Au début de l’année 2020, le 11 janvier plus précisément, on commémorait 75 ans depuis la mort d’un des architectes roumains les plus prolifiques : Paul Smărăndescu.
Adepte du style néo-roumain, fondé au XIXe par Ion Mincu, Paul Smărăndescu confère une touche personnelle à ce courant qui mélange des éléments d’art traditionnel et du style brancovan. Outre les projets d’architecture, Paul Smărăndescu a aussi conçu du mobilier ou des éléments décoratifs pour les façades des maisons. Il est né à Bucarest le 26 juin 1881 et les trois maisons de la famille Smărăndescu se trouvent toujours sur la rue Mântuleasa, dans le centre de la capitale roumaine. C’est d’ailleurs un quartier qui tient une place à part dans l’imaginaire collectif de la ville, notamment grâce à la prose fantastique de Mircea Eliade, qui y a grandi. Oana Marinache, historienne de l’art, s’est penchée sur la vie et le travail de Paul Smărăndescu. Ecoutons-la :
« La famille Smărăndescu, en plus de l’architecte, aura aussi deux filles : Constanța et Elena. Constanța épousera l’ingénieur Teodor Săvulescu et leur fils sera lui aussi architecte. Ces trois maisons appartenant à la famille montrent que le père souhaitait que ses enfants vivent près de lui. Les bâtiments sont plutôt modestes et se trouvent du côté de la rue avoisinant l’artère commerçante Moșilor. C’est dû au fait que la mère était parente de la famille renommée de commerçants Solacolu. Et voilà que cette famille qui faisait partie de la classe moyenne pourra envoyer le fils, Paul, étudier à l’école de garçons de la rue Mântuleasa – également fréquentée par Mircea Eliade – et, plus tard, au lycée. A la fin du lycée, Paul sera admis premier à l’Ecole supérieure d’architecture de Bucarest, en 1899. Insatisfait, probablement, de l’éducation qu’il recevait à Bucarest, Paul Smărăndescu quitte son école pour s’inscrire directement en deuxième année d’études à Paris. Il sera un étudiant brillant. Entre 1899 et 1902 il réussit tous ses examens et il obtient même des médailles dans les compétitions universitaires. Par la suite il voyage, il fait des esquisses et des dessins de divers bâtiments antiques, il entre en contact avec des repères architecturaux du monde français, allemand ou italien. Bien évidemment, tout cela joue dans la formation du jeune architecte. »
De retour à Bucarest, Paul Smărăndescu devient le disciple de l’architecte Dimitrie Maimarolu, qui a conçu le bâtiment qui fut jusqu’en 1996 le Palais de la Chambre des députés et qui est aujourd’hui le Palais patriarcal roumain. Ensuite, pendant trois ans, Smărăndescu a occupé le poste d’architecte du ministère de la Culture. De 1912 et jusqu’à la fin de sa carrière, en 1939, Paul Smărăndescu a été l’architecte-en-chef du ministère de l’Intérieur. Il avait également un cabinet privé, où il a dessiné quelques 300 immeubles, dont plus d’une centaine ont vu le jour. Oana Marinache nous parle du travail de Paul Smărăndescu :
« Au ministère, il n’avait pas forcément la chance de concevoir des bâtiments, il corrigeait plutôt des plans, vérifiait les devis ou surveillait des chantiers. Récemment, nous avons eu la surprise de découvrir qu’on lui devait un des bâtiments appartenant à l’Ecole centrale de filles de Bucarest. L’Ecole est connue comme une réalisation notable de Ion Mincu, le premier à concevoir le style néo-roumain. Mais au début du XXe, Smărăndescu conçoit une nouvelle dépendance appelée « la salle de gymnastique et l’internat ». L’immeuble existe toujours, mais il est beaucoup transformé. C’est son collègue plus jeune, Horia Creangă, qui le modifie à la fin des années ’30. Et aujourd’hui, le bâtiment abrite une des salles du Théâtre Bulandra, un établissement renommé de la capitale roumaine. »
Un autre de ses édifices de grande valeur est le Palais Universul, conçu au départ comme le siège du quotidien du même nom. Plusieurs rédactions y ont travaillé au fil des ans et maintenant l’immeuble, restauré depuis peu, accueille des salles de spectacle, des bars et des bureaux. Paul Smărăndescu a aussi conçu des habitations standard pour les fonctionnaires du ministère de l’Intérieur. Les immeubles étaient situés à l’est de Bucarest, à l’époque à la périphérie de la ville. C’est toujours lui qui a commencé, à l’initiative du roi Carol II, à dessiner un nouveau siège du ministère de l’Intérieur. Il a dû délaisser le projet en raison de son âge et de son départ à la retraite. Mais d’autres architectes ont repris les plans et le résultat est l’imposant édifice qui fait face à l’ancien Palais royal, aujourd’hui le Musée national d’art. C’est là que le Parti communiste roumain a installé son comité central et là aussi, après la Révolution, que le Sénat a choisi de siéger. Alors qu’il est connu comme adepte du style néo-roumain, Paul Smărăndescu a abordé plusieurs styles dans sa carrière. Oana Marinache :
« Avant la Première Guerre mondiale, il s’adaptait aux commandes privées qu’il recevait. Il a même dessiné des bâtiments dans le style éclectique français, car il sortait de l’école d’art de France, où il avait vu tous ces hôtels particuliers somptueux. Mais il abandonnera cette influence pour se concentrer sur le style néo-roumain. D’ailleurs, ses immeubles s’inscrivent dans la lignée Smărăndescu du style néo-roumain. Ce sont des édifices massifs, des résidences somptueuses à un ou deux étages, richement décorées avec des bas-reliefs en pierre aux motifs végétaux, où le bois est très présent à l’intérieur. On remarque un changement pendant l’entre-deux-guerres – ce n’est pas forcément un tournant stylistique, il vient plutôt du besoin de changement de la ville et du parcellement des terrains. On préfère alors les immeubles plus hauts, qui remplissent une double fonction – commerciale et locative, et Paul Smărăndescu réussit à en faire plusieurs pour des compagnies d’assurances dans le centre de Bucarest. »
Les bâtiments de Paul Smărăndescu ne se trouvent d’ailleurs pas uniquement à Bucarest, mais aussi dans d’autres villes de Roumanie. L’architecte avait une résidence secondaire à Sinaia, à deux heures au nord de la capitale. Aujourd’hui, dix villas conçues par Paul Smărăndescu sont encore debout.
(Trad. Elena Diaconu)
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