Face à la flambée des tarifs de l'énergie, la Commission européenne a publié ce qu'elle appelle une « boîte à outils », des instruments destinés à être utilisés individuellement par les 27 États membres de l'Union européenne.
C'est ainsi que, pour contrer cette hausse alarmante des prix, Bruxelles avait recommandé aux États membres de fournir une aide d'urgence aux particuliers, aide qui pourrait prendre la forme des chèques énergie par exemple, ou encore le remboursement partiel des factures des ménages défavorisés. Quant aux entreprises, elles pourraient bénéficier d'aides d'État et/ou de réductions d'impôts. Ce ne sont là que quelques-unes des mesures temporaires recommandées par Bruxelles, qui n'entend en faire bénéficier que les ménages vulnérables et les petites entreprises. Bruxelles conseille par ailleurs aux gouvernements d'élargir leur accès aux contrats d'énergie renouvelable, partant du principe que l'énergie propre n'est pas vulnérable aux chocs de prix.
Enfin, la Commission table à moyen terme sur la formule des achats groupés, envisageant d'étendre le stockage stratégique du gaz. L'achat groupé, formule qui avait bien fonctionné pour faire face à la crise des vaccins anti-Covid 19, semble avoir de beaux jours devant elle. En effet, les données montrent que l'UE est désormais confrontée à des pics de prix du gaz naturel jamais connus durant les 15 dernières années, une situation qui se reflète également dans la tendance à la hausse des tarifs de l'électricité. Le phénomène est ressenti dans le monde entier, étant étroitement lié à la reprise de l'activité économique au niveau d'avant la pandémie. Pour la Roumanie, les prix élevés sont dus, par ailleurs, à la libéralisation complète du marché de l'énergie, le 1er juillet de cette année. Les conséquences se font déjà sentir sur les prix des denrées alimentaires et, implicitement, sur l'inflation.
L'analyste économique Constantin Rudniţchi constate : « Il est clair que l'économie roumaine est fortement touchée. Regardez l'inflation qui, au mois de septembre, grimpe de 6,3%. Les effets de la hausse des prix de l'énergie sur les autres prix à la consommation commencent à se faire sentir. On voit la hausse des prix des produits agroalimentaires, mais ce n'est qu'un début. La Roumanie prévoit déjà de dépasser les 7 points d'inflation cette année, peut-être même 7,5. On n'en voit pas encore le bout du tunnel et il ne s'agit pas seulement de la Roumanie, toute l'Europe est à la recherche de solutions. »
La Russie, l'une des principales sources d'approvisionnement en gaz naturel de l'Europe, a un rôle particulier à jouer dans l'équation des prix de l'énergie, ce qui risque de conduire à une politique d'abandon du transit de son gaz par l'Ukraine. Moscou sape de la sorte la sécurité énergétique européenne notamment pour faire pression sur les Européens et promouvoir son gazoduc Nord Stream 2, la nouvelle connexion énergétique directe entre la Russie et l'Allemagne, via la mer Baltique, croit savoir l'analyste en politique étrangère Iulian Chifu.
Iulian Chifu : « La Fédération de Russie joue un rôle malsain, portant atteinte à la sécurité énergétique européenne, afin de promouvoir et rendre opérationnel le gazoduc Nord Stream 2. Car il faut dire que même si la construction du gazoduc est finie, la Russie est encore loin de pouvoir le rendre fonctionnel, en raison de procédures de validation très laborieuses. Or, les Etats-Unis ont frappé de leurs sanctions les sociétés impliquées. En réponse, l'année dernière, les exportations de la Russie vers la zone européenne ont été extrêmement faibles, y compris celles destinées à constituer des réserves stratégiques. Or, dans ce contexte, la première réaction du marché a été d'augmenter les prix. Une hausse qui fait pression en hiver. Les choix sont limités, soit vous importez le gaz via les gazoducs ukrainiens, soit via Nord Stream 2. Et la Russie fait de la sorte pression sur les Européens pour obtenir au plus vite les autorisations lui permettant d'utiliser le gazoduc Nord Stream 2. »
La Russie n'utilise pas l'énergie comme une arme et elle est prête à discuter avec l'UE de la stabilisation du marché européen de l'énergie, affirme pour sa part le président Vladimir Poutine, qui insiste toutefois sur la nécessité de dépolitiser la question énergétique. Le leader du Kremlin assure que la Russie respecte pleinement ses engagements et prétend avoir augmenté de 10% le volume transité vers l'Europe dans chaque gazoduc, tout comme le volume du gaz liquéfié exporté vers le continent. L'approche de l'hiver a cependant trouvé des stocks insuffisants partout en Europe, et notamment en Roumanie, bien en-deçà des quantités habituelles à la même époque.
Invité sur les ondes de Radio Roumanie, l'eurodéputé Gheorghe Falcă évoque les mesures que Bucarest pourrait prendre à moyen terme afin de se prémunir de telles mésaventures.
Iulian Chifu : « Une crise apporte quelque chose de négatif, mais offre aussi l'opportunité de réfléchir, pour trouver la parade. La Roumanie n'a pas acheté de gaz tout au long de l'année, de janvier à décembre, comme le font d'autres pays, parce que nous sommes producteurs de gaz, c'est pourquoi nous n'achetons qu'en hiver. C'est la raison pour laquelle notre prix d'achat du gaz est plus élevé que celui supporté par d'autres pays. La Commission propose maintenant de procéder à des achats groupés pour l'ensemble de l'UE, ce qui signifie que nous devons essayer d'augmenter notre capacité de stockage pour éviter ainsi d'autres crises. Par ailleurs, à moyen terme, le ministère de l'Énergie de Bucarest aura à sa disposition les 10 milliards d'euros du Fonds de modernisation, ce qui se traduira par un investissement sans précédent dans l'éolien et le photovoltaïque durant les six années à venir. Le Programme National de Relance et de Résilience dispose de 1,6 milliard d'euros, qui seront investis dans le même sens. Nous disposons de 10 milliards de dollars, destinés à la construction des réacteurs 3 et 4 et à la modernisation du réacteur 1 de la centrale nucléaire de Cernavodă. Qui plus est, nous sommes intéressés par l'extraction du gaz naturel présent dans le sous-sol de la mer Noire, et là nous parlons d'un milliard de mètres cubes par an. Enfin, la Roumanie compte 15 bassins fluviaux, et nous devrions renforcer la législation pour créer des microcentrales hydroélectriques, ne pas polluer, ne pas entrer en conflit avec les écologistes, mais en même temps profiter de cette énergie renouvelable. »
D'un autre côté, la solution de la situation énergétique conduira à une économie plus stable et prévisible, ainsi qu'à une augmentation des investissements, a déclaré le député européen. (Trad. Ionuţ Jugureanu)
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