Encerclé, le pouvoir de Bucarest essaie de se réinventer.
Le Parti social-démocrate roumain est en pleine ébullition : on soigne les blessures et on réattribue les fonctions. Le parti a subi un grave traumatisme : dans l'espace de 48 heures seulement, il a souffert un double séisme de magnitude historique. Le premier concerne les résultats des élections de dimanche : les sociaux-démocrates ont fini en deuxième position au scrutin européen, avec 23% des suffrages, quelques points derrière le Parti national libéral et avec une avance insignifiante devant la toute jeune Alliance 2020 entre l'Union sauvez la Roumanie et PLUS. Il faut rappeler que le PSD avait dépassé les 45% des voix aux élections parlementaires de 2016, devançant de loin tous les autres partis politiques, et que l'Alliance 2020 a été formée à peine trois mois avant la date des élections européennes. En plus, le partenaire du PSD au gouvernement, l'Alliance des libéraux et des démocrates, n'a même pas franchi le seuil électoral de 5% au scrutin de dimanche et n'aura, de ce fait, aucun représentant au parlement européen. Enfin, le référendum sur la justice convoqué par le président Klaus Iohannis, l'adversaire juré du PSD, et déroulé en même temps que les européennes, a confirmé la volonté d'une large majorité de la population roumaine de continuer la lutte contre la corruption.
La deuxième secousse a été l'incarcération de l'homme fort de la coalition gouvernementale, Liviu Dragnea, suite à sa condamnation à la prison ferme pour faits de corruption, par l'instance suprême du pays. Leader du Parti social-démocrate et président de la Chambre des députés au moment de sa condamnation, Dragnea devrait passer trois ans et demi derrière les barreaux pour instigation à abus de fonction, infraction commise alors qu'il était président du Conseil départemental de Teleorman (sud). Antérieurement, Liviu Dragnea avait déjà reçu une peine de prison avec sursis pour fraude électorale. C'est ainsi que quitte la scène l'homme qui avait mené le Parti social-démocrate vers sa victoire historique aux législatives de 2016. Mais en deux ans et demi de gouvernance perçue comme populiste, discrétionnaire et chaotique, le parti a perdu près de la moitié de son électorat.
Après l'annonce de la condamnation, la première ministre Viorica Dăncilă, présidente exécutive du parti, promue par Dragnea lui-même et vue comme sa fidèle, a pris les rênes du PSD dans l'attente du congrès extraordinaire qui devrait s'en suivre et qui décidera de la future direction du parti. Les premières décisions adoptées par la direction par intérim du PSD indiquent surtout la rupture avec l'époque Dragnea. Codrin Ştefănescu, son très sonore et impopulaire secrétaire général, a été remplacé. Des personnes tombées dans la disgrâce de l'ex-patron de la gauche, reviennent, elles, sur le devant de la scène. Ainsi, l'ex vice-premier ministre Paul Stănescu est-il le nouveau président exécutif du parti, et Gabriela Firea, la maire générale de la capitale, redevient vice-présidente du PSD et cheffe par intérim de la filiale de Bucarest. Par ailleurs, Gabriela Firea a déjà envoyé un message de réconciliation aux dissidents sociaux-démocrates repliés dans le parti Pro România, conduit par l'ancien premier ministre Victor Ponta. De son côté, la première ministre Dăncilă a plaidé pour l'unité du parti, pour le dialogue et l'ouverture envers toute personne désirant rejoindre les rangs des sociaux-démocrates.
La direction du PSD a voté pour rester au gouvernement. Ce n'est toutefois pas évident si le parti abandonnera les politiques menées jusqu'ici par son ancien leader, Liviu Dragnea. Des politiques perçues par l'opposition, par la presse et par la société civile comme une tentative constante de subordonner la justice et d'arrêter la lutte contre la corruption. La nouvelle cheffe par intérim du PSD, Viorica Dăncilă, fait déjà part de son intention de se rendre à Bruxelles en début de semaine prochaine, pour s'entretenir avec les responsables des institutions européennes, mais aussi dans d'autres capitales européennes pour rencontrer les leaders de la gauche - tout cela dans une tentative de réparer l'image de son parti à l'étranger. Surtout qu'au mois d'avril, le Parti socialiste européen annonçait le gel de ses relations avec le Parti social-démocrate roumain, qu'il accusait de ne pas respecter l'Etat de droit en Roumanie. (Trad. Elena Diaconu)
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