La journée de l'auditeur 2015

la journée de l'auditeur 2015 Nous vous invitons à partager avec nous vos opinions sur le problème des réfugiés ou, pourquoi pas, des histoires sur les réfugiés.

Chers amis, Madame, Monsieur, soyez les bienvenus à l’édition 2015 de la Journée de l’Auditeur. Comme le veut la tradition depuis quelques années déjà, RRI se fait un plaisir de vous inviter à participer à cette journée spéciale qui vous est entièrement consacrée.

 

Cette fois-ci, nous vous avons incités à nous parler de la crise des réfugiés. Nous avons tous suivi les infos sur les vagues des migrants qui ont déferlé dernièrement sur l’Europe et continuent à le faire. Des centaines de milliers de gens qui, au risque de leur vie, ont quitté leur pays natal et sont venus sur le Vieux continent. Leur présence constitue actuellement un grand défi et une grande responsabilité.

 

Par conséquent, à l’occasion de la Journée de l’Auditeur, on vous a invité à nous faire part de votre opinion sur la crise des réfugiés. Vos réponses ont été nombreuses et fort intéressantes et nous vous proposons d’en écouter plusieurs. Et nous allons commencer par citer quelques extraits des lettres de nos auditeurs francophones de RRI.

 

Notre ami français Christian Ghibaudo de France affirme à propos de la crise des migrants : «cet épisode malheureux de notre histoire remue beaucoup les consciences et attise les peurs et les craintes de beaucoup d’Européens. Car à mon avis, quand les Roumains et même les Français ne veulent pas des migrants ou des réfugiés, ce n’est pas par égoïsme comme on veut bien nous le faire croire, c’est surtout, à mon avis, par peur devant l’avenir. Que vont faire tous ces réfugiés et leurs familles, dans les années à venir ? Qu’attendent les dirigeants occidentaux?  Que les “pays de l’Est” accueillent leur quota de réfugiés, en échange des aides apportées par l’Ouest? En fait, l’Allemagne et la France ont parlé à la place du reste de l’Europe, tandis que les “petits” doivent suivre les directives des “grands”, mais voilà une Union c’est pas comme cela que ça fonctionne.

Les dirigeants des “pays de l’Est” mis en accusation doivent rendre des comptes à leur population. La Roumanie n’a pas de passé d’accueil de migrants, au contraire : souvent, ce sont les Roumains qui partent ailleurs pour trouver une vie meilleure.

Une majorité d’Européens a peur de l’Islam, la situation dans tous les pays musulmans ne rassure personne. Donc les partis les plus à droite dans l’échiquier politique prennent de l’importance. L’éradication de l’Etat Islamique est donc une priorité, mais ne laissons pas la Russie faire seule ce travail. Toutes les grandes puissances doivent prendre leurs responsabilités, Assad est responsable de la situation dans son pays, mais sans Assad on ne pourra rien faire…

Donc accueillons, certes avec réserve, mais accueillons les réfugiés, les vrais réfugiés, pas les migrants économiques venus hors Europe ».

 

Pour sa part, notre auditeur algérien Nouari Naghmouchi s’inquiète et dit « l’Europe n’en a pas fini avec la crise des réfugiés. La crainte d’une fermeture de toutes les frontières européennes, le calme qui règne sur la mer Egée, ainsi que, l’offensive de l’armée syrienne appuyée par l’Iran et par la Russie contribuent à un nouvel afflux. Sur les 643 000 migrants qui ont rejoint le territoire de l’UE par la mer depuis le début de l’année, plus de 500 000 sont arrivés en Grèce, selon des chiffres publiés mardi 20 octobre par l’ONU. C’est plus que lors du pic de l’été, qui avait forcé les Etats européens à prendre les premières mesures. »

 

Retour en France, là où Paul Jamet se pose plusieurs questions : « pourquoi les réfugiés sont-ils si peu aidés voire pas du tout aidés par les monarchies du Golfe qui ne savent plus quoi faire de leur pétrodollars ? Et puis, beaucoup en France, mais aussi dans d'autres pays d'Europe, sont fortement surpris par le fait que tout à coup les autorités ont réussi à trouver de la place, je veux dire des logements libres pour accueillir les réfugiés. Mais aussi des budgets alors qu'il y a des milliers d'enfants SDF en France ! Le froid arrive et le numéro d'appel d'urgence en France, le 115, est loin de pouvoir proposer des solutions à tous alors que des réfugiés syriens occupent des appartements dans Paris. Où a-t-on trouvé l'argent est une question qui revient souvent dans la bouche des plus démunis ! Disons que la crise migratoire que nous vivons profite très largement aux partis nationalistes ! C'est pour moi une grande source d'inquiétude car dans certaines régions ou villes françaises, si le FN gagne certaines élections, je pense aux régionales de décembre prochain, cela laissera des traces et ne se fera pas sans heurts. Dernière question : que vont devenir ces pays si leurs forces vives les quittent ? Si les ingénieurs, techniciens, bref, si les personnes diplômées s'en vont, il faut s'attendre à un appauvrissement encore plus grand de ces pays et la communauté internationale devra les aider ! »

