Le Festival international du film documentaire et des droits de l’homme
Le documentaire « Strada Deşertului nr. 143 » / « 143 rue du désert », une coproduction Algérie, France, Qatar, a remporté cette année le trophée du Festival international du film documentaire et des droits de l'homme One World Roumanie. Le film, récompensé aussi du Prix des lycéens, est réalisé par le cinéaste algérien Hassen Ferhani et avait été sacré l'année dernière au Festival international de film de Locarno et aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal. Quant au public de One World Roumanie, il a choisi pour gagnant le documentaire français « Ne croyez surtout pas que je hurle » de Frank Beauvais, récompensé lui aussi par le jury des lycéens avec une mention spéciale.
La 13e édition du Festival international du film documentaire et des droits de l'homme One World Roumanie s'est déroulée fin août à Bucarest, mais aussi en ligne, cinq mois plus tard que prévu initialement. Fin mars, les cinémas et autres salles de spectacles de Roumanie fermaient, à cause de l'épidémie de coronavirus. Mais voilà que les organisateurs, avec l'appui de l'Institut culturel roumain, ont pu finalement reprogrammer le festival. L'édition de cette année a été dédiée à l'homme sans identité - sans identité claire aux yeux de la majorité. L'étranger, le membre d'une minorité, la marge, la périphérie, bref, tout ce qui n'est pas la norme. Cela peut désigner, en fonction du contexte, quelqu'un de la communauté rom ou LGBT, une personne pauvre, un réfugié, un immigré.
Andrei Rus, le directeur artistique du Festival : « Un sondage commandé par le Conseil national de lutte contre la discrimination a été rendu public récemment. Il est très parlant sur le niveau de racisme, de xénophobie et d'homophobie de la société roumaine. Il a été réalisé en 2018 et contient des questions du type « Accepteriez-vous qu'une personne d'ethnie rom fasse partie de votre famille, soit votre ami, collègue de travail ou voisin ? » Ce qui est intéressant, c'est que pour la première fois en 30 ans, les résultats ont été plutôt encourageants. Bien évidemment, nous sommes loin d'être une société inclusive, qui accepte la diversité à 100%. Mais c'est pour la première fois que plus de la moitié des personnes participant à l'étude ont répondu de manière positive à ces questions. C'était là notre point de départ, car One World Roumanie est un festival de film documentaire et des droits de l'homme. Et quand on parle droits de l'homme, on parle activisme et participation. Je veux dire par là que les documentaires que nous proposons attirent l'attention sur des problèmes, des aspects qui ne fonctionnent pas. Cette année, nous nous sommes dit qu'il serait peut-être bien d'avoir une attitude plutôt positive. En partant de la marginalisation de certaines catégories de personnes, montrer toutefois que nous avons remporté une sorte de victoire d'étape, si on peut l'appeler ainsi. Je crois qu'il est important de marquer les petites victoires aussi dans une lutte de longue haleine. Mais en cette période de crise sanitaire, certains discours se sont radicalisés, on a exagéré, on a cherché des raisons pour prolonger la pandémie et, comme toujours - et pas uniquement en Roumanie -, les marginaux ont été blâmés par une partie importante de la presse. Pour revenir à l'étude dont je parlais, je ne sais pas si les résultats de 2018 sont toujours valables aujourd'hui. Il suffit de penser au fait que les Roms ou les gens qui travaillaient à l'étranger et qui sont rentrés en Roumanie au début de l'épidémie, des gens plutôt pauvres pour la plupart, ont été les boucs émissaires dans beaucoup de reportages qui traitaient de la progression de la pandémie. »
La section principale de l'édition 2020 du Festival One World, réunie sous le titre « Tu n'as aucune idée combien je t'aime », a été dédiée à la minorité rom. Les douze films de cette section ont été projetés à Verde Stop Arena, un ancien stade de Bucarest qui accueille aujourd'hui des événements.
Andrei Rus, le directeur artistique du Festival, nous a parlé de la section principale et nous a fait quelques recommandations : « Nous avons choisi douze films toutes époques confondues, des documentaires sur les Roms. Nous avons également inclus des films biographiques dans cette catégorie, comme celui sur le célèbre musicien Django Reinhardt. Un autre film était sur Katarina Taikon, une sorte de version féminine de Martin Luther King, qui a vécu dans les années '60 en Suède, une fervente activiste pour les droits civils des Roms. Parmi ces films, réalisés depuis les années '50, une partie sont des productions des anciens pays communistes, comme « Le citoyen Gyuri », le chef-d'œuvre de Pál Schiffer de Hongrie ou « Avant que les feuilles ne tombent » du Polonais Władysław Ślesicki. Mais nous avons aussi eu des documentaires très récents, par exemple « Acasă, My Home » / « Chez moi, My Home » de Radu Ciorniciuc. Ce film, qui a ouvert le festival, raconte l'histoire d'une famille rom qui vivait dans le Delta Văcărești de Bucarest avant sa transformation en parc naturel. Ou bien « A Lua Platz », une production française sur des Roumains ethniques roms qui essaient de trouver un travail en France. Pour résumer, on a inclus dans cette section des films de 1957 à 2020. »
L'édition 2020 du Festival One World est finie, après dix jours de projections, débats et autres événements à Bucarest. Toutefois, l'équipe One World continue son travail, ailleurs en Roumanie ou en ligne. Un travail bien nécessaire en Roumanie, car faire connaître ces documentaires peut entraîner, petit à petit, un changement des mentalités. (Trad. Elena Diaconu)
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