Adolphe A. Chevallier a été un photographe d’origine suisse et roumaine, de la ville de Piatra Neamț (nord-est de la Roumanie).
La photographie se répand rapidement dans l'espace roumain au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, grâce à des étrangers, mais aussi à des habitants des lieux, qui prennent en photo des paysages, des gens, des localités et des situations quotidiennes. Des noms, tels celui de Carol Popp de Szathmary, sont liés à la photographie de guerre, Popp de Szathmary ayant participé à la guerre de Crimée de 1853-1856. Franz Duschek est l'auteur de quelques-unes des plus anciennes photos de Bucarest. Franz Mandy a documenté en photos la Guerre d'indépendance de la Roumanie de 1877-1878, Ioan Spirescu a fait connaître la photographie couleur, Iosif Berman a été le père du photojournalisme roumain, apparu au début du XXe siècle. Sur cette longue liste de noms, apparait aussi celui d'Adolphe A. Chevallier, photographe d'origine suisse et roumaine de la ville de Piatra Neamț (nord-est de la Roumanie).
Fils d'un père suisse et d'une mère roumaine, Adolphe A. Chevallier naquit en 1881, dans le nord de la province de Moldavie. Enfant, il décida de devenir artiste visuel, ce qui le poussa plus tard à étudier l'art de la photographie en Suisse, à Lausanne, où son père l'avait envoyé. Après ses études, il obtint le brevet de photographe de la Cour royale de Roumanie et il ouvrit son propre atelier de photographie à Piatra Neamț. Certaines de ses photos se transformaient en cartes postales illustrées. Le professeur Sergiu Găbureac, qui signe, avec Ilie Gînga, le volume « Chevallier, le chroniqueur-photographe de la contrée de Neamţ », raconte le soutien reçu par Chevallier dans sa profession : « Un ingénieur forestier n'avait pas de difficultés matérielles à cette époque-là, d'autant plus qu'Adolphe Chevallier-père avait été appelé en Roumanie par le roi Carol I, pour s'occuper du domaine forestier de Moldavie. Que distingue Chevallier de tous les autres nombreux photographes de son temps? Premièrement, tous les ces photographes avaient pour but de gagner leur pain quotidien. Chevallier avait eu, lui-aussi, ce problème, mais il avait eu cette idée formidable de faire des photos d'intérêt public, devenues à la longue un vrai trésor ethnographique pour les chercheurs et très apprécié également à l'époque. Pas mal de ses photos se sont transformées en messagers de la poste. »
Quels étaient les sujets des photos réalisées par Chevallier ? Sergiu Găbureac répond à cette question dans le livre structuré en huit chapitres : « Dans « Pe cărări de munte/Sur des sentiers de montagne », il décrit le mont Ceahlăul, le massif de Rodna, la vallée de la Bistrița. Le chapitre « Vetre de lumină/Foyers de lumière » est consacré à la lumière spirituelle, aux églises et monastères de Moldavie, jusqu'à Cernăuți/Tchernovtsy, où il reçoit, en 1938, une commande du Patriarcat orthodoxe roumain de réaliser une série de photographies. Le chapitre « Domeniile Coroanei Broșteni și Bicaz/Les domaines de la Couronne de Broșteni et Bicaz » contient quasi entièrement des photos uniques de ces zones. Le quatrième chapitre, « Familia regală la Bicaz/La Famille royale à Bicaz », est lui-aussi sans pareil, puisque l'auteur fut le seul photographe à avoir été autorisé à prendre des photos de la famille royale retirée à Bicaz durant le premier embrasement mondial. Le cinquième chapitre est très intéressant puisqu'il documente la quasi-totalité des occupations quotidiennes des habitants de la vallée de la Bistrița. Le sixième chapitre présente pleinement la beauté du costume traditionnel de Moldavie et d'autres zones du pays. À travers le septième chapitre, Chevallier nous emmène à Piatra Neamț et dans d'autres lieux, grâce à des images-document de nombreux édifices, malheureusement abattus durant le régime communiste. Enfin, le huitième chapitre est consacré au premier jamboree des scouts de Roumanie, qui a eu lieu à Piatra Neamț. »
En 1914, le ciel s'assombrissait au-dessus de l'Europe, annonçant le début de la première conflagration mondiale. La Roumanie est entrée elle-aussi en guerre en 1916 et Adolphe A. Chevallier s'est engagé comme soldat volontaire. Il a rempli son devoir dans le cadre de l'hôpital militaire de Piatra Neamț, sans pour autant abandonner la photographie, raconte Sergiu Găbureac : « Chevallier s'est montré plus patriote que beaucoup de patriotes de l'époque, notamment de la scène politique. Des fois, dans ses lettres, il s'indigne de la manière dont le problème roumain était traité. Il a constamment affirmé son origine roumaine, qu'il n'a jamais reniée, ni même sur son lit de mort. »
Adolphe A. Chevallier mène une vie professionnelle et personnelle prospère, dans la Grande Roumanie de l'entre-deux-guerres. Il se marie en 1925 et aura deux filles de ce mariage. Mais la deuxième guerre mondiale lui changera la vie. En 1945, après la fin du conflit, il se rend à Bucarest et constate que le monde a changé, raconte Sergiu Găbureac : « Il arrive à Bucarest et se met en colère lorsqu'il apprend que sa profession a été incluse de force dans une coopérative d'artisanat. De telles coopératives, d'inspiration soviétique, se répandaient dans tous les domaines d'activité. Chevallier, qui est un esprit libre, ne peut l'accepter et commence à avoir des ennuis avec les autorités. Constatant que sa place n'est plus en Roumanie, Adolphe A. Chevallier se retire chez ses filles, à Lausanne, en Suisse. »
Adolphe A. Chevallier s'éteint à l'âge de 81 ans, le 23 avril 1963, à Baden, au bout de treize ans d'exil suisse, laissant derrière lui une vaste œuvre photographique, très appréciée des collectionneurs. (Trad. Ileana Ţăroi)
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