Et maintenant, ajoute M Paul Jamet, quelques remarques et réflexions : « certains prétendent que l'arrivée de réfugiés est une chance économique mais aussi une source d'innovation culturelle. Mais serons-nous capables de donner un métier à tous ? Serons-nous en mesure de  scolariser les enfants qui sont déjà arrivés ou qui les rejoindront ? De plus, les images des télés montrent que les migrants/réfugiés sont surtout des hommes. Après la polémique, un consensus a été établi sur la base de 65% d'hommes ! Serons nous en mesure d'accueillir leurs familles le moment venu ? Les réfugiés sont-ils ceux qui débarquent avec leurs familles et les migrants économiques, les hommes qui arrivent seuls ? La culture de l'Europe, judéo-chrétienne qu'on le veuille ou non, changera-t-elle ? Pourra-t-elle se transformer sans disparaître ? Je ne pense pas que si la population change, l'Europe ne changera pas ! C'est une utopie que de le croire. Dans ce cas, sommes-nous réellement prêts pour une évolution importante de la vie sociale et culturelle ? De plus, il faut bien reconnaître que l'intégration ne se décrète pas, mais qu'elle doit être souhaitée par ceux qui arrivent. Là encore, je constate qu'en France l'intégration n'est pas souhaitée par une partie non négligeable des migrants qui ne veulent aucunement modifier leur mode de vie. Aussi, le "vivre ensemble" est ressenti par la population autochtone comme un "vivre comme eux" ! » Merci à vous, Paul Jamet.

 

Apparemment, l’Europe n’est pas la seule à s’ouvrir aux migrants. Ceux-ci débarquent également dans le nord de l’Afrique, en Algérie par exemple, nous raconte Farid Boumechaal qui affirme que depuis des années déjà, son pays accueille des Syriens, des Libyens et des Africains de plusieurs pays, surtout du Mali déchiré par des combats. « A présent, les réfugiés sont un lourd fardeau pour le gouvernement algérien. Il faudrait mettre en place des programmes de développement dans les pays pauvres afin de permettre le retour à la stabilité et implicitement, le retour des réfugiés, en toute sécurité, dans leurs pays d’origine. Pour solutionner la crise des migrants, il faudrait résoudre les problèmes politiques et encourager le dialogue. »

 

Enfin, notre auditeur Ferhat Bezazel nous a bien surpris par sa participation puisqu’il a fait lui même l’expérience de traverser illégalement la mer à la recherche d’une vie meilleure. Voici ce qu’il nous a raconté : « en octobre 2007, j’ai pris la décision de traverser illégalement la mer dans un petit bateau de dix mètres dans une tentative d’atteindre les côtes italiennes. J’étais jeune, je ne travaillais pas, je n’avais pas d'argent pour vivre, l'avenir était sombre dans mon pays, l'Algérie, en plus je vis dans un petit village où les attaques terroristes sont quotidiennes et de nombreuses personnes meurent chaque semaine. Donc, je me suis décidé d’essayer, au risque de mourir, de me rendre en Europe pour trouver du travail et vivre en sécurité. Le voyage fut comme un enfer, nous avons passé plus de 15 heures sans eau ni nourriture et à la fin nous avons été sauvés par un navire commercial algérien. Maintenant, je vis toujours en Algérie mais rien n’a changé. J’ai 35 ans à présent, je vis dans la pauvreté, je n’ai pas de quoi nourrir une famille. Je pense que les crises de réfugiés en Europe ne finiront jamais parce qu'il n'y a pas de démocratie dans la plupart des pays d'Afrique et du Moyen-Orient. Peut-être que la solution serait que l'Europe aide les pays africains à se doter d’une économie stable et à créer des emplois. »

 

Et maintenant, nous vous invitons à connaître aussi les opinions de quelques auditeurs d’autres services de RRI.

 

Ralf Urbanczyk d’Allemagne qui se pose plusieurs questions: « Chez nous, en Allemagne, la situation a changé depuis l’année dernière. Le pays a reçu des centaines de milliers, voire un million de réfugiés qui fuient la guerre et les vicissitudes. Ce qui frappe, c’est à quel point ces personnes ignorent les réalités de notre pays et combien peu nombreuses sont les sources d’informations auxquelles ils ont accès. Il n’y a pas si longtemps, les émissions en langues étrangères diffusées à l’intérieur du pays à destination des ouvriers étrangers et des touristes faisaient partie de la normalité. Je souhaiterais apprendre auprès de nos responsables pourquoi ces émissions n’existent plus?  Pourquoi a-t-on définitivement détruit l’infrastructure pour de telles émissions ? Pourquoi il n’y a plus de chaînes de radio pour l’étranger, censées fournir aux gens du monde des informations utiles et exactes ? C’est dommage parce qu’ainsi on aurait pu éviter un tas de malentendus et de problèmes ».

