C’est un projet qui encourage une consommation d’art saine, grâce à une relation directe et sans intermédiaires entre les artistes et le grand public, à l’aide d’un distributeur automatique d’œuvres d’art.
À quoi un monde, où des distributeurs automatiques d'ouvrages d'art contemporain seraient accessibles dans les stations de métro, dans les galeries commerciales ou dans le hall d'entrée d'un bâtiment de bureaux, ressemblerait-il ? Le projet « Art Machine » du trio d'artistes contemporain « Pastila Roz » pourrait nous aider à imaginer une réponse à cette question.
C'est un projet qui encourage une consommation d'art saine, grâce à une relation directe et sans intermédiaires entre les artistes et le grand public, à l'aide d'un distributeur automatique d'œuvres d'art, explique l'artiste visuel Alexandru Claudiu Maxim: « « Art Machine » est une vending machine (distributeur automatique) d'art, qui contient des petites séries de 100 créations originales, du vrai art. Elles ont les dimensions d'une carte de visite, coûtent 10 lei (soit 2 euros) et sont signées par un artiste déjà connu ou qui nous donne envie de le découvrir. C'est aussi un concept qui veut tisser un lien entre les artistes contemporains et le public, comme une sorte de catalogue subjectif à travers lequel nous disons: voilà, nous pensons que c'est ça ce qu'il vaut acheter en ce moment en matière d'art. Et puis, c'est aussi un jeu à la collection d'art miniature, un jeu nécessaire, selon nous, pour multiplier les façons de consommer de l'art. Le distributeur automatique est installé dans une librairie ouverte dans une galerie commerciale de Bucarest. »
Quel est l'élément essentiel de la conception du projet ? Quelle est l'approche sur laquelle repose le choix des idées, des créations et des artistes, auxquels le distributeur automatique d'art contemporain donne accès? « La conception d'ensemble appartient à Marian Codrea, lui-même artiste visuel et sculpteur. Les deux autres membres de « Pastila Roz », c'est-à-dire Beaver et moi, y contribuent également avec des idées, mais, dans la plupart des cas, c'est lui qui prend contact et qui discute avec les artistes. Moi, je peux vous dire que nous sommes à la recherche d'artistes audacieux et originaux, qui aient un style particulier ou dont les propositions collent avec l'idée de distributeur automatique et d'art miniature. Il nous est arrivé d'être contactés sur Instagram par des gens qui, même aujourd'hui, ne se définissent pas comme artistes, mais qui ont eu de très bonnes idées, dont certaines se sont retrouvées dans la « vending machine ». Par exemple, pendant le confinement, Syd Buzoianu nous a proposé de réaliser une collection de billets d'avion vers des destinations surprenantes - des époques culturelles passées, d'autres planètes, des films, des sentiments de bonheur ou d'extase. Nous avons beaucoup aimé son idée tellement originale et nous l'avons tout de suite adoptée. », répond-il.
Le monde actuel est saturé par les médias sociaux et le consumérisme. Alors, est-il souhaitable de mettre ensemble le distributeur automatique comme élément représentatif du consumérisme et l'art en tant qu'expression de valeurs culturelles et morales? Alexandru Claudiu Maxim précise : « À propos du consumérisme actuel, moi, je dirais que ce projet est une alternative qui encourage une consommation saine d'art original au lieu des copies envahissantes. Certes, « Art Machine » se sert de cette façade de consommation, mais il met en avant, essentiellement, un matérialisme qui va dans le sens de l'amour et du respect pour un objet, dont on prend soin et que l'on protège parce qu'il est unique. En tant que citadins, il nous est impossible, je crois, d'échapper au consumérisme et la bataille pour s'attirer l'attention du public est rude. À notre avis, ce projet devrait créer des communautés d'artistes et d'amateurs d'art. Nous ciblons les gens curieux et ouverts d'esprit, qui s'intéressent à l'art contemporain, sans pour autant savoir comment s'en approcher, car c'est un milieu parfois obscur. « Art Machine » pourrait s'avérer un portail d'accès pour eux. Le premier prototype d'« Art Machine » a fait son apparition en mars 2019, lors de l'exposition « Pastila Roz - The Resolution Will Be Supervised », à la galerie « Atelier 030202 », un espace coordonné par Mihai Zgondoiu. Ce fut une des premières expositions bucarestoises du groupe « Pastila Roz ». Six mois plus tard, en septembre 2019, à « Art Safari », « Art Machine » trouvait une place à l'exposition d'art sur-contemporain « Young Blood, Art of Your Time », dont Mihai Zgondoiu a été le commissaire. Un objet d'art fonctionnel dans un appareil professionnel, qui distribuait des créations artistiques contre 1 leu, 5, 10 ou 50 lei (soit entre 20 centimes d'euro et 10 euros). Les visiteurs choisissaient eux-mêmes le montant en fonction de ce qu'ils pensaient de l'art contemporain. Il n'y avait aucune différence entre les ouvrages, tout était une question de perception. Tous les 700 ouvrages que nous, le trio « Pastila Roz », avions préparés s'étaient vendus dès le premier jour. Donc, nous trois, on s'était transformé en une machine d'art, qui fonctionnait à longueur de journée. Une idée tellement bonne, que d'autres artistes et même des visiteurs d'« Art Safari » nous ont rejoints; les gens s'arrêtaient, un crayon à la main, au bar ouvert à l'extérieur. Sur les dix jours d'exposition, nous avons réussi à vendre trois mille ouvrages et à épuiser nos idées. En août 2020, « Art Machine » a changé de trajectoire et veut développer une communauté qui propose une nouvelle façon de consommer l'art contemporain. Le nombre d'artistes qui s'impliquent dans notre projet s'accroît constamment. Dans un premier temps, nous avons travaillé avec des artistes plasticiens et des graphistes, afin de promouvoir l'idée d'art original. Je mentionnerais Pisica Pătrată, Obert, Teodora Gavrilă ou bien Irina Iliescu, mais nous avons aussi collaboré avec des photographes et des metteurs en scène. »
À la fin de l'interview, l'artiste visuel Alexandru Claudiu Maxim a parlé de l'avenir de ce projet, tel que ses auteurs l'imagine: « Nous envisageons de développer le projet dans d'autres villes aussi, notamment là où il existe des institutions d'enseignement artistique supérieur, à Cluj, Timișoara ou Iași. À propos de la mise en place d'autres communautés, d'autres « Art Machine », c'est une entreprise que les artistes locaux devraient assumer. Nous cherchons aussi à fabriquer un nouveau distributeur automatique, pour des ouvrages plus grands, de type carte postale. », a conclu l'artiste visuel Alexandru Claudiu Maxim. (Trad. Ileana Ţăroi)
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