Dans une étude récente faite en début d’année, 21 % des Roumains interrogés déclaraient être prêtes à démissionner sans garantie d’avoir trouvé un autre travail.
La deuxième année de la pandémie, 2021, a été le théâtre d'un phénomène inhabituel voire inattendu sur le marché du travail : une vague importante de démissions. L'expression « the great resignation » (la grande démission) est apparue aux Etats-Unis, et le phénomène s'est répandu dans le reste du monde. La Roumanie n'a pas été épargnée. Un récent sondage prouve que cette vague est bien arrivée jusqu'à chez nous, comme nous l'explique Raluca Dumitra, manager en communication au sein d'une plateforme en ligne pour la recherche d'emplois.
« Les candidats sont moins enclins à faire des compromis. Dans une étude récente faite en début d'année, 21 % des personnes interrogées déclaraient être prêtes à démissionner sans garantie d'avoir trouvé un autre travail. C'est un pourcentage assez élevé, que les employeurs devraient garder à l'esprit, surtout maintenant que les restrictions liées à la pandémie ont été levées. Beaucoup d'entreprises vont probablement vouloir faire revenir leurs employés dans les bureaux, alors que les candidats vont exiger davantage de flexibilité dans leur emploi du temps. C'est un facteur dont il faudrait tenir compte et garder aussi à l'esprit que faire revenir trop brusquement les employés au bureau pourrait pousser les salariés à démissionner. L'optimisme inébranlable des candidats est aussi intéressant. 75 % d'entre eux environ estiment pouvoir retrouver du travail en moins de trois mois. C'est énorme, et cela s'explique très simplement : la Roumanie fait face à un déficit chronique de candidats. Les plus qualifiés trouveront donc facilement un travail qui corresponde à leurs attentes en moins de trois mois. »
Petru Păcuraru, directeur d'une entreprise spécialisée dans la formation en Ressources humaines, confirme l'existence de ce phénomène et en explique l'origine :
« L'une des raisons, c'est l'incertitude qui a régné tout au long de l'année 2020. Peu ont pris le risque de changer de travail durant cette période. Ce qui explique que cela se soit reporté sur l'année 2021. 2020 est l'année avec le taux le plus bas de démissions et de changement de travail de l'histoire de l'humanité. Un second facteur est le retour au travail dans les bureaux. Beaucoup se sont habitués au télétravail à tel point qu'aujourd'hui il s'est transformé en critère essentiel dans les recherches d'emploi. J'ajouterais un troisième facteur : en dépit des problèmes économiques, beaucoup investissent leur argent dans des choses qui coûtent cher. Or, en période de crise, beaucoup se sont interrogés sur ce qui comptait vraiment à leurs yeux. Ainsi, certains qui gagnaient bien leur vie et n'osaient pas changer par crainte de perdre de l'argent ont fini par trouver le courage de partir pour se rapprocher de métiers moins lucratifs, mais qui leur plaisaient davantage. »
Petru Păcuraru reconnaît toutefois que ceux qui osent franchir le pas, en démissionnant sans avoir aucun filet de sécurité, ont souvent un statut financier et professionnel supérieur à la moyenne :
« Je pense qu'en se penchant sur la démographie, on observera très certainement que ceux qui osent franchir le pas ont entre 30 et 35 ans et ont un niveau de vie et de formation supérieurs à la moyenne. Et lorsqu'ils choisissent de démissionner, ils n'ont parfois même pas encore de piste pour un nouveau travail. Prenons l'exemple de ceux qui travaillent à un rythme effréné et qui sont constamment sous pression, ce qui peut les conduire à l'épuisement. Leur décision de démissionner n'est pas liée au fait d'avoir trouvé autre chose ailleurs, mais plutôt à l'instinct de survie. »
A première vue, la volonté de démissionner sans avoir de plan B peut être interprétée comme un excès d'optimisme. L'évolution récente du marché du travail semble donner raison à ceux qui sont convaincus qu'une meilleure opportunité professionnelle va se présenter. Nous retrouvons à nouveau Raluca Dumitra :
« Le mois dernier par exemple, on dénombrait 38 000 nouveaux postes à pourvoir sur notre plateforme, soit 13 % de plus que le mois précédent. Or cette période correspond au début de la guerre en Ukraine. On peut donc conclure que les gens choisissent de changer de travail, même dans des contextes difficiles. Nous recevons environ 900 000 candidatures par mois. Le nombre de démissions est donc constant et s'explique par le désir des candidats de trouver un meilleur emploi. Le nombre de candidatures est toutefois en baisse si l'on compare avec les chiffres de l'année dernière couvrant la même période. Mais c'est normal puisque l'année dernière nous avons enregistré un nombre record de dépôts de candidature. A la même époque l'année dernière, le marché du travail n'était pas aussi favorable aux candidats. A l'époque, les employeurs étaient en position de force. Un autre aspect important doit être pris en compte : 8 Roumains interrogés sur 10 affirmaient vouloir prioritairement démissionner et assuraient avoir déjà commencé à chercher autre chose. Cela se reflète aussi dans le nombre élevé de candidatures que nous recevons constamment. »
Il est clair que certains secteurs recrutent plus que d'autres. C'est le cas par exemple de la vente au détail, des transports, de l'hôtellerie-restauration ainsi que des centres d'appel et du domaine de l'informatique. Raluca Dumitra estime donc que le marché du travail va rester dynamique, malgré la pandémie et la guerre en Ukraine.
« La comparaison avec le phénomène de démission observé aux Etats-Unis n'est pas pertinente. Je ne pense pas que nous en arrivions là, ce n'est pas la même culture, ni la même mentalité. Mais les Roumains sont de plus en plus conscients qu'il est facile de trouver du travail, même dans un contexte de guerre ou de pandémie. Cela les rend plus confiants, même s'ils n'ont pas toujours de plan B. Le nombre important d'offres d'emploi va bientôt conduire à une vague de démissions. Il est certain que tout ceci est à replacer dans le contexte géopolitique actuel. Même la signature d'un armistice entre l'Ukraine et la Russie ne changera pas la dynamique actuelle du marché du travail. Par conséquent, nous allons assister à une vague de démissions de plus en plus importante », a estimé notre interlocutrice Raluca Dumitra, manager en communication au sein d'une plateforme en ligne pour la recherche d'emploi. (Trad : Charlotte Fromenteaud)
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