Ces dernières décennies, la population migratoire d’esturgeons a baissé de manière dramatique
C'est dans le Danube et dans la mer Noire que l'on rencontre l'une des dernières populations d'esturgeons sauvages au monde. Malheureusement, ces dernières décennies, le nombre de cette population migratoire ancestrale a baissé de manière dramatique, à cause notamment des barrières érigées par les hommes. Les centrales hydroélectriques, et notamment les barrages ont eu un impact considérable, détruisant l'habitat naturel de l'espèce. A côté, la surpêche, le braconnage et la pollution ont provoqué des déséquilibres graves de l'écosystème marin, la population d'esturgeons se voyant directement menacée.
Des six espèces d'esturgeons présentes dans le bassin du Danube, il n'y a plus que quatre qui survivent encore aujourd'hui. Il s'agit du béluga européen, du sterlet, appelé aussi l'esturgeon du Danube, de l'esturgeon étoilé ou sevruga et, enfin, de l'osciètre, appelé encore l'esturgeon diamant. Toutes les quatre sont des espèces en voie d'extinction, des espèces en danger critique de disparition, selon l'Union internationale pour la conservation de la nature. La pêche de l'esturgeon a été interdite pour la première fois en 2006 pour une période de dix ans en Roumanie, alors qu'en 2016 le moratoire a été renouvelé et renforcé pour une période supplémentaire de cinq ans.Pour contribuer à la conservation de l'esturgeon, World Wide Fund (le Fonds mondial pour la nature) Roumanie s'est attaqué à la surpêche, principale menace pour la survie des dernières populations d'esturgeon sauvage au monde. Mais les scientifiques de WWF Roumanie n'hésitent pas à appeler à davantage d'implication, faisant appel à l'Europe pour créer des mécanismes qui permettent aux pêcheurs de la région de s'investir dans des activités productives alternatives, y compris en lien avec la conservation et la protection de la population d'esturgeons et de leur habitat.
A présent, le commerce et la vente d'esturgeons sont strictement interdits en Roumanie, rappelle Cristina Munteanu, manager national du projet de WWF-Roumanie. Ecoutons-la: « La population d'esturgeons est encore très affectée. Nous ne connaissons ni le nombre, ni les espèces d'esturgeon qui avaient survécu à la surpêche d'avant l'instauration du moratoire dans le bassin du Danube et dans la mer Noire. Le suivi, fut-il partiel de cette population, appelle à impliquer des ressources importantes dans le processus - et du temps. Mais selon les infos dont nous disposons à l'heure actuelle, la population d'esturgeons ne s'est pas reconstituée de manière suffisante pour pouvoir envisager de revenir à une pêche libre. Le moratoire de la pêche à l'esturgeon arrive à échéance au mois d'avril 2021. Il faudrait prendre une décision d'ici là. »
WWF Roumanie collabore avec un réseau mondial de chercheurs, réunis sous la coupole de la Société mondiale pour la conservation de l'esturgeon, qui a mis au point un plan européen d'action visant la conservation de cette population de poissons. Le plan, adopté fin 2018 par la Convention de Berne, qui vise à lutter pour la conservation de la vie sauvage et des habitats naturels d'Europe, servira de ligne directrice aux Etats qui abritent les populations européennes d'esturgeon. L'année dernière, 10 pays, soit l'Allemagne, l'Autriche, la Slovaquie, la Slovénie, la Hongrie, la Croatie, la Serbie, la Roumanie, la Bulgarie et l'Ukraine ont démarré un projet commun sur trois ans, censé protéger les poissons migrateurs et en voie de disparition du bassin danubien. Cristina Munteanu précise :« Le projet, financé par l'Union européenne, et qui a été lancé au mois de juin dernier, se propose de mettre au point des méthodologies communes pour identifier l'habitat de l'esturgeon, monter un projet-pilote pour repeupler cet habitat et développer l'aquaculture de l'esturgeon pour arriver à repeupler l'habitat danubien à grande échelle. Par ailleurs, suite à l'analyse des politiques menées actuellement dans le domaine, le projet vise à faire des propositions et des recommandations pour conserver ces espèces. Les plans de navigation, d'exploitation du sable ou du gravier, tous les projets censés se dérouler dans le bassin danubien devraient en tenir compte. Il y a dix Etats impliqués dans ce projet. En fonction de son expérience, chaque partenaire est engrené dans un ou plusieurs groupes de travail. Il existe un groupe de travail censé identifier l'habitat de l'esturgeon, un autre dédié à la conservation ex situ de l'espèce, donc à l'aquaculture, qui sera à la base du processus de repeuplement, un troisième qui s'investit dans l'étude des politiques menées, enfin un quatrième censé recueillir toutes les informations disponibles sur cette population. Si le projet n'est qu'à ses débuts, on est déjà arrivé à rédiger une proposition de manuel pour identifier les habitats de l'esturgeon, analyser les politiques publiques qui ont cours en la matière, et l'on a commencé à élaborer un rapport sur ces politiques ».
Toujours dans le cadre de ce projet, le 18 avril dernier, a eu lieu à Isaccea, dans le département de Tulcea (est), la première tentative de repeuplement du Danube avec des esturgeons diamant. Cristina Munteanu précise :« L'événement a eu un rôle d'exemple. 1500 exemplaires d'esturgeons ont été libérés. Ils ont été marqués et seront suivis pour comprendre le comportement de cette espèce tout au long du Danube et dans la mer Noire, là où ils vont pour se nourrir. Des tentatives de repeuplement auront également lieu en Hongrie, sur une petite échelle, afin de pouvoir les suivre, pour comprendre leur comportement. Ensuite, le repeuplement est prévu sur une plus grande échelle.
L'aquaculture de l'esturgeon s'est développée en Roumanie, et dans ce cas sa commercialisation est légale. Un kilo d'esturgeon d'aquaculture est vendu à 9,50 € alors que le caviar convoité produit par cet esturgeon est vendu entre 1.270 et 2.120 € le kilo. ( Trad. Ionut Jugureanu)
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