...son évolution durant les trois dernières décennies, les événements accueillis et le climat naturel, qui y est né, le rendent toujours plus attrayant.
Le quartier de Crângași, sis dans l'ouest de Bucarest, est aussi le périmètre à l'intérieur duquel l'on retrouve le plus grand lac artificiel de la capitale roumaine, aménagé en 1986. C'est le lac Morii (du Moulin), mais il est aussi connu sous le nom de Ciurel et même de Dâmbovița, comme la rivière qui traverse la ville du nord-ouest à l'est. L'impressionnante étendue d'eau a fait partie du vaste projet d'aménagement de la rivière qui coupe Bucarest en deux.
L'historien Cezar Buiumaci, du musée de la ville de Bucarest, nous raconte l'histoire du lac le plus récent et le plus grand de la capitale.: « Le lac Morii est une composante de l'aménagement de la rivière Dâmbovița. L'idée de le créer apparait dès le démarrage des travaux de systématisation de Bucarest, au début de la neuvième décennie du XXe siècle. C'était le grand projet de transformation radicale de la ville, nourri par Nicolae Ceaușescu. Le leader de Bucarest reprenait une idée lancée bien avant cela, celle de la construction d'un canal qui relie la capitale au Danube, via les rivières Dâmbovița et Argeș. L'analyse du débit de la Dâmbovița a montré que l'ancien lit de la rivière ne supporterait pas un transport fluvial. Or, pour augmenter ce débit, deux grands lacs de retenue ont été construits : le lac Ciurel, connu aussi sous les noms de Morii et Dâmbovița, et le lac Văcărești. »
Cet ample projet, qui redessinait la rivière Dâmbovița vers le milieu des années 1980, avait une composante politique, mais aussi une autre, d'urbanisme, rappelle Cezar Buiumaci. « Le 5 juillet 1985, le Comité politique exécutif du Comité central du Parti communiste roumaine se réunit pour mettre en exergue la nécessité d'aménager la Dâmbovița, dans le cadre du projet du nouveau Centre civique de la capitale. Le projet comprenait un grand lac de retenue à l'ouest de la ville, pour stocker un grand volume d'eau propre, destiné à alimenter la rivière. Le lac était en même temps un système de protection contre les inondations et une zone de loisir. L'aménagement du lit de la Dâmbovița avait pour but d'améliorer le climat, de créer des conditions pour la rendre navigable et d'effectuer les travaux pour le canal Bucarest - Danube, approuvés par le Décret 201 du 12 juillet 1985. »
L'idée de rendre la Dâmbovița navigable a finalement été abandonnée, suite à l'avis des experts. L'inauguration festive du chantier a lieu le 28 septembre 1985, et la porte du barrage de Ciurel se refermait une année plus tard, en août 1986, raconte l'historien Cezar Buiumaci. « Le grand ouvrage du lac de retenue Ciurel fut achevé le 21 août 1986. C'était le plus grand lac artificiel de Bucarest, un plan d'eau de 240 hectares et un volume total de 20 millions de mètres cubes, destiné à l'alimentation en eau de la ville, du système d'irrigation et des entreprises industrielles. Le lac était aussi censé collecter les crues. L'ouvrage incluait également l'aménagement de la Dâmbovița en amont du lac, jusqu'à Dragomirești-Deal, sur une longueur d'environ 5 km, pour protéger plus de 1100 hectares de terrain agricole ainsi que d'autres investissements réalisés à proximité du lit de la rivière. Pour évacuer l'eau du lac, un barrage fluvial en béton armé, prévu de trois vannes, chacune ayant une ouverture de 6 mètres, a été construit près du pont Ciurel. « La mer » du quartier Crângași a entre 5 et 10 mètres de profondeur et elle est endiguée par un barrage en argile compacte, provenant de l'excavation du réservoir de ce lac. »
La mise en œuvre de cet ample projet a également impliqué le démantèlement de plusieurs communautés humaines et d'un cimetière de la zone. Des légendes urbaines parlaient de restes humains que l'on pouvait apercevoir, des fois, à la surface du lac surnommé « de la Mort ». Cezar Buiumaci ajoute : « Dans ce coin de la ville, en plus d'autres objectifs, il y avait le cimetière paroissial de l'église Crângași. Les autorités de l'époque ont décidé de le fermer et de faire réinhumer les restes humains dans le cimetière Giulești-Sârbi. Les exhumations ont commencé au début de l'année 1985. Puisqu'il fallait le faire vite, les membres du personnel ne pouvaient pas achever cette tâche dans les délais alloués et les fossoyeurs des autres cimetières avaient refusé de les aider. Alors, l'on y a fait venir des travailleurs du service de propreté de la ville. La construction du lac sur l'emplacement de l'ancien cimetière est un sujet de légendes urbaines. »
Un autre objectif de la construction du lac Morii a été celui d'aménager une zone de loisir et de sport, raconte l'historien Cezar Buiumaci.: « Construit dans une zone très peuplée de la capitale, le lac Dâmbovița devait avoir aussi une composante culturelle et sportive. Accessible, depuis les autres quartiers, en métro et par le transport de surface, cette zone était dotée de facilitées pour des activités sportives terrestres et nautiques: des débarcadères pour la pêche sportive et une île d'environ 5 hectares, construite en grande partie par le travail dit patriotique, c'est-à-dire non rémunéré, des travailleurs de plusieurs entreprises, qui ont effectué plus de 70 000 heures de travail jusqu'au 2 septembre 1987. »
Le lac Morii, sis au nord-ouest de Bucarest, est devenu un repère important de la ville. Son évolution durant les trois dernières décennies, les événements accueillis et le climat naturel, qui y est né, le rendent toujours plus attrayant.
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