La fin de la période de transition qui a marqué le Brexit a bouleversé le régime des déplacements, les relations commerciales, les relations de travail et d'études entre les Etats membres de l'UE et le Royaume-Uni.
Ce sont les changements du régime des travailleurs communautaires en Grande-Bretagne qui intéressent au plus haut point les Roumains. En effet, à compter du 1er janvier dernier, les citoyens européens qui souhaitent exercer leur métier au Royaume-Uni doivent obtenir au préalable un visa de travail, octroyé selon un système à points, conformément à la politique de migration mise en place par les autorités britanniques. Le seuil, fixé à 70 points, qui ouvre le sésame, prend en compte l'existence d'une lettre d'intention fournie par l'employeur local, le niveau d'études du requérant, le niveau de maîtrise de l'anglais, soit des critères obligatoires à remplir. Il en existe d'autres, censés garantir une insertion professionnelle réussie sur le marché du travail britannique, tout particulièrement dans un domaine déficitaire en main d'œuvre ou dans des domaines qui exigent un haut niveau de compétences. Ainsi, l'existence d'un doctorat augmente grandement les chances du candidat potentiel, par exemple.
Néanmoins, la réintroduction par Londres du régime des visas ne manque pas de faire des mécontents dans l'UE, d'autant plus que les frais pour ce type de visas sont différents d'un Etat d'origine à l'autre, et sont dès lors discriminatoires selon la nationalité du candidat. Ainsi, les ressortissants de 25 Etats, la plupart européens, sont repris sur la liste que l'on pourrait appeler « des plus favorisés », bénéficiant de déductions à hauteur de 55 livres sur les frais des visas de travail. Entrepreneurs, travailleurs de la santé, chercheurs ou travailleurs saisonniers, voici quelques domaines qui semblent avoir le vent en poupe. L'employeur britannique est par ailleurs encouragé à embaucher de la main d'œuvre parmi les candidats de ces mêmes 25 Etats, étant ainsi dispensé de débourser 199 livres en frais bureaucratiques nécessaires pour obtenir délivrance d'un document électronique, reprenant les données du demandeur et la description du poste à pourvoir. Malheureusement, certains Etats de l'UE ne figurent pas sur cette liste, parmi lesquels la Roumanie, la Bulgarie, l'Estonie, la Lituanie et la Slovénie. Plusieurs eurodéputés roumains ont crié scandale, sollicitant l'intervention de la Commission européenne en faveur de chances égales pour les candidats des Etats européens désireux de rejoindre le marché du travail britannique.
L'eurodéputé Eugen Tomac explique : « Les premières informations dont nous disposons montrent à profusion la volonté du gouvernement britannique de pratiquer la discrimination entre les citoyens européens des divers Etats membres. Cela fait que des Roumains, mais pas seulement, soient tenus de payer toute une série de taxes supplémentaires pour pouvoir continuer à travailler au Royaume-Uni. Cela nous interpelle. Nous avons dès lors fait appel à la Commission européenne pour qu'elle intervienne auprès du gouvernement de Londres afin qu'il abandonne l'application de cette mesure discriminatoire à l'égard de nos concitoyens. C'est un sujet brûlant à Bruxelles, mais je constate qu'une solidarité de plus en plus consistante s'organise entre les députés européens des Etats visés, décidés de presser Bruxelles à obtenir la suppression de cette mesure par Londres. »
D'autres Etats s'estiment également discriminés par le régime des visas instauré par le Royaume-Uni, et demandent l'intervention de la Commission européenne, motivant que Bruxelles ne peut pas permettre cet état de choses qui enfreint le principe de non-discrimination entre les Etats du bloc communautaire. Là où le bât blesse, ce sont moins les 55 livres sterling exigés en plus de la part des cinq Etats membres de l'Union, mais plutôt le traitement différent et discriminatoire appliqué par Londres selon le pays d'origine du requérant. La Commission devrait, selon les Etats concernés, se montrer ferme et sans concessions envers les Britanniques, et utiliser tous les instruments politiques et juridiques dont elle dispose afin de protéger le droit au travail et les droits connexes de tous les ressortissants européens, affirme encore l'eurodéputé Eugen Tomac, de concert avec d'autres de ses pairs.
Le gouvernement britannique invoque pour sa part la Charte sociale du Conseil de l'Europe, un traité international adopté en 1961 par 26 Etats, dont la Grande-Bretagne. Aussi, conformément à un des articles dudit traité, les Etats signataires doivent, je cite, « simplifier les formalités existantes entre eux et réduire ou abolir les taxes de chancellerie payées par les travailleurs étrangers et par leurs employeurs ». Or, selon le ministère roumain des Affaires étrangères, la Roumanie avait signé uniquement la version revisitée en 1996 dudit traité, ne pouvant dès lors se prévaloir de l'application de l'article invoqué par Londres pour étayer le bien-fondé de la création de cette liste des 25 Etats favorisés.
Dans la réponse adressée suite à l'interpellation de l'eurodéputée roumaine Corina Crețu, la cheffe de l'Exécutif de Bruxelles, Ursula von der Leyen, se déclare préoccupée par le traitement différent appliqué aux Roumains qui souhaitent s'établir à partir de maintenant en Grande-Bretagne et assure que leurs droits et ceux de leurs familles seront protégés, conformément aux conditions de l'Accord de retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne. Donc, selon Corina Creţu, les Roumains qui habitaient déjà sur le sol britannique avant la fin de la période de transition, soit le début de cette année, pourront continuer à résider, travailler ou étudier, autrement dit à faire leur vie au Royaume-Uni. Malheureusement, les conditions d'accès et d'établissement sur le territoire britannique seront différentes pour ceux qui n'ont pas encore de résidence là-bas ou qui se proposent d'emménager à partir de maintenant en Grande-Bretagne. (Trad. Ionut Jugureanu)
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