A cette époque de multiples crises, il est important de comprendre nos peurs. Introspection.
On la ressent, mais c'est par le corps que cela s'exprime, de manière physique, puissante : c'est la peur. La plupart d'entre nous est mal à l'aise avec ce sentiment, d'autres le cherchent avec détermination. Lorsque l'on reconnaît en nous la peur, notre amygdale, petit organe situé au milieu de notre cerveau, se met au travail, alertant notre système nerveux qui ordonne à son tour à notre corps de se mettre en action. L'amygdale cérébrale fait partie de notre cerveau limbique, qui joue un rôle essentiel dans nos émotions et notre comportement. Le plus connu, celui du traitement de notre peur. Il s'agit d'une composante de notre cerveau primitif, capable de traiter aussi certaines odeurs et informations biologiques, telles que les phéromones, qui influencent notre comportement sexuel ou maternel, par exemple.
La psychologue Daniela Ionescu nous explique plus en détails les symptômes physiques de la peur : « La peur peut nous donner de l'énergie et de la détermination dans nos actions. Mais, souvent, la peur peut aussi se transformer en anxiété ou en crise d'angoisse, c'est-à-dire une forme de souffrance physique et psychologique difficile à gérer. Si, par exemple, vous n'aviez pas peur de mourir de froid en hiver, renonceriez-vous à vos vacances de rêve pour dépenser tout votre argent dans un système de chauffage performant ? Parmi les symptômes physiques de la peur, on retrouve les tremblements, la transpiration, les battements accélérés du cœur, la respiration rapide, les douleurs d'estomacs ou d'intestin, ou encore l'incapacité à avoir des rapports sexuels. Parmi les symptômes psychologiques, on retrouve cette fois l'anxiété, l'agitation, le sentiment de perte de contrôle sur les situations vécues, l'hyperactivité qui peut parfois se transformer en agressivité. »
La peur est un outil dans les dynamiques sociales, à tous les niveaux, et si l'on ne fait pas attention, on peut se faire manipuler sans même s'en rendre compte. Même si elle est contestable sur le plan pédagogique, la menace du grand méchant loup fait peur aux enfants, qui feront ce qu'on leur demande, même s'ils ne sont pas d'accord. A l'âge adulte, le grand méchant loup prend d'autres formes. Une banque qui vous menace de confisquer vos biens si vous ne la remboursez pas dans les temps, un supérieur qui menace de vous licencier si vous ne remplissez pas vos objectifs. Bref, la peur est un outil de manipulation très efficace.
Daniela Ionescu nous en dit plus : « Si une même personne, ayant de l'autorité sur vous, vous présente des dangers réels ou imaginaires qui vous font peur et vous offre du même coup les solutions, il y a de forte chance que vous soyez victime de manipulation. Et lorsque nous accusons les autres d'être responsables de ce que nous ressentons, alors nous leur donnons le pouvoir de contrôler nos émotions. »
La peur assombrit les esprits et nous empêche de voir les choses avec discernement. En période de guerre par exemple, le trop grand nombre d'informations désastreuses peut porter préjudice à votre radar intérieur. Il devient alors difficile de distinguer la réalité de la fiction. C'est un peu comme être soi-même en guerre. Il faut distinguer la peur de la phobie, mais la peur peut devenir une forme d'addiction.
Daniela Ionescu, psychologue, nous explique : « Des évènements dévastateurs, ou présentés comme tels, instaurent un climat de peur. Si la peur nous aide à trouver des solutions, alors elle peut être positive. Si, à l'inverse, elle nous amène à nous concentrer uniquement sur le problème, elle nous épuise. Un épuisement qui peut nous mener à la dépression, c'est-à-dire au manque de réaction face à un danger de mort. En d'autres termes, un peu de peur peut nous sauver la vie. Beaucoup de peur peut nous tuer. La peur s'apprivoise. Les hormones qu'elle nous fait produire peuvent être une source d'addiction, car l'adrénaline a des effets agréables, mais de courte durée. On peut alors en venir à rechercher le danger et s'il n'existe pas, on peut finir par l'imaginer. »
La peur peut aussi vous garder en sécurité. Il s'agit d'une émotion complexe. Elle peut présenter des avantages et vous tirer de situations délicates, mais elle peut aussi avoir des conséquences dramatiques.
Daniela Ionescu nous en dit plus : « Si l'on part du principe que l'homme est une machine biologique, alors la peur, en tant qu'émotion primaire, instinctive, constitue un moteur, un moyen de survie. Nous avons dans notre cerveau une antenne qui scanne en permanence notre environnement interne et externe, à la recherche de dangers potentiels. Pour le dire autrement, notre organisme est constamment en état d'alerte. Lorsqu'il constate la présence d'un danger, notre cerveau déclenche un signal d'alerte et mobilise ses forces pour réagir rapidement : l'adrénaline et le cortisol. Ce sont les deux hormones du stress, comme nous l'avons déjà évoqué. Elles préparent le corps afin qu'il soit en mesure de lutter ou de s'enfuir. Ainsi, les émotions, et dans ce cas ci la peur, influencent directement notre comportement, occultant notre discernement. Le problème c'est que notre cerveau ne sait pas faire la différence entre un danger réel ou imaginaire. Par exemple, si vous lisez un texte sur la guerre, vous imaginez ce à quoi cela ressemble, vous pensez à la guerre, et votre corps réagit en conséquence, comme si vous participiez vraiment à la guerre. »
Ceci dit, il s'avère utile de reconnaître ses émotions. Si la peur en est un, pensons un peu d'où elle vient et comment on peut la maîtriser. Qui sait, on pourrait finir par la surmonter. (Trad : Charlotte Fromenteaud)
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