Gabriela Adameşteanu, écrivaine exceptionnelle devenue, dès son premier livre, une référence de la littérature roumaine, a eu 80 ans le 2 avril dernier.
Gabriela Adameşteanu, écrivaine exceptionnelle devenue, dès son premier livre, une référence de la littérature roumaine, a eu 80 ans le 2 avril dernier. Sa consécration est venue avec le roman « Dimineață pierdută/Une matinée perdue » (1984), récompensé du prix de l'Union des écrivains de Romanie, traduit dans de nombreuses langues et transformé en un mémorable spectacle théâtral par la metteur en scène Cătălina Buzoianu, au Théâtre Bulandra de Bucarest (1986). Le roman le plus récent de Gabriela Adameșteanu, « Fontana di Trevi » (publié en 2018 aux éditions Polirom) conclut une trilogie débutée en 1975 avec le roman « Drumul egal al fiecărei zile/Vienne le jour » et continuée avec « Provizorat/Situation provisoire » (2010). Elle est également l'auteure des volumes de nouvelles « Dăruiește-ți o zi de vacanță/Accorde-toi un jour de vacances » (1979) et « Vară-primăvară/Été-printemps » (1989), du roman « Întâlnirea/La Rencontre » (2003), de recueils d'articles de presse et du livre de mémoires « Anii romantici/Les années romantiques » (2014). La maison d'édition Polirom lui a dédié une série d'auteur. Entre 1991 et 2005, Gabriela Adameșteanu a été la rédactrice en chef de l'hebdomadaire politique et social « 22 », du Groupe de Dialogue Social, et du supplément « Bucureștiul Cultural », qu'elle a conçu et coordonné jusqu'en 2013.
Lors de l'événement organisé par le Musée national de la littérature roumaine pour marquer son 80e anniversaire, la critique littéraire et professeure des universités Carmen Mușat, actuelle rédactrice en chef de la revue Observator cultural, a parlé de l'activité journalistique de Gabriela Adameșteanu : Gabriela Adameșteanu est une de ces personnalités qui ont donné le ton pour la presse indépendante d'après 1989. Par son activité de rédaction à la revue « 22 » et au Groupe de Dialogue Social, Gabriela Adameșteanu a montré que l'on pouvait faire du vrai journalisme, qui ne dissimule pas les problèmes graves de la société, mais qui les met sur la table et demande qu'on en débatte. Moi, je trouve que la profession de journaliste a une contribution essentielle à la prose de Gabriela Adameșteanu, car je ne vois pas de rupture entre la journaliste et l'écrivaine. Bien au contraire, j'y vois une continuité et je suis sûre que la prose de Gabriela Adameșteanu a eu beaucoup à gagner de son activité journalistique et vice-versa. Cette extraordinaire curiosité pour la dimension sociale, le quotidien, la destinée de l'être humain confronté à l'histoire, au temps, à la politique et à la société - autant de thèmes de la prose écrite par Gabriela Adameșteanu, sont également des thèmes abordés par la journaliste. Cette rencontre du journalisme et de la prose est, à mon avis, particulièrement visible dans le volume Anii Romantici/Les années romantiques. C'est un volume qui, en plus de la dimension autobiographique, extrait sa substance de son activité de rédac en chef de revue, de leader d'opinion et de personne qui s'intéresse aux problèmes sociétaux. C'est aussi un livre où nous retrouvons la structure narrative, les procédés d'écriture et les techniques narratives de la prose de Gabriela Adameșteanu.
Lors du même événement, Gabriela Adameșteanu a rappelé le contexte dans lequel elle avait assumé la direction de la revue « 22 » : Le format de la revue était essentiellement dû à Stelian Tănase (historien, écrivain, premier président du Groupe de Dialogue Social (GDS), fondateur et rédacteur en chef de la revue « 22 »). Moi, j'ai été pour la continuité, mais j'y ai aussi ajouté pas mal de choses. En fait, la politique rédactionnelle indépendante, le programme d'intégration européenne et l'orientation pro-atlantique de la revue « 22 » ont existé dès le début, à l'époque où le ministère des affaires étrangères et la direction du pays ignoraient tout ça. À l'été 1991, la revue allait mal, elle avait un gros tirage, mais elle se vendait peu, et donc le GDS a décidé de lancer un concours de projets. Parmi les candidats, il y avait Alina Mungiu-Pippidi (journaliste et activiste de la société civile), qui voulait une transformation radicale de la revue, qui soit différente de celle héritée de Stelian Tănase. Alors, j'ai eu l'idée de déposer moi-aussi un projet et après, on m'a annoncée que j'allais être la rédac en chef. J'ai pris la direction de la revue en septembre 1991.
Lors du même événement anniversaire au Musée national de la littérature roumaine, Carmen Mușat a raconté sa découverte de la littérature de Gabriela Adameșteanu, dans les années 1980 : J'ai découvert l'écrivaine Gabriela Adameșteanu dans les terribles années 1980, quand j'étais étudiante et quand tout le monde parlait à mi-voix et avec admiration de deux livres: Cel mai iubit dintre pământeni/Le Plus Aimé des Terriens de Marin Preda et Dimineață pierdută/Une matinée perdue de Gabriela Adameșteanu. C'étaient les années des livres-marchandise de contrebande, quand il fallait avoir une connaissance libraire pour arriver à se les acheter, quand il y avait d'immenses files d'attente devant les librairies et quand les libraires en profiter pour vendre ces livres dans un paquet avec des volumes de propagande. « Une matinée perdue » était un sujet de discussions dans les milieux universitaires, dans les cercles de professionnels de la littérature... même chez le coiffeur on en parlait. On remarquait combien ce livre était authentique, combien il épinglait les aléas de l'histoire et leurs effets sur la vie des gens. Pour l'écrivaine Gabriela Adameșteanu, il est essentiel de comprendre la manière dont la grande histoire influe sur les petites histoires, sur la vie des gens ordinaires, mais aussi des personnalités, qui deviennent des victimes de l'histoire en égale mesure, quel que soit leur rang dans la société.
Gabriela Adameșteanu a été vice-présidente (2000-2004) et présidente du Centre roumain PEN (2004-2006), membre du jury du Prix de l'Union latine (2007-2010) et présidente d'honneur du premier jury du Choix Goncourt de la Roumanie (2012). Elle est chevalier de l'ordre des Arts et des Lettres de France (2013). Ses livres font l'objet de nombreux tirages et sont traduits en seize langues, avec de très bonnes chroniques, nationales et internationales. (Trad. Ileana Ţăroi)
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