 

John Cooper des Etats Unis affirme que la religion est un obstacle majeur sur la voie de l’assimilation de l’actuelle vague de réfugiés en Europe. « J’ai des sentiments extrêmement contradictoires liés à la crise des réfugiés en Europe et aux Etats Unis. Bien que de nos jours il existe cette tendance de privilégier le « politiquement correct », j’ai l’impression que la situation actuelle transgresse mes droits. Que je m’explique : je suis né en Angleterre, issu d’une mère britannique et d’un père militaire. Mais j’ai suivi l’école en Allemagne puisque le contingent de mon père fut déployé à Würzburg. J’ai donc appris l’allemand dont l’apprentissage était obligatoire. En 1971, j’ai intégré l’armée et j’ai participé à trois missions en Allemagne. Moi, je me plaisais beaucoup en Europe et j’ai constaté que les Européens passaient parmi les personnes du monde les plus gentilles. Je me suis donc fait beaucoup d’amis et j’ai utilisé mon allemand pour me lier d’amitié avec les gens qui m’entouraient. Mais, en Allemagne, j’ai eu l’occasion de voir plein d’ouvriers turcs qui refusaient pratiquement leur insertion. Même s’ils habitaient l’Allemagne, ils restaient au sein de leurs propres communautés, sans parler l’allemand, fidèles à leur pratique de l’Islam. Je n’ai rien contre l’Islam, mais apparemment, cette religion interdit des actes considérés normaux au sein de notre monde libre. Par exemple, si quelqu’un mettait une Bible sur le feu, je me sentirais certainement vexé, mais je ne réclamerais jamais sa mort ou sa punition. Une fois venus en Europe, les réfugiés doivent assimiler nos traditions, notre style de vie et faire de leur mieux pour s’intégrer, car ce n’est que de cette manière qu’ils pourront par la suite mener une vie meilleure. »

 

Andreas Pawelczyk d’Allemagne nous a parlé des avantages et des défis de la migration : « L’Europe se trouve devant la vague de réfugiés la plus grave des dernières décennies. Selon les estimations du Haut Commissariat des Nations Unies aux Réfugiés, plus de 500.000 réfugiés sont arrivés en Europe depuis le début de l’année. Près de 350.000 sont venus seulement de Syrie, à cause de la guerre et de la pauvreté. A l’heure actuelle, des milliers de réfugiés continuent d’arriver en Europe tous les jours, en dépit des dangers qui les guettent en chemin. Rappelons les avantages offerts par la migration : les immigrants travaillent dans des domaines où la main d’œuvre manque. Le PIB de l’Europe sera à la hausse. Sur le long terme, les immigrés pourraient contribuer à la croissance économique. Selon les experts, ces dernières décennies, le taux de naissances a été beaucoup trop faible en Europe, c’est pourquoi nous avons trop peu de main d’œuvre jeune et dynamique à disposition. Les immigrants des pays pauvres et les réfugiés des zones de guerre vont suppléer à ce manque. La participation des immigrants au marché de l’emploi fera également accroître les recettes des impôts. Beaucoup de gens croient aujourd’hui que la plupart des immigrants seraient des pauvres qui vivraient sur le dos des riches. Mais la plupart sont appliqués au travail et touchent des salaires moindres que les gens du pays d’accueil. Sous un angle économique, ils ne devraient pas être considérés comme un fardeau par les pays d’adoption. Passons maintenant aux défis de la migration. Tous les éléments que je viens d’exposer ne veulent pas dire que les immigrants n’apportent que des avantages. L’intégration dans une nouvelle société est difficile. Ces personnes ont vécu auparavant dans le danger et la pauvreté. S’ils ne s’intègrent pas bien dans la société, cela mènera à la discrimination et à l’exclusion sociale. Et cela entraînera de l’instabilité. Quand le nombre de chômeurs s’accroît, cela pèse sur les systèmes de protection sociale.

        Les inquiétudes les plus graves sont liées à la possibilité que des fraudeurs et des terroristes entrent aussi dans les pays d’accueil avec la vague de réfugiés. Selon les statistiques de l’Agence européenne de défense, une centaine de demandeurs d’asile en Allemagne sont soupçonnés d’avoir perpétré des infractions. Sur chaque centaine de réfugiés syriens en Europe, deux sont soupçonnés d’être des combattants de l’Etat islamique.

