L’académicien Solomon Marcus, une existence placée sous le signe d'une question simple mais capitale, « où est-ce que cela peut mener si l’on regarde plus loin et encore plus loin ? »
« J’ai toujours pensé que le choix de cette profession a été une des grandes chances que la vie m’a données : être professeur et chercheur dans le domaine des mathématiques, avec tous ses prolongements, qui, à mon sens, aboutissent partout. »
C’est la confession que l’académicien Solomon Marcus faisait lors de son 90e anniversaire, dans une interview à Radio Roumanie Internationale. Il y parlait des mathématiques, de la poésie, de la révélation – éléments d’une vie consacrée à la découverte. Une vie placée sous le signe d’une question qu’il s’était posée dans son enfance, « où est-ce que cela peut mener si l’on regarde plus loin et encore plus loin ? »: « Le monde est ce que nous sommes capables d’en saisir. Et si notre imagination est riche, le monde où nous nous trouvons le sera aussi. »
Auteur de nombreuses études interdisciplinaires concernant l’application des mathématiques aux domaines de la linguistique, de l’analyse théâtrale, de la poésie, des sciences naturelles et sociales, des arts visuels, l’académicien Solomon Marcus a été récompensé de prix y compris de critique littéraire. Ses livres ont été traduits dans de nombreuses langues. Il a publié plus de 50 ouvrages et des centaines d’articles dans des revues scientifiques et spécialisées, roumaines et étrangères.
Solomon Marcus a découvert la poésie à 15 ans, en lisant le poème « Le soir sur la colline » du poète national roumain Mihai Eminescu. « J’ai ressenti un état d’émerveillement que j’ai retrouvé plus tard chez Rilke, Edgar Allan Poe, Baudelaire. La découverte des mathématiques s’est produite beaucoup plus tard, car, à l’école, l’étude de cette discipline n’était pas orientée vers l’idée, vers une vision, elle était limitée aux procédés mécaniques. Elle vous donnait le sens de l’ordre, mais elle n’allait pas en profondeur » - affirme l’académicien. « C’est comme si l’on avait une pomme, dont on mangeait aujourd’hui une moitié, demain la moitié de la moitié qui reste et après-demain la moitié de ce qui restait hier. Et alors, quand finira-t-on de manger cette pomme ? On le sait par la pratique : une pomme est vite mangée. Pourtant, d’après ces calculs, on ne la finira jamais. Toutes ces questions m’assaillaient et je ne me rendais pas compte où elles m’amenaient, car je n’ai eu aucune attraction pour les mathématiques scolaires. »
C’est ainsi que Solomon Marcus explique son rapprochement des mathématiques et son ouverture vers d’autres disciplines: « Les premiers modèles de langages étudiés par l’informatique provenaient de la biologie – le système nerveux et ensuite l’hérédité. Il s’agissait, en fait, d’une entreprise intellectuelle où de nombreuses disciplines étaient engagées : linguistique, mathématiques, logique, biologie, psychologie – et à laquelle d’autres se sont ajoutées par la suite. C’est en suivant cette voie que j’ai abouti à la sémiotique. Je me suis rendu compte que la connaissance ne saurait être limitée à une certaine discipline. On doit avoir devant soi un horizon complètement ouvert. »
La littérature est accessible en dehors d’une formation attestée par un diplôme. Avec les mathématiques, c’est plus difficile. Pour y accéder, on doit se soumettre à un processus méthodique d’apprentissage - précise Solomon Marcus. Et ce processus, la logique, la biologie, la psychologie, mais aussi la poésie, viennent le compléter. Solomon Marcus: « La grandeur du spectacle de la connaissance humaine vient tout d’abord de la manière dont l’unité du monde se manifeste sous les formes les plus différentes. Car le monde a une unité, une simplicité profonde. Tant que l’on s’arrête à une représentation fragmentaire du monde, à une représentation qui le divise en tranches et jette sur chacun de ces « mondes » un regard séparé, on est frustrés par l’absence d’un regard intégratif. On a besoin de voir à quoi ressemble le monde lorsque nous avons simultanément devant les yeux les paysages que nous offrent les directions les plus variées. Nous rendre compte, par exemple, que l’isométrie propre à la chimie est un phénomène de même nature que l’hérédité humaine ou l’utilisation des sons pour constituer le langage. Tous ces cas illustrent ce que l’on a appelé « la primauté de la structure au détriment de la substance ». Et cette ressemblance profonde entre des formes d’expression apparemment très différentes a mené à l’apparition du structuralisme. Et c’est là que prend sa source le plaisir de connaître et cette satisfaction de comprendre le monde. »
Le réseau Internet est un instrument très utile pour accéder à cette compréhension - estime Solomon Marcus: « Le réseau Internet est encore jeune et c’est pourquoi nous vivons une période de transition. Aussi avons-nous des lettrés qui n’ont pas encore fait l’apprentissage d’Internet tout comme des jeunes enthousiastes passionnés d’Internet, auxquels l’idée d’aller à une bibliothèque traditionnelle pour consulter une source antérieure à Internet provoque de l’aversion. »
Même si, avec le temps, Internet accumulera la totalité des livres imprimés, pour l’instant, nous devons favoriser une éducation fondée sur les deux sources de culture. De ce point de vue, nous nous trouvons à un carrefour de l’histoire et le moment est crucial. (trad.: Dominique) oment est crucial. (trad.: Dominique)
Liens utiles
Copyright © . All rights reserved