C'était un 1er novembre de l'année 1928 qu'allait débuter la diffusion, ininterrompue depuis, du poste national de la radio roumaine.
Considéré à l'époque comme un moyen d'information révolutionnaire, la radio a bénéficié dès le départ de l'attention et de l'appui des autorités publiques, faisant l'unanimité parmi ses auditeurs. L'histoire de Radio Roumanie se confond avec l'histoire du pays. Les périodes de liberté ont été émaillées par de longues périodes de censure, correspondant aux volontés des régimes dictatoriaux qui s'y sont succédés. La mémoire des moments charnière de l'histoire du pays se sont à jamais gravé dans la mémoire publique grâce à la radio. Certains témoignages, conservés dans les archives du Centre d'histoire orale de la Radiodiffusion roumaine, en font aujourd'hui état.
Paul Berstein a été l'un des traducteurs employés par la Radio roumaine, et ses souvenirs remontent loin dans le temps : « Avant 1990, la Radio accueillait nombre de délégations culturelles étrangères, nombre de personnalités culturelles, de partout. Je me souviens tout particulièrement d'une délégation soviétique, dirigée par le ministre adjoint à la Culture du gouvernement soviétique. Reçue en grande pompe par notre direction d'alors, je faisais l'interprète. Un des membres de la délégation était Nikolaï Cerkasov, qui avait fait un rôle formidable dans le film Ivan le terrible. Il avait aimé mon russe, ma maîtrise de sa langue. Il m'avait demandé où j'avais appris parler sa langue. Je l'avais apprise à la maison. Enfin, on s'était lié d'amitié, et il voulait m'offrir un cadeau. Alors, un jour, je suis descendu à Moscou, je lui ai téléphoné. J'avais avant demandé la permission de Bujor, mon chef, le président de la Radio, pour ce faire. Il m'a donné son aval, j'ai téléphoné à Cerkasov, il est venu à mon hôtel. Je lui ai alors rappelé sa promesse de cadeau. Il se montra enthousiaste. « Que désires-tu », me demanda-t-il. Alors, je lui dit : « Je voudrais vous voir réinterpréter dimanche, dans l'église de la Place rouge, un morceau de votre rôle, dans Ivan le Terrible ». Et Cerkasov l'avait fait, aussi invraisemblable que cela puisse paraître. Je n'oublierai jamais ces dix minutes magiques, où j'avais assisté à son jeu. C'était un grand acteur, un monument. C'était du grand art. »
Au début des années 1960, un vent de liberté avait commencé à chauffer le glacis communiste des années d'après-guerre. Ce fut l'époque du lancement du fameux festival international de la chanson de Brasov, intitulé « Le cerf d'or ».
Paul Berstein se souvient : « « Le cerf d'or » a été pour moi l'occasion de rencontrer les magiciens de la scène, les grandes voix qu'étaient Connie Francis, Juliette Greco, Amalia Rodriguez et bien d'autres. Je reçois un coup de fil de l'aéroport de Baneasa m'annonçant l'arrivée de Connie Francis. « Recevez-la avec tous les égards possibles », m'ont-ils dit. Je l'ai invitée au restaurant, et c'est alors que j'ai appris qu'elle faisait partie de l'entourage du clan Kennedy. Et voilà que Connie Francis, une fois rentrée aux Etats-Unis, m'envoie une photo dédicacée : « Pour docteur Paul, de la part de Connie Francis. » C'était énorme. Et puis, pensez aux rencontres avec nos confrères étrangers, de Radio France, des Etats-Unis. J'apprenais de chacun les arcans du métier. C'était une époque enthousiasmante. »
Paul Berstein remémore aussi la manière dont le grand tremblement de terre du 4 mars 1977 avait été vécu par les professionnels de la radio publique roumaine. Un moment de grande émotion : « J'étais chez moi lorsque la catastrophe est arrivée. C'était le soir, peu après 21h00. Après m'être ressaisi, j'ai pris ma fille, et nous sommes allés au siège de la radio. Je vois encore le président d'alors, le célèbre Muşat, perché au 3e étage. J'étais avec lui. Et puis, d'un coup, deux rédacteurs, Preda et Negru, surgissent de nulle part. Et le premier nous dit : « Il faut enregistrer ! ». Le second renchérit : « Les gens sont dans la rue, avec leurs postes, et nous, on ne diffuse rien. Les gens écoutent les radios étrangères. Il faut qu'on descende, et qu'on fasse nos reportages ». On appelait sans arrêt notre agence de presse, Agerpres. Enfin, une ou deux heures plus tard, nous avons finalement reçu l'aval pour faire nos reportages dans la rue. »
La journaliste culturelle Magdalena Boiangiu a elle aussi fait sa carrière à Radio Roumanie. C'est dans un enregistrement daté de 1998 qu'elle raconte les débuts de la populaire rubrique de théâtre radiophonique : « L'éducation au théâtre des millions d'auditeurs a été réalisée grâce à nos rubriques « Le théâtre au microphone », ou encore « Le théâtre radio ». La première avait été lancée alors que la radio squattait encore les locaux du lycée Saint Sava. Les acteurs montaient sur scène et jouaient leur pièce. C'était jouer une pièce de théâtre en vrai, avec des micros installés tout autour, pour capter les répliques et le son d'ambiance. Puis, progressivement, les conditions techniques se sont améliorées. On a eu nos studios d'enregistrement, on a monté des adaptations de grands dramaturges. On a abandonné la scène, les acteurs récitaient leurs répliques, les textes étaient adaptés pour la radio. Moi, j'avais rejoint l'équipe à ce moment-là, dans les années 60. J'avais compris que nous étions à un tournant, que c'était la fin d'une époque et qu'une autre allait commencer. À l'émission « Le théâtre au micro », l'on jouait devant un micro. Avec « Le théâtre radiophonique », on s'zqt lancé dans une tout autre aventure : c'étaient des pièces de théâtre spécialement adaptées, voire spécialement écrites pour la radio. L'auteur sait d'avance que sa pièce n'est pas vouée à être jouée sur les planches, devant un public. Et qu'il doit donc concentrer tout son art dans les paroles, dans les répliques et les sons d'ambiance. Et ce fut une formule gagnante, parfois couronné des prix internationaux prestigieux du métier. »
Radio Roumanie vient de fêter son 93e anniversaire, le 1er novembre passé. D'ici 7 ans, on aura sans doute l'occasion de lui fêter son premier centenaire d'existence. Bonne écoute, chers auditeurs de Radio Roumanie ! (Trad. Ionuţ Jugureanu)
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