Le rêve de la Roumanie de faire partie de l'espace Schengen a été arrêté net par le véto opposé par l'Autriche.
Le rêve de la Roumanie et de la Bulgarie de faire rapidement partie de l'espace Schengen a été arrêté net par le véto opposé par l'Autriche lors du dernier conseil Justice et Affaires intérieures de l'UE. Pourtant, à peine quelques jours avant la réunion, les autorités de Bucarest semblaient soulagées d'avoir obtenu l'aval des Pays-Bas, après des années de combat acharné de la diplomatie roumaine contre l'opposition de ce pays à l'adhésion de la Roumanie à l'espace Schengen. La volte-face autrichienne fut perçue dans le contexte encore plus mal. Prétextant des vagues déferlantes d'immigrés, Vienne est demeurée inflexible. Mais son véto ne manqua pas de faire des remous à Sofia et à Bucarest, mais également à Bruxelles.
Des représentants du Parlement et de la Commission européenne firent en effet part de leur déception face à la position autrichienne. Même le président autrichien, Alexander Van der Bellen, s'est délimité de la position de son Exécutif, dirigé par le chancelier Karl Nehammer. « Je regrette profondément cette décision qui bloque l'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l'espace Schengen », avait-il déclaré, alors même qu'il reconnaissait les difficultés rencontrées par l'Autriche dans la gestion d'un afflux de plus en plus important de demandeurs d'asile. Bloquer Schengen n'est cependant pas la panacée, avait-il prévenu.
De son côté, le principal responsable du véto autrichien, le chancelier Karl Nehammer, réfute en bloc, sur la principale chaîne publique de son pays, les insinuations des ceux qui l'accusent de faire le lit de l'extrême droite et de poursuivre des objectifs de politique intérieure par la position de son gouvernement à l'égard de l'élargissement de l'espace Schengen à la Roumanie et à la Bulgarie, se contentant de mettre en avant dans son interview les 75.000 immigrés illégaux sur les 100.000 rentrés au pays, et dont une bonne partie aurait,selon le chancelier autrichien, transité la Bulgarie et la Roumanie.
Pour sa part, le premier-ministre roumain Nicolae Ciucă trouve la position de l'Autrichecomplètement injustifié : « L'ensemble des Etats européens se sont accordés d'ouvrir aux Roumains l'accès à l'espace Schengen, reconnaissant les efforts consentis par la Roumanie pendant des années pour renforcer ses frontières, et pour protéger les frontières européennes. Tous, avec une seule exception : l'Autriche. Dès lors, l'unanimité européenne nécessaire en cette matière a volé en éclats. L'Autriche avait fondé sa position en mettant en avant toute une série d'allégations et des chiffres, qui se sont avérées fausses. Nous avons démonté les chiffres avancés par l'Autriche, utilisant pour ce faire les données recueillies par les agences de l'UE. Par ailleurs, nous reconnaissons les difficultés auxquelles sont confrontées les Etats membres qui deviennent la cible des flux migratoires, et nous avons toujours essayé de trouver ensemble des solutions, et de nous montrer solidaires dans le contexte européen. De ce fait, nous ne pouvons que regretter la position inflexible de l'Autriche ».
Pour comprendre quelles sont les conséquences de la non admission de la Roumanie à l'espace Schengen pour notre économie, nous avons invité à l'antenne Mihai Ionescu, président exécutif de l'Association nationale des exportateurs et des importateurs de Roumanie et coprésident du Conseil roumain à l'exportation.
Mihai Ionescu : « Vous savez, il y a tout d'abord l'effort financier consenti pour sécuriser nos frontières avec l'espace non communautaire. Il s'agit d'investissements qui s'élèvent à des milliards d'euros. Et voilà que maintenant, malgré tout, la Roumanie est laissé hors l'espace Schengen, à cause d'un véto parfaitement illogique et en dépit du constat unanime des organismes spécialisés, qui avaient souligné que la Roumanie remplissait entièrement les conditions techniques nécessaires à l'adhésion. Et cette situation affecte grandement nos exportations et nos importations. Chaque poids lourd attend des heures aux frontières. Or, chaque heure perdue c'est de l'argent jeté par la fenêtre, et cela se traduit par la baisse de compétitivité de nos produits et de nos entreprises sur les marchés étrangers. Il s'agit d'une sorte d'entrave au commerce, mise en cause par ailleurs par l'Organisation mondiale du Commerce, une barrière artificielle, érigée pour des raisons politiques, et qui participe à la hausse du déficit commercial de la Roumanie. Cette année, notre déficit commercial de s'élève à 33 milliards d'euros, soit 1.500 euros par tête d'habitant. Une charge importante, reportée en partie sur les épaules des générations futures. Et tout cela, pourquoi ? Pour que quelques politiciens, mus par leurs seuls intérêts de nature politique intérieure, se jouent de nous. Pour preuve, prenez l'ensemble des réactions, non seulement des Roumains, mais encore de nos partenaires de l'UE, parfois des Autrichiens même ».
L'économie roumaine pourrait en effet subir une perte sèche de dix milliards d'euros par an tant que la Roumanie demeure hors l'espace Schengen, avait pour sa part estimé le ministre de l'Economie Florin Spătaru.
Mais les autorités roumaines montent au front, et continuent de chercher des solutions constructives face au blocage autrichien, décidées d'utiliser tous les mécanismes qui sont à leur disposition pour y parvenir.
Le président roumain, Klaus Iohannis : « Ce vote, aussi décevant qu'il soit, ne me fera pas reculer. Je reste personnellement investi dans ce dossier, et décidé de faire avancer les choses jusqu'à ce que la Roumanie devienne membre à part entière de l'espace Schengen ».
Enfin, selon un sondage d'opinion diligenté par l'Académie roumaine juste avant la réunion du Conseil JAI, près de 78% des Roumains considèrent que la Roumanie est traitée par ses partenaires européens comme un Etat de seconde zone de l'UE, et près de 70% des répondants apprécient que la Roumanie remplit l'ensemble de ses engagements, et qu'elle parviendra un jour à faire partie de l'espace Schengen de l'UE. (Trad. Ionut Jugureanu)
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