La Cour constitutionnelle de la Roumanie a décidé que les décrets présidentiels déclarant l’état d’urgence « outrepassent le cadre légal ». Qui plus est, les amendes infligées durant cette période d’état d’urgence sont anticonstitutionnelles.
Une des principales mesures coercitives appliquées pendant l'état d'urgence en Roumanie a été le durcissement des amendes afin de dissuader ceux qui tentent d'entraver les efforts des autorités de limiter la propagation du coronavirus. Par décret d'urgence gouvernemental, les Roumains qui n'ont pas respecté les normes imposées se sont vu contraints de payer des sommes immenses par rapport à leurs revenus. Et pour cause ; pour un salaire moyen d'environ 700 euros, l'amende minimum a été fixée à 400 euros, alors que la sanction maximale peut atteindre l'équivalent en lei des 4000 euros. Plus encore, de nombreuses voix dénoncent le fait que les normes imposées par les ordonnances militaires sont plutôt vagues, laissant beaucoup de place à l'interprétation pour les policiers. Ce qui fait que de nombreux Roumains se sont vu infliger des amendes de manière abusive, dont des personnes âgées aux revenus précaires ou des personnes vivant en milieu rural, ayant un niveau minimum d'éducation et peu d'accès à l'information.
Sur cette toile de fond, la Cour constitutionnelle de la Roumanie a validé, mercredi, la saisine déposée par l'Avocat du peuple (l'équivalent du Défenseur des droits français) contre l'ordonnance d'urgence par laquelle le gouvernement avait mis en place ces sanctions drastiques pour tous ceux qui ne respectent pas la quarantaine et le confinement. Bref, les amendes infligées ont été déclarées inconstitutionnelles. Selon les juges, le texte de l'ordonnance manque de clarté, de précision et de prévisibilité, alors qu'il incombait à la police de juger effectivement et de manière arbitraire si les faits relèvent oui ou non de la contravention.
En réplique, le premier ministre libéral Ludovic Orban a déclaré que la CCR a rendu une décision à caractère politique : « Par cette décision, on pourrait dire que le gouvernement, les autorités sont empêchées de protéger la santé et la vie des Roumains. Par cette décision, on peut se retrouver dans la situation où les autorités sont incapables d'appliquer une amende pour la transgression de certaines normes régissant la période de l'état d'urgence. »
A son tour, le ministre des Finances, Florin Cîţu, affirme que l'objectif du durcissement des sanctions n'était pas de renflouer les caisses de l'Etat, mais de réduire le risque de propagation de la pandémie.
De l'autre côté de la barricade politique, l'opposition - formée du Parti Social Démocrate, de l'Alliance des Libéraux et des Démocrates et de ProRomania - a élaboré un projet de loi portant sur l'annulation automatique de la plupart des amendes appliquées pendant l'état d'urgence, de sorte que l'activité des tribunaux ne soit pas bloquée par des milliers de contestations.
Enfin, notons aussi que la Fondation pour la défense des citoyens contre les abus de l'Etat a fait savoir que tous les Roumains qui estiment avoir été sanctionnés abusivement peuvent, du moins pour l'instant, contester en justice les amendes infligées jusqu'au 30 mai prochain. Et ils sont plus de 300.000 ! (Trad. Valentina Beleavski)
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