        Jamais l’Europe ne s’est trouvée devant des difficultés plus grandes. En dehors des petits avantages que les réfugiés apportent à l’Europe, les pays européens pourraient aussi avoir beaucoup à perdre. »

       

Hans Verner Lollike du Danemark se souvient des réfugiés allemands après la Seconde guerre mondiale et nous révèle son amitié avec une famille de réfugiés albanais. « L’année dernière, raconte-t-il, nous sommes allés en vacances dans la ville de Weimar, en Allemagne. Comme d’habitude, nous avons également visité les églises de la ville, ouvertes à tous, y compris aux touristes. Dans une de ces églises, nous avons rencontré une personne âgée qui prenait soin de l’église comme volontaire. Elle nous a raconté qu’elle était née à Kaliningrad et que sa mère avait fui le pays avec les enfants. Ils sont arrivés à Copenhague, au Danemark, comme 100.000 Allemands, les derniers jours de la guerre. Elle nous a raconté que sa mère est morte dans le camp de réfugiés et que sa dépouille mortelle fut abandonnée dans une fosse commune. Cela nous a fait mal au cœur, car on savait que les Allemands qui ont cherché refuge à la fin de la guerre ont été traités plutôt mal. Voilà pourquoi, quand la guerre civile en Bosnie a éclaté en 1992 et que 17.000 refugiés sont venus chez nous en quelques mois seulement, on a décidé de chercher à se rapprocher d’eux. Pas de tous, mais au moins d’une famille. Et c’est comme cela que l’on s’est lié d’amitié avec les Lutfiu, une famille de Kosovars  albanais que l’on fréquente depuis 23 ans et dont on a visité le pays, le Kosovo, en août dernier. Je pense que l’on doit faire de notre mieux pour aider ceux dont la vie est menacée, mais on ne peut pas ouvrir les portes de nos maisons à tous les pauvres de la planète simplement parce qu’ils sont pauvres ».

 

De l’avis d’Oleg Voronov, de Russie, « le Vieux continent finira par étouffer en raison des millions de réfugiés du monde entier. Les pays de l’UE devraient renforcer le contrôle à leurs frontières avec le soutien de la police et de l’armée. Je ne dis pas que l’on doit rester indifférent face aux drames des réfugiés. Mais, je considère que l’on devrait accueillir seulement ceux qui fuient les guerres et non pas ceux qui fuient la pauvreté».

 

Khalil Abdel-Kader d'Algérie, s'interroge, lui, sur les raisons qui font les ressortissants d'Afrique et du Moyen Orient à se diriger vers l'Europe: « La crise des réfugiés n'est pas un phénomène de date récente. Ses origines sont à rechercher il y a quelques décennies, lorsque les jeunes de ces régions ont commencé à prendre la route de l'Europe Occidentale, en quête d'une vie meilleure. Certes, les conflits d'Afrique et du Moyen Orient, notamment la guerre en Syrie, ont amplifié ce mouvement, devenu une migration collective, et non plus individuelle comme auparavant. L'accueil chaleureux des réfugiés dans certains pays européens a mené à terme à la hausse des flux migratoires vers ces pays précisément, les réfugiés les préférant aux pays arabes voisins, où le niveau de vie est plus bas que dans les pays de l'Europe Occidentale. A mon avis, néanmoins, le choix des pays de l'Europe de l'ouest et du nord n'est pas profitable, à terme, aux réfugiés, parce que le continent se voit confronter lui-même à une crise économique. De plus, le mode de vie occidental, fondamentalement différent de celui de leurs pays d'origine, rend encore plus difficile leur intégration sociale. C'est sûr que, pour des raisons humanitaires, il est indispensable de composer avec les défis engendrés par la crise des réfugiés, mais nous devons réfléchir également à l'avenir. Peut-être que l'UE devrait intensifier ses négociations avec notamment les Etats arabes avec une meilleure situation économique, tels les pays du Golfe ou l'Algérie, afin de trouver des solutions pour les faire accueillir un certain pourcentage de réfugiés. Toutefois, je suis convaincu que, quel que soit leur pays d'origine ou d'accueil ici dans la région, les réfugiés souhaitent à terme s'installer toujours en Europe. Je souhaite que les guerres finissent de sorte que la situation des pays qui alimentent la crise des réfugiés s'améliore, que les choses retournent à la normale, que ce phénomène s'éteigne, de sorte que les gens arrivent à se construire, chez eux, une vie meilleure».

 

Madame, Monsieur, c’est par ces mots pleins d’optimisme que prend fin l’édition 2015 de la Journée de l’Auditeur. Une fois de plus, merci à tous ceux d’entre vous nous ayant envoyé leurs participations, merci également à tous ceux qui écoutent RRI et bonne continuation sur nos ondes !


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Publicat: 2015-11-01 13:30:00
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