Né en 1893 et mort à l'âge de 105 ans, en 1918, Titus Gârbea combattit au front durant la Grande Guerre, devint attaché militaire à Berlin entre 1938 et 1940, puis à Stockholm et Helsinki, de 1940 à 1943.
Au long de la vie, les hommes arrivent à connaître des lieux et des endroits, à être témoins de choses des plus inattendues. Ce fut aussi le cas de l'ancien général, devenu centenaire, Titus Gârbea, celui que l'on pourrait surnommer le Roumain du cercle polaire. Né en 1893 et mort à l'âge de 105 ans, en 1918, Titus Gârbea combattit au front durant la Grande Guerre, devint attaché militaire à Berlin entre 1938 et 1940, puis à Stockholm et Helsinki, de 1940 à 1943, avant d'aller à nouveau au front durant la seconde partie de la Deuxième Guerre mondiale. Décoré pour bravoure au combat, il passe en réserve en 1947. Mais c'est depuis son poste de diplomate que Titus Gârbea avait croisé certaines personnalités célèbres de l'époque, tel le roi de Suède, Gustave V, ou encore la première femme ambassadeur au monde, la soviétique Alexandra Kollontai.
Le Centre d'histoire orale de la Radiodiffusion roumaine avait interviewé le général Titus Gârbea en 1994, à ses 101 ans : « La Finlande est un petit pays de 4 millions d'habitants. Mais de braves gens, des hommes de parole. Un jour, notre roi Carol II m'appelle et me demande si je ne voulais pas prendre un poste auprès de notre représentance dans les pays scandinaves. A l'époque j'étais en poste à Berlin, un poste difficile, parce que notre ambassade étendait ses compétences sur Berne, en Suisse, et puis aussi sur les Pays-Bas. Je réponds : « Sire, je peux certes assumer cette charge, seulement les déplacements, que j'allais devoir faire entre Berlin et les pays scandinaves, vont coûter une fortune ». Mais bon, le roi me nomme attaché militaire auprès des pays nordiques, puis des Etats baltes, j'étais donc attaché dans cinq ou six capitales, en sus de ma mission initiale. Cela dit, je m'y suis éclaté et je suis parvenu à glaner toute une série d'informations très utiles à nos services, au service de mon pays, car chez nous aussi le danger fasciste commençait à pointer. »
Une fois familier de l'esprit nordique, l'attaché militaire Titus Gârbea fait la navette entre les capitales suédoise et finlandaise. Seulement, dans les pays baltes, déjà occupés par les Soviétiques à l'époque, l'atmosphère est bien différente.
Titus Gârbea : « Je devais aller avec une certaine régularité à Stockholm, mais aussi en Finlande. Ce n'était pas très fastidieux, car Berlin régnait sans partage sur toute l'Europe. J'avais été chargé des relations avec ces quatre pays nordique : le Danemark, la Suède, la Finlande et la Norvège. Qui plus est, je devais m'occuper des trois pays baltes, où nous, les Roumains, étions regardés de travers par les Soviétiques. Certains de mes amis estoniens m'avertissaient : Ne sortez pas la nuit, les Russes sont partout et ils sont capables de tout. Eh bien, je m'en suis quand même tiré sain et sauf, mais j'étais en quelque sorte leur bête noire ».
A la veille de la Seconde Guerre mondiale, Titus Gârbea se trouvait sur la ligne de démarcation entre les Polonais et les Soviétiques, ces derniers étant prêts à envahir la Pologne. C'est là qu'il ressentit la profonde méfiance des Soviétiques à l'égard des Roumains.
Titus Gârbea : « En 1939, quand l'Allemagne d'Hitler et la Russie de Staline allaient écraser la Pologne de concert, je me trouvais là, sur la ligne de démarcation. Je suis allé à Brest-Litovsk, où l'on attendait les Russes. Selon le Pacte germano-soviétique, la ville devait tomber dans l'escarcelle de l'URSS, puis, tout ce qui se trouvait à l'ouest de la ville, c'était pour l'Allemagne. Et lorsque je suis arrivé à Brest, je suis entré en contact avec les Russes qui se trouvaient là. J'étais diplomate, ce qui ne les avaient quand même pas empêchés de me lancer : « Ce sera bientôt votre tour !». Il m'avait menacé directement. Comment pouvais-je répondre à cet officier, à ce colonel ? Au fond, il a eu raison. Notre heure allait sonner bientôt. »
Dans cette terrible année 1940, Gârbea se trouve en Suède lorsque la guerre explose entre l'URSS et la Finlande. La petite Finlande faisait preuve d'un héroïsme sans pareil devant le colosse soviétique qui l'avait envahi par traîtrise. Gârbea tient à rendre hommage à la bravoure des Finlandais, et parle de la sympathie que leur résistance farouche avait soulevée à travers le monde entier : « A l'époque, j'étais basé à Stockholm et puis j'allais quelquefois en Finlande. C'est de là que je suivais les opérations militaires. Un hiver rude, extrêmement rude. Ce fut la chance, l'allié naturel des Finlandais. Mais au printemps, grâce au dégèle, l'écrasante supériorité numérique des Russes et le nombre de leurs avions ont fait que les Finlandais se sont trouvés sous le rouleur compresseur soviétique. La Finlande ne comptait que 4 millions d'habitants. C'était le moustique qui combattait le lion, voyez-vous. Cela ne pouvait pas tenir. L'Europe entière était outrée de voir l'éléphant russe attaquer la petite Finlande, c'était pour l'écraser complètement. Une saloperie tellement russe, tellement caractéristique. Le même genre de saloperies qu'ils avaient utilisé contre nous, et cela encore depuis 1877. »
Titus Gârbea a été le témoin privilégié d'un moment particulièrement dramatique de l'histoire européenne, mais une histoire tellement actuelle à certains égards. (Trad. Ionut Jugureanu)
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