Qu’est - ce que la formation à distance suppose de concret pour les élèves et leurs professeurs et quelles sont les solutions numériques mises en place afin de faciliter l’apprentissage en ligne ?
L'éducation compte parmi les domaines les plus complexes appelés à relever les défis que pose la pandémie de coronavirus. Dans beaucoup d'écoles, de lycées et d'universités de Roumanie, les cours sont dispensés exclusivement en ligne, y compris à Bucarest, la capitale, où le taux d'incidence des cas d'infection est de 3,91 pour mille habitants. L'enseignement à distance est un véritable défi surtout dans nombre de zones rurales ou défavorisées, où bien des élèves et des enseignants manquent d'équipements numériques de base et où la connexion à Internet est difficile. En plus, contraints de s'adapter aux conditions actuelles, les enseignants se posent de plus en plus souvent des questions telles que « quoi, comment, combien enseigner ? », ou encore « comment tester et évaluer ? ».
Certains entrepreneurs spécialisés dans l'éducation proposent déjà des solutions numériques et pas seulement pour que cette adaptation aille de mieux en mieux. Tout devrait commencer par la réponse à la question « quoi adapter exactement ? », estime Dragoș Iliescu, professeur des universités et expert en psychopédagogie : « Personne ne sait exactement ce qu'il faut adapter. Une chose est sûre : on ne peut pas adapter des contenus, dans le sens où l'on ne peut ni supprimer ni ajouter du contenu. Or, je crains que ce soit justement ce à quoi tendent certains décideurs du système : « C'est une année difficile. Pourquoi ne pas ôter du cursus tel ou tel contenu ? » Pourtant, enlever ou ajouter du contenu n'est pas une solution pendant cette période. S'il n'est pas conseillé de modifier le cursus, il est possible d'adapter le contenu des cours. Il n'y a presque rien qui ne puisse être enseigné à distance, par le biais de la numérisation. Pour presque n'importe quelle leçon dans n'importe quelle discipline, on peut imaginer une nouvelle façon d'enseigner. Par conséquent, puisqu'on peut enseigner le contenu, on pourra certainement procéder à l'évaluation des acquis aussi, grâce à la technologie. Le problème, c'est qu'il n'y a pas assez de flexibilité chez tous les acteurs, pas seulement les enseignants, pour faire ce saut et adapter le contenu à l'enseignement en ligne ou bien qu'il n'existe pas assez de ressources. Certaines de ces adaptations sont assez difficiles à réaliser ou raisonnablement difficiles au-delà des compétences des enseignants. »
A première vue, l'évaluation en ligne semble plus facile à réaliser que l'enseignement. Pourtant, les choses ne sont pas si simples que cela, précise Dragoș Iliescu : « Là aussi, les choses sont moins simples qu'elles ne le paraissent, car alors que le numérique résout certains problèmes, d'autres surgissent. Par exemple, vous concevez un test auquel puisse avoir accès tout enfant, de n'importe quel coin du pays. Le problème qui apparaît alors, c'est la sécurité. Combien de fois pourrait-on utiliser un test que n'importe quel enfant peut copier par une capture d'écran pour ensuite le distribuer à ses collègues ? Heureusement qu'il existe des technologies pour y remédier, car ce n'est pas la première fois que l'on est confronté à ce problème. D'autres pays y ont trouvé des solutions bien avant nous. Mais pour résoudre ce problème, il faut plus de ressources et des investissements plus importants. L'option selon laquelle "c'est une année difficile, il vaut mieux réduire autant que possible la matière à enseigner et supprimer les tests d'évaluation semestrielle" est absurde. Il n'est pas normal d'éliminer maintenant ces tests-là, qui font partie du feedback formatif. Bref, dans ces conditions malheureuses et hors du commun, la solution n'est pas de supprimer quelque chose dont on a besoin, mais de trouver des alternatives permettant de poursuivre cette activité. »
La plate-forme BRIO.RO, lancée par Dragoș Iliescu, est un exemple que l'évaluation peut aller de l'avant. Elle propose des tests qui combinent évaluation et apprentissage de manière à ce que, au final, en plus des points obtenus par l'apprenant, l'on parvienne également à évaluer plus en détail son niveau de compétence dans un domaine. Dragoș Iliescu : « En fait, passer un test, c'est apprendre. Le test, c'est peut-être la meilleure méthode d'apprentissage profond. Il est lui-même est une activité d'apprentissage, car il structure l'information à un niveau supérieur, encourage la métacognition. Bref, c'est la meilleure chose que l'on puisse faire en vue de la sédimentation des informations et de leur interconnexion au cours des différentes activités pratiques. De plus, il offre un retour sur le processus d'apprentissage : il indique ce que l'on sait ou quelles sont nos lacunes et sur quoi il faudrait insister. Les tests guident donc notre apprentissage, le surveillent et nous permettent de planifier de nouvelles activités d'apprentissage. »
Établi depuis plusieurs années au Royaume-Uni, Paul Balogh a développé diverses ressources pédagogiques numériques allant des manuels électroniques aux plates-formes d'enseignement numérique telles que Hypersay. Il collabore avec des institutions universitaires et académiques prestigieuses du Royaume-Uni, ainsi qu'avec des enseignants de Roumanie. Comment il a interagi avec ces derniers ? Voici la réponse de Paul Balogh: « La Roumanie n'a pas eu la meilleure réaction, dans le sens où le ministère de tutelle a très peu aidé les enseignants, voire pas du tout. Toutefois, au niveau individuel, beaucoup d'enseignants se sont très bien débrouillés. Ils ont réussi à résoudre les problèmes par eux-mêmes, en autodidactes. Ils ont appris tout seuls à utiliser des plateformes en ligne pour les conférences et l'apprentissage. Je trouve cela merveilleux et je suis étonné que l'on n'en parle pas davantage dans l'espace public. Dans d'autres pays, les ministères ont eu une approche plus cohérente et ont agi de concert avec les établissements scolaires. Ils ont longtemps réfléchi aux différentes solutions possibles et les ont appliquées. C'est donc le soutien du ministère qui fait la différence. »
De manière individuelle, chaque enseignant a fait preuve d'une plus grande adaptabilité que de nombreuses institutions publiques, explique Paul Balogh, qui conclut : « Nos relations avec les enseignants roumains demeurent plutôt individuelles. Certains professeurs qui enseignent à différentes écoles - privées et publiques - souhaitent utiliser notre plateforme, mais le soutien, notamment financier, est quasiment inexistant quand il s'agit d'acheter de tels logiciels. Il n'est pas rare que les enseignants se voient contraints de payer ces logiciels de leur propre poche, ce qui n'est pas normal. Au niveau institutionnel, que ce soit à celui du ministère, des universités ou des écoles, nous n'avons aucune collaboration de ce type en Roumanie. Il n'y a que quelques professeurs enthousiastes qui utilisent chaque jour notre plateforme pour mieux enseigner en ligne. »
La pandémie et les restrictions qui en découlent pour l'enseignement classique offrent aux enseignants l'occasion de se montrer libres et créatifs, en s'appuyant sur la technologie numérique pour transmettre les différents savoirs. (Trad. Mariana Tudose)
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