66% des Roumains refuseraient l'installation d'une centrale nucléaire dans leur quartier, alors que le soutien public aux énergies renouvelables s'avère extrêmement élevé.
Au cours des trente dernières années, le secteur énergétique roumain a fermé plusieurs de ses capacités d'exploitation du charbon, de même qu'un certain nombre de centrales de production d'énergie électrique et thermique à base de ressources fossiles. La principale raison de cette diminution en a découlé de la baisse de l'activité économique, du faible degré de rentabilité ou du manque d'adaptation aux nouvelles normes environnementales en vigueur.
La stratégie énergétique de la Roumanie, qui peut s'enorgueillir de compter environ 40% d'énergie verte dans son mix énergétique actuel, table à la fois sur une augmentation des besoins en énergie et sur l'augmentation de la part de l'énergie renouvelable dans son mix énergétique, compte tenu des objectifs fixés par le Pacte vert européen pour 2030 et 2050. Ce qui a fait dire, en octobre dernier, à Virgil Popescu, le ministre de l'Energie de Bucarest, que « La stabilité énergétique et la décarbonation sans l'énergie nucléaire semblent impossibles. C'est pourquoi la Roumanie va construire de nouvelles capacités nucléaires, avec ses partenaires américains, canadiens et français, sur le site de Cernavodă. En même temps, nous accordons une attention accrue à la technologie PRM, aux petits réacteurs modulaires ».
En effet, la Roumanie compte inclure les réacteurs basés sur la technologie PRM dans son système national de production d'énergie avant 2028 et souhaite participer à la production de petits réacteurs modulaires dans la région, ainsi qu'à la préparation des ressources humaines nécessaires. À terme, la Roumanie compte exploiter cette nouvelle technologie dans d'autres pays de la région, comme l'avait indiqué, toujours au mois d'octobre passé, l'administration présidentielle de Bucarest.
A l'heure qu'il est, un accord en la matière a déjà été signé avec les États-Unis, qui voient dans cette nouvelle technologie un moyen privilégié d'obtenir la diminution des gaz à effet de serre, un avis partagé par la Roumanie. Cependant, l'UE n'a pas encore clairement rangé l'énergie nucléaire dans le rayon des énergies propres et rechigne à lui octroyer des crédits.
Le professeur Ionuţ Purica, expert en énergie nucléaire, évoque, sur Radio Roumanie, les avantages de ces petits réacteurs modulaires : « Ces réacteurs peuvent être regroupés, de manière à couvrir le besoin énergétique ou un pique soudain dans la demande, en démarrant un à un, successivement, ou en s'arrêtant de même, successivement, dès que l'on dispose, à un certain endroit, d'un certain nombre de réacteurs reliés au système énergétique national. Par ailleurs, à la différence des réacteurs conventionnels, les petits réacteurs modulaires, sont fabriqués en usine et transportés sur le site d'implantation. Leur mise en service est donc très rapide. Enfin, la sécurité d'exploitation se retrouve renforcée par rapport aux réacteurs classiques. Le combustible n'est pas baladé dans la nature. Le réacteur peut être repris complètement, chargé en combustible frais et renvoyé sur son site. Cela renforce la sécurité et diminue les risques en matière d'attaques terroristes. »
À l'heure actuelle, un certain nombre de projets de développement de petits réacteurs modulaires sont à l'étude, nous assure le professeur Ionuț Purica. Les Etats-Unis, quant à eux, utilisent cette technologie depuis les années 1960 déjà, ce genre de réacteurs étant en exploitation sur des sites isolés notamment, en Antarctique par exemple, où ils fournissent les bases scientifiques américaines en électricité et en chauffage. À l'heure actuelle, les Russes aussi sont en train d'installer de tels réacteurs sur des barges qui parcourent les fleuves en Sibérie, où ils fournissent en électricité les villes. Un tel réacteur serait, en effet, capable d'alimenter toute une agglomération urbaine pendant cinq ans.
Un tout autre son de cloche du côté des militants écolos de Bucarest pourtant. Que fait-on de la décentralisation énergétique, se demandent-ils. Pourquoi ne pas continuer à encourager les gens à poursuivre l'installation de panneaux photovoltaïques, d'éoliennes et de pompes à chaleur là où c'est possible, pourquoi n'allons-nous pas plus loin dans le domaine l'énergie verte ? Telles sont les questions que mettent en avant les écologistes devant la nouvelle stratégie énergétique du gouvernement, tout en rappelant que la Roumanie dispose d'un bassin fluvial important, qui aurait vocation à être mieux exploité. Car, selon eux, si le nucléaire pourrait, certes, servir durant une certaine période de transition énergétique, ce n'est certainement pas une solution durable. Qui plus est, développer aujourd'hui le nucléaire aura sans doute pour effet de ralentir les investissements dans les énergies renouvelables.
Un équilibre devrait être trouvé entre les positions des uns et des autres, affirme le président de l'Université écologique, Mircea Duțu : « Il est certain que ce moment de crise énergétique que l'on traverse, et qui est en partie provoqué par la transition verte, est spéculé, une fois de plus, par l'industrie nucléaire, qui tente ainsi de se refaire une virginité. Rappelons-nous les années 1960, lorsque la pénurie d'électricité et les grandes coupures d'électricité, comme celle qui marqua la ville de New York au mois de novembre 1965, ont constitué le prétexte pour convaincre la population d'accepter le développement de l'énergie nucléaire, dans certaines limites. Dans les années 1970, il y a eu cette crise pétrolière, qui nous avait fait voir le spectre de l'épuisement du pétrole et du charbon, et cela a été encore une bouffée d'oxygène pour l'industrie nucléaire. A l'heure actuelle, cette même industrie essaie de spéculer les difficultés énergétiques liées à l'abandon des énergies fossile pour s'ériger comme une solution envisageable devant l'opinion publique. La vérité est, comme souvent, entre les deux. Dans quel sens ? Voyez-vous, d'un point de vue stratégique et politique, l'énergie nucléaire a du mal à figurer dans le rayon des énergies propres. Mais qu'en est-il de ces nouveaux développements ? Eh bien, le risque d'accidents nucléaires décuple. L'histoire des accidents nucléaires majeurs enregistrés jusqu'à présent pointe l'erreur humaine comme cause principale. Or, cette technologie sera opérée par différentes équipes et par différentes personnes, ce qui ne fait qu'accroître le risque d'accidents potentiels. Et le fait que l'intervention de l'homme dans le fonctionnement de la technologie est moindre, n'empêchera pas les effets désastreux d'un accident éventuel, des effets terribles à l'échelle locale et nationale. »
Un sondage YouGov, publié au mois d'octobre, réconforte ce sentiment de méfiance. En effet, 66% des Roumains refuseraient l'installation d'une centrale nucléaire dans leur quartier, alors que le soutien public aux énergies renouvelables s'avère extrêmement élevé. (Trad. Ionuţ Jugureanu)
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