadeau divin destiné à chaque être humain, est à portée de main. Dans moins de deux heures, notre parlement se réunira en session extraordinaire pour adopter la déclaration d'indépendance de la république de Moldova. Le chemin parcouru jusqu'à ce jour, à la fois héroïque et tragique, fut semé d'embuches. Chacun de nous l'avait parcouru en son âme et conscience. »
La nouvelle république allait par la suite désigner ses élus, adoptant la voie désirée de son développement futur, et recherchant les partenaires internationaux les plus à même d'appuyer ses efforts. L'un de ces derniers fut tout naturellement la Roumanie, l'Etat dont la partie orientale de sa province de Moldavie, devenue république de Moldova, avait été arrachée en 1812 pour la première fois, puis en 1940 et en 1945. C'est en effet en 1812 que l'Empire ottoman, en plein déclin, s'était résolu à céder la Bessarabie, cette partie de la Moldavie historique sise entre les rivières Prut et Dniestr, à l'Empire russe, dont elle fera partie jusqu'en 1918. Réintégrée à la Roumanie suivant la volonté de ses élus, à la faveur de la chute du tsarisme en Russie, la Bessarabie lui sera à nouveau arrachée par Staline en 1940, avant de revenir au bercail un an plus tard, libérée par l'armée roumaine. Les troupes soviétiques s'emparent à nouveau de la Bessarabie, en 1944, suivant l'évolution du front de la deuxième guerre mondiale, et la province demeure une partie de l'URSS jusqu'à la chute du communisme. Le régime soviétique y avait introduit la répression généralisée et a fait liquider les élites tout comme les simples gens, voulant de la sorte effacer tout sentiment national et la mémoire de l'appartenance de cette province à l'espace roumanophone.
Avec la renaissance de la Moldova post-communiste, la Roumanie devenait tout naturellement le partenaire privilégié de la nouvelle république, ainsi que le soulignait Valeriu Muravski, ancien premier-ministre : « Notre indépendance n'est pas synonyme d'isolationnisme. Nous l'avons dit et répété, et nous avons accompli des pas concrets en ce sens. Nous avons développé de bonnes relations avec les anciennes républiques soviétiques, évidemment, car nos économies étaient interdépendantes. Mais, ensuite, nous voulons développer des relations avec les autres Etats, la Roumanie en premier lieu. »
Le poète Grigore Vieru, aux côtés d'autres patriotes roumanophones et roumanophiles, tels Mihai Cimpoi, Nicolae Dabija et Ion Hadârcă, a été l'une des grandes figures de la génération d'intellectuels moldaves, chevilles ouvrières de l'indépendance. Dans les années 1960, l'époque du dégel idéologique en l'URSS, Vieru plaidait dans ses poèmes pour récupérer la tradition littéraire roumaine, l'alphabet latin, valoriser les ancêtres romains et l'histoire médiévale glorieuse de la province historique de Moldavie, dont le symbole avait été la figure légendaire d'Etienne le Grand, voïvode qui avait régné pendant 47 ans au 15e siècle, tenant tête à l'avancée ottomane.
A l'occasion de l'assemblée populaire du 27 août 1991 de Chișinău, Vieru rendait un hommage émouvant au sacrifice consenti par les Moldaves pour recouvrer leur indépendance : « Chers compatriotes ! Le temps qu'on a tant attendu est enfin arrivé. Le rayon de soleil dont on languissait. C'est le fruit de nos sacrifices, le fruit issu de la souffrance des ouvriers de la terre et des ouvriers des usines, du travail de l'écrivain et du journaliste, de l'étudiant et du savant, de l'ouvrage de notre parlement et de notre gouvernement. Un de nos proverbes dit ceci : si tu te lèves trop haut, tu risques la pendaison ; si tu te baisses de trop, tu risques de te faire piétiner. Nous nous sommes trop longuement abaissés, nous avons trop longtemps ployé sous le poids du fardeau, pensant pouvoir conjurer le sort. Et nous avons été foulés aux pieds. Or, voilà, aujourd'hui, nous nous sommes relevés et ils n'y pourront rien, car il n'est pas possible de mener tout un peuple, et tant de peuples, à la potence. »
30 ans plus tard, la République de Moldova voit enfin, après moult épreuves, sa soif d'Europe se muer, progressivement, en réalité. (Trad Ionut Jugureanu)
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