Retour sur l’insurrection anticommuniste de Timişoara d’il y a trois décennies.
Le 18 décembre 1989, à Timişoara, la plus grande ville de Banat (ouest), les troupes de répression du régime communiste ouvraient le feu sur les jeunes manifestants réfugiés sur les marches de la Cathédrale orthodoxe de la ville. Le même jour, les dépouilles de 43 révolutionnaires étaient tout simplement volées de la morgue du Centre hospitalier départemental par des cadres de la Securitate, la police politique secrète du régime. Les corps ont été transférés après au Crématorium de Bucarest afin d'effacer toute trace des crimes.
Par la suite, beaucoup d'éditorialistes se sont accordés à dire qu'il n'y a pas eu de hasard dans le fait que le début de la fin de la dictature communiste démarrait justement àTimişoara. Cette ville était géographiquement la plus proche du monde libre. Pendant des années, les antennes de télévision avaient capté et retransmis les images d'une Yougoslavie étonnamment détendue pour les Roumains ou d'une Hongrie considérée comme le pays le moins « morne » du bloc communiste. De même, le règne des Habsbourg avait inculqué aux habitants de Banat un esprit civique et une solidarité entre les ethnies qui n'existaient pas vraiment dans les autres régions de la Roumanie.
Tout a commencé avec la volonté des autorités de déporter le pasteur d'ethnie hongroise László Tőkés de Timişoara. Une poignée de gens se sont montrés solidaires et, très vite, toute la ville s'est jointe à eux pour montrer son désaccord. La liste des manifestants tués ces jours-là à Timişoara ne comprend pas uniquement des noms roumains, mais aussi hongrois, allemands ou serbes.
Le 20 décembre, alors que le reste du pays était toujours la République socialiste de Roumanie et que cela ne semblait pouvoir jamais changer, Timişoara été proclamé « ville libre » depuis le balcon de l'Opéra. L'armée a alors refusé de continuer à tirer sur les manifestants et s'est retirée dans les casernes. Le premier officier à fraterniser avec les révolutionnaires, Viorel Oancea, allait devenir maire de la ville deux ans plus tard, après avoir gagné le premier scrutin local postcommuniste.
Le 21 décembre 1989, la révolte de Timişoara se propageait à d'autres grandes villes de l'ouest et du centre du pays, Arad, Cluj, Sibiu et Braşov, où les forces de l'ordre ont aussi ouvert le feu. Le 21décembre, toujours, un rassemblement organisé par le Parti communiste à Bucarest se transformait en soulèvement populaire contre le régime. La révolte a culminé le lendemain, le 22 décembre, par la fuite du dictateur Nicolae Ceauşescu et de son épouse, Elena. Ils ont été ultérieurement capturés et exécutés le jour de Noël, après un jugement sommaire. En décembre 1989, plus d'un millier de personnes ont perdu la vie, et au moins 3.000 ont été blessés. La Roumanie devenait alors le seul pays ex-communiste où le passage à la démocratie s'est fait dans la violence. (Trad. Elena Diaconu)
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