Par le traité de paix conclu à Bucarest, dans la célèbre auberge de Manuc, le 28 mai 1812, la Bessarabie était annexée par la Russie.
La première guerre russo-turque du 19e siècle, qui allait ouvrir la longue série de conflits entre les deux empires, commençait en 1806 et allait durait 6 ans, jusqu'en 1812. Pour les Roumains de Moldavie, son dénouement allait être tragique : la Principauté de Moldavie fut coupée en deux, suite à l'annexion, par la Russie de sa partie Est, appelée la Bessarabie comprise entre les rivières Prut et Dniester. La vieille querelle russo-turque et le projet des troupes françaises de se déplacer dans l'Est de l'Europe allaient compliquer davantage les relations dans cette région du continent. Par l'accord de Tilsit, signé en 1807, Napoléon acceptait que la Russie occupe les Principautés roumaines de Moldavie et de Valachie, en cas de victoire sur les Turcs.
Par le traité de paix conclu à Bucarest, dans la célèbre auberge de Manuc, le 28 mai 1812, la Bessarabie était annexée par la Russie. Dans quel contexte européen, l'année 1812 a-t-elle pu marquer un tournant dans l'histoire des Roumains de Bessarabie ?
L'historien Andrei Cuşco, de l'Université de Chişinău, nous l'explique : «La Principauté de Moldavie a été effectivement coupée en deux. Il est important de souligner que cette annexion avait lieu à un moment très critique pour l'Empire russe, celui de l'invasion napoléonienne qui se préparait. La guerre russo-turque, qui durait déjà depuis 6 ans, devait, donc, être achevée aussi vite que possible. C'est dans cette priorité qu'il faut trouver l'explication de ce déroulement des événements. En fait, initialement, l'Empire russe avait des projets beaucoup plus ambitieux : il voulait rattacher les deux principautés roumaines, de Moldavie et de Valachie. Pour le tsar Alexandre Ier, ce fut là l'enjeu des négociations entamées avec Napoléon avant 1812. Avant le printemps 1812, les Russes étaient sur le point de céder, vu que les événements se précipitaient, et ils ont annexé seule la Moldavie, mais jusqu'à la rivière Siret. »
Leurs prétentions maximales, formulées avant le conflit, à savoir annexer les deux principautés roumaines de Moldavie et de Valachie, les Russes les ont réduites à la seule Moldavie et, au cours des événements, ils se sont contentés de l'Est de la Moldavie.
Andrei Cuşco : « Pourquoi, en fin de compte, c'est la rivière Prut qui est devenue la frontière entre la Moldavie et la Russie? C'est que le tsar Alexandre Ier avait clairement fait savoir que la rivière Prut était la dernière limite territoriale que les Russes auraient acceptée. Il l'avait dit à ses ministres plénipotentiaires, - au début, à Mikhaïl Koutouzov, le futur maréchal et un des vainqueurs de Napoléon, et plus tard, à l'amiral Tchitcheagov, arrivé à Bucarest après la signature du traité de paix. Le 28 mai 1812, suite à la paix de Bucarest, on assiste à l'apparition d'une nouvelle région, qui ne s'appelait pas encore la Bessarabie. Durant la première année de domination russe, elle s'appelait « la Moldavie d'au-delà du Dniestr », "Moldova de dincolo de Nistru" ; la Bessarabie avait été le nom de la partie méridionale, occupée par les Tatares jusqu'à l'époque de la guerre russo-turque de 1806-1812 ».
Certains historiens affirment, documents à l'appui, que l'annexion de la Bessarabie aurait pu être le résultat de l'inhabileté des négociateurs ottomans. S'ils avaient retardé la signature de l'accord de paix, les Russes n'auraient annexée même pas la Bessarabie.
Nous avons demandé à Andrei Cuşco si cette théorie était crédible : « On évoque souvent l'idée que, par exemple, si le sultan ottoman avaient attendu quelques mois de plus, jusqu'à l'invasion de Napoléon, la principauté de Moldavie n'aurait peut-être pas été coupée en deux. Il n'y a pas de réponse tranchante à cette question, pourtant je peux dire que les possibilités étaient multiples. Ce qui s'est passé à ce moment-là était une de ces possibilités. Comme je l'ai déjà affirmé, le tsar avait initialement l'intention d'annexer la Moldavie entière. On pourrait se demander, en spéculant un peu, ce qui se serait passé si les Russes avaient réussi à le faire. Il n'est pas exclu que le projet national roumain dans son ensemble ait pris une forme différente de celle que nous connaissons ».
La Russie était en pleine expansion et il était impossible de briser son élan. Selon Andrei Cuşco, malgré les transformations importantes produites dans la vie des Roumains de Bessarabie, tout ce mal immense, provoqué par la paix de Bucarest et l'annexion de la Bessarabie, a eu quand même un bon côté.
Andrei Cuşco: « Il était peu probable que les Russes s'arrêtent au Dniestr - limite qu'ils avaient déjà atteinte en 1792. Cette évolution des événements a posé un dilemme aux élites et moins à la population du territoire respectif. A partir de ce moment, le reste de la Moldavie s'est orientée vers une union avec la Valachie, dans une tentative justement, de contrebalancer la Russie. L'annexion de 1812 a accéléré, d'une certaine façon, l'union des principautés de Valachie et de Moldavie - et, de ce point de vue, on peut parler d'un effet positif. Pourtant, pour les habitants de la Bessarabie, eux-mêmes, ce déroulement des événements a créé de nouvelles complications et des plus difficiles ».
L'annexion, par la Russie, de la Bessarabie a coupé cette région de l'histoire des Roumains se trouvant en-deçà de la rivière Prut. Bien que, jusqu'en 1828 la Bessarabie ait joui d'autonomie et que les liens entre les deux rives du Prut se soient poursuivis jusqu'en 1830, vers 1848 la Bessarabie était complètement intégrée à la Russie. (Trad. : Dominique)
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