Un lieu unique en Roumanie soigne les ours tenus en captivités dans des conditions impropres.
Tout près de la ville de Zărnești, dans le département de Brașov, se trouve le plus important sanctuaire d'ours au monde. Ouvert en 2008 par les associations «Des millions d'amis » et l'Association mondiale pour la protection des animaux, le sanctuaire accueille plus de cent exemplaires d'ours bruns, la plupart sauvés d'un sort atroce passé en captivité. Et chacun de ces ours traîne avec lui sa propre histoire. Certains, sauvés de cages étroites, où ils n'étaient gardés que pour amuser les clients de restaurants, hôtels ou cirques, voire même de pompes à essence et de monastères. D'autres, ramenés depuis certains Zoos du pays, où leurs conditions de vie laissaient à désirer, sinon détenus encore en captivité et en toute illégalité dans certaines propriétés privées. Mais, ici, à Zărneşti, les ours bruns se prélassent sur un territoire, partiellement boisé, de 70 hectares, doté de plans d'eau, nourris et logés dans des abris individuels. De fait, le sanctuaire a vu le jour suite à l'émotion provoquée par la mort violente d'une femelle ours, Maya, longtemps maintenue en captivité pour l'amusement des touristes, pour être finalement sauvée par Cristina Lapiş, la présidente de l'Association Des millions d'amis, celle-là même qui a posé les bases du sanctuaire. Cristina Lapiş, sur la création de ce lieu unique : « Il y a 15 ans depuis la création de la réserve. Elle n'aurait jamais vu le jour si Maya n'était pas morte quasiment dans mes bras, cela après s'être automutilée, après avoir carrément mangé ses pattes antérieures. Cette femelle était maintenue illégalement en captivité, dans une cage, par le propriétaire d'une auberge située à proximité du château de Bran, le château de Dracula, haut lieu touristique de la région. L'animal était censé attirer les clients. Mais les touristes, étrangers notamment, qui passaient visiter le château ont fini par tirer la sonnette d'alarme. Ils ont fini par saisir l'Association mondiale pour la protection des animaux. Et l'association m'avait alors contactée, pour me demander de me rendre sur place et d'analyser la situation. C'est alors que j'avais découvert d'autres exemplaires maintenus illégalement en captivité près de l'hôtel Poiana Ursului, dans la station de montagne de Poiana Brașov. Des ours carrément maltraités. Et c'est à ce moment-là que je me suis proposé de faire de mon mieux pour qu'ils puissent retrouver leur liberté. J'avais conçu un plan, j'avais réussi à embarquer les autorités locales et arracher leur soutien pour fonder le sanctuaire. Et c'est ainsi que l'aventure a démarré. A l'époque, j'étais loin d'imaginer pouvoir y accueillir 106 animaux, le nombre que le sanctuaire compte à présent. Mais, voilà, c'est ainsi que la Roumanie peut aujourd'hui s'enorgueillir de détenir le plus important sanctuaire d'ours brun au monde. Et, en 2016, nous avons été désignés comme étant le sanctuaire le plus étique au monde, suivis par le sanctuaire des gorilles et par celui d'éléphants, qui occupent la 2e et la 3e place de ce classement. »
Certes, les ours de Zărneşti ne peuvent plus retrouver l'état sauvage, et peu d'entre eux supportent encore la proximité de l'homme, celui-là même qui les a longtemps, trop longtemps, maltraités. Cristina Lapiş : « Nous accueillons dernièrement des ours confisqués à leurs propriétaires illégaux par les garde-forestiers. Ces propriétaires c'étaient une boulangerie, l'usine d'uranium, des monastères, des pompes à essence. Vous imaginez. Des lieux pour le moins insolites pour ces animaux. Ils étaient maintenus là par habitude si l'on veut, en souvenir des temps jadis, lorsque les ours étaient utilisés par les cirques ambulants, lorsqu'ils étaient dressés et voyageaient avec leurs dresseurs dans les villes de province. A la fin de sa vie misérable, l'ours était transformé en trophée et sa peau vendue. Tel fut le cas d'un ours tué dans une cage, à Poiana Brașov, et dont la valeur marchande avoisinait les 