Une scène gigantesque ayant accueilli 2673 artistes et invités de 70 pays
Le programme de la 22e édition du Festival international de théâtre de Sibiu était une promesse tenue: celle de son directeur, le comédien Constantin Chiriac, de lui donner encore plus d’ampleur, tant par le nombre croissant d’événements, d’artistes et de spectateurs, que par un surcroît de qualité. Dix jours durant, la ville de Sibiu s’est transformée en une scène gigantesque, afin d’accueillir les 2673 artistes et invités de 70 pays, protagonistes de 427 événements suivis journellement par quelque 65 mille spectateurs.
Un des moments forts du festival a été la première du spectacle « Nathan le sage », co-produit par le Théâtre national « Radu Stanca » de Sibiu et Schauspiel Stuttgart, et mis en scène par Armin Petras. Ce spectacle est plus qu’une simple mise en scène du texte de Gotthold Ephraim Lessing, remarque la comédienne Ofelia Popii : « Il traite de thèmes d’une grande actualité. J’ai été surprise de constater que le texte a été transposé sans manipulation ni détournement du sens. Il a amené sur le devant de la scène des idées qui nous concernent tous, liées à la religion, à la politique, mais aussi des sujets très humains, tels que la qualité de parent, la signification de l’amour, des relations inter humaines. C’est un spectacle que j’aimerais voir en spectatrice, parce qu’il soulève bien des questions. Une expérience dont vous sortirez changés. »
Joué par des comédiens de Roumanie et d’Allemagne, en roumain, allemand et anglais, ce spectacle sera présenté aussi à Stuttgart et à Oslo.
Un autre spectacle qui a tenu en haleine les spectateurs, pendant trois heures, jusque tard dans la nuit, a été « Mein Kampf » (« Mon combat »), de George Tabori, dans la vision scénique d’Alexandru Dabija du Théâtre national de Cluj-Napoca. « Mein Kampf » est une farce antinazie, le chant de liberté de l’auteur, lui-même victime de la terreur nazie.
Ionuţ Caras interprète le rôle de Shlomo Herzl, un vieux Juif, qui accueille dans son asile de nuit de Vienne un jeune, prénommé Hitler, qui souhaite étudier à l’Académie des Beaux-Arts: « Le texte, d’une très bonne qualité, aide beaucoup. C’est une comédie noire, une tragi-comédie. Tabori, qui a perdu presque toute sa famille dans les camps de concentration, a considéré l’humour comme l’unique modalité possible de rendre la monnaie à l’histoire, pour ainsi dire. En plus, le metteur en scène Alexandru Dabija n’est pas quelqu’un de sobre, de rigide. Bien au contraire. Il est très jeune d’esprit et très vivace. Vient ensuite la contribution d’Ada, de nous autres, comédiens, qui formons la troupe de Cluj. Nous sommes dans une très bonne forme artistique et assez expérimentés en comédie. La première lecture du texte me faisait tantôt rire aux éclats, tantôt ravaler mon rire. On aurait dit une sensation de carrousel, de montagne russe. C’est un spectacle bouleversant et pour les comédiens et pour le public. J’y ai travaillé avec une énorme joie. Le rôle que j’ai joué me tient à cœur. Je tente de rester suspendu, mais debout, accroché à ce fil assez mince, en équilibre entre la comédie et le drame. »
Trois femmes, trois générations, trois approches de la vie : la grand-mère, la mère et la fille. C’était quoi être Juif dans l’Allemagne communiste d’il y a cinquante ans ? Et de nos jours ? Ces interrogations sur l’identité, sur l’appartenance et la patrie sont explorées dans le spectacle « Mameloschn – la langue commune », présenté en ouverture du festival par le Deutsches Theater de Berlin. Voici ce que déclarait le dramaturge Ulrich Beck : « Nous avons eu de la chance avec ce texte, qui, à notre avis, est très important pour Berlin et pour l’histoire des Berlinois. L’explication ne tient pas qu’à la question juive. Je pense que les publics allemand et roumain ont apprécié les blagues, les relations qui se tissent entre les trois femmes. Je pense que leurs problèmes, mais aussi l’affection et la communication qui existent entre elles sont très touchants. Je crois aussi que les liens politiques et sociaux entre les gens représentent un filon d’inspiration important pour le théâtre contemporain. La situation politique n’est pas sans influencer leur vie. »
Les spectacles de danse constituent depuis longtemps déjà une des grandes attractions du Festival International de Théâtre de Sibiu. Ce fut aussi le cas de « Derviche », créé et interprété par Ziya Azazi. Formé à la danse contemporaine, Ziya Azazi n’allait retourner à ses racines que vers l’âge de 30 ans. « Derviche – la danse du moine » est un spectacle à vocation universelle, malgré des apparences de danse traditionnelle. L’important pour le danseur et chorégraphe turc Ziya, c’est comment réaliser la fusion entre l’intérieur et l’extérieur: « Si vous débloquez le canal qui relie les deux mondes, toutes les informations de l’intérieur fusent dans la réalité extérieure et vice versa. Si vous y arrivez, la liberté de mouvement est garantie. Voilà donc l’état d’esprit que je cherche. Je tente de purifier mon esprit, mon corps et de préparer la rencontre avec mon public. Et c’est à cette fin que je monte sur scène. Bien sûr que je vise aussi à montrer mes habiletés, ma propre vision et mon approche chorégraphique, mais ce qui compte le plus c’est d’être vrai sur les planches, de parvenir à joindre les deux univers. Et je crois y parvenir dans ce spectacle, grâce à la transe, aux connotations mystiques, aux mouvements répétitifs ou à leur variation graduelle. Tout cela m’aide à être plus réel et plus transcendantal. Peu importe où je donne mon spectacle. Où que j’aille, le public me comprend. Et l’effet est invariablement positif, comme vous avez pu le constater ici, en Roumanie. » (trad.: Mariana Tudose)
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