10, 15 mille euros. Mais l'ours brun est le roi des bois des Carpates, il est le symbole de ces lieux, quel gâchis que de l'enfermer dans une cage, de le maltraiter et de le transformer en marchandise. Mais il existe une législation internationale que la Roumanie se doit d'observer et de la faire respecter. Car la Roumanie avait signé et ratifié la Convention internationale de Berne, reconnaissant en cela l'ours brun comme animal protégé. Malheureusement, nous n'avons pas pu accueillir tous les ours maltraités du pays. Selon les informations dont nous disposons, nous comptons entre dix et quinze exemplaires qui vivent toujours en captivité, dans des conditions toute aussi mauvaises. Un seul exemple : il existe dans le village de Straja un exemplaire d'ours brun maintenu en captivité dans une cage, par le propriétaire d'une auberge. Cela fait 20 ans qu'il est enfermé ainsi dans cette auberge. Et tous les ans, le propriétaire fête son anniversaire, lui donne à boire, lui prépare un gâteau, il filme la fête et met la vidéo sur YouTube. Tout le monde peut voir çà. Et nous pressons depuis 10 ans les autorités à faire libérer cet ours et l'amener dans le sanctuaire ou dans un zoo, enfin dans un endroit plus propice à une vie décente pour cet animal. »
La Roumanie compte en effet la population d'ours brun la plus importante du continent. C'est que l'espèce adore les forêts étendues et le climat, les territoires sauvages vastes, peu fréquentés par l'homme. Cependant, le déboisement ne manque pas de porter préjudice à l'espace vital de cette espèce, et les incidents impliquant l'ours et l'homme ne sont pas rares. Certes, des ours descendent jusqu'aux villages et provoquent des dégâts. Comment gérer dès lors le problème ? A nouveau, Cristina Lapiş : « A l'heure actuelle, nos forêts n'abritent plus les fruits de bois, les champignons qui constituaient l'essentiel de la nourriture de l'espèce. Et cela, parce que les hommes ont pris l'habitude de tout cueillir. Alors, l'ours s'adapte, il ne trouve plus à manger dans les bois, il est donc obligé à descendre dans les villages. Et puis, les maisons et les auberges s'élèvent comme des champignons au beau milieu des forêts, puis les gens préparent leur barbecue, c'est comme si on les invitait à table. Ensuite, l'on s'étonne lorsque l'on se retrouve nez-à-nez avec l'ours. C'est normal. Les ours affamés descendent chercher à manger. Ils ne vont pas venir s'y promener. C'est nous en fait qui nous invitons chez eux. Nous avons occupé leurs territoires, nous leur avons pris la nourriture, et puis l'on s'étonne. Trouver la bonne solution c'est toujours une affaire complexe. Parce que les chasser, les tuer n'est certainement pas la bonne solution. Selon moi, les propriétaires des maisons et des hôtels situés à la lisière des bois devraient ériger des clôtures électriques, devrait se charger de leur propre protection, et arrêter ainsi l'ours d'y pénétrer. Et puis les villages et les villes situés à proximité de leur habitat naturel devraient planter des vergers de pommiers, de poirier, du maïs. L'ours descend pour trouver à manger. Il s'arrêterait là, et éviterait d'aller plus loin. Par ailleurs, les associations de chasseurs, les gardes forestiers devraient leur assurer la nourriture dont ils ont besoin au printemps, comme cela se faisait dans le temps. »
Et parce que le sanctuaire de Zărneşti risque d'atteindre le maximum de sa capacité d'accueil, le ministère de l'Environnement vient d'annoncer la fondation d'un nouveau. Dans la même veine, les habitants des villages situés à proximité de l'habitat de l'ours brun devront bénéficier de crédits pour s'acheter des clôtures électrifiées, censées mieux protéger les foyers. Enfin, les autorités promettent de financer une étude exhaustive sur l'évolution de la population de l'ours brun, qui nous permettra de connaître le nombre exacte d'exemplaires d'ours brun que les forêts roumaines abritent à l'heure qu'il est. (Trad. Ionuţ Jugureanu)
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