La Pologne et l’Etat de droit

la pologne et l’etat de droit    Peu de temps après son installation au pouvoir à Varsovie, le gouvernement du parti Droit et Justice a mené une série de réformes législatives qui ont provoqué la consternation de Bruxelles.

Fin 2015, au bout de 8 années dans l'opposition, les conservateurs eurosceptiques polonais du parti Droit et Justice (PiS) de Jarosław Kaczyński ont repris le pouvoir en Pologne. Ils ont obtenu la majorité absolue à la Diète et ont formé, à eux seuls, un gouvernement sans alliances politiques avec une autre formation, une première dans ce pays depuis la fin du communisme en 1989. Peu de temps après son installation au pouvoir, le gouvernement a mené une série de réformes législatives qui ont provoqué la consternation de Bruxelles. La première modifie les règles du vote à majorité qualifiée du Tribunal constitutionnel où cinq nouveaux juges ont été placés par le nouveau gouvernement, déclenchant un bras de fer avec le président de cette cour. Dorénavant, il faudra réunir un quorum de 13 juges, au lieu de 9 auparavant, pour rendre les jugements. 


De cette manière, la décision du gouvernement deviendra très forte, selon les critiques du système. La seconde a fait expirer les mandats des membres des directions et des conseils de surveillance de la télévision et de la radio publiques, et confier le pouvoir de les nommer au ministre du Trésor. Suite à ces réformes engagées par le cabinet polonais, l'UE a pris une décision sans précédent et a lancé une enquête préliminaire, première étape d'une procédure de sauvegarde de l'Etat de droit contre Varsovie. 


En cas de conclusions négatives, la Commission européenne pourrait activer l'article 7 du Traité européen pour violation des valeurs fondamentales. Un mécanisme qui permettrait de voter des sanctions pouvant aller jusqu'à la suspension du droit de vote européen de la Pologne ou des aides de Bruxelles. Dans une interview sur Radio Roumanie, l'analyste politique Janos Bugajski du Centre pour les politiques européennes de Washington explique la situation : « Le problème, c'est que l'actuel gouvernement de Varsovie risque, par les réformes adoptées, d'isoler le pays au sein de l'UE. Une situation similaire à celle déjà traversée par la Pologne lors de la précédente gouvernance du parti Droit et Justice de Kaczyński. Je vous rappelle qu'à l'époque, Varsovie avait un discours ultra conservateur et anti européen, elle avait tourné le dos à Berlin et semblait vouloir passer l'éponge sur tout le cheminement démocratique emprunté depuis la chute des communistes. Or, je remarque une démarche similaire à présent aussi. Ils placent leurs hommes dans toutes les positions clé, ils changent les règles du jeu afin de faire passer des lois et modifier la Constitution et s'efforcent de promouvoir un agenda ultra conservateur, en alimentant les inquiétudes de Bruxelles. Mais, à part tout cela, il y a un aspect qui m'intrigue le plus: l'éloignement de l'Allemagne. Je vous signale que les gouvernements précédents ont cultivé des rapports très proches avec leur voisin allemand, ce qui a permis à la Pologne de s'imposer en tant qu'acteur important au sein de l'Union. En l'absence du soutien de Berlin, je crois que le rôle de Varsovie perdra de son importance. »Le président du Parlement européen, Martin Schulz, a critiqué les actions des nouvelles autorités polonaises. Selon lui, « le gouvernement polonais considère que sa victoire aux élections lui donne mandat pour subordonner les intérêts de l'Etat à ceux du parti gagnant ».


« C'est une poutinisation de la politique européenne », a-t-il déclaré pour une publication allemande. Le respect de l'Etat de droit en Pologne s'est trouvé cette semaine au cœur d'un débat au Parlement européen. L'espace communautaire est un système qui partage les mêmes valeurs: l'Etat de droit, la démocratie et les droits fondamentaux, a souligné à cette occasion le ministre néerlandais des Affaires étrangères, Bert Koenders, dont le pays assure actuellement la présidence de l'UE. 


Voici les explications de Cerasela Rădulescu, correspondante à Bruxelles de Radio Roumanie.  « Présente aux débats, la chef du gouvernement polonais, Beata Szydlo, a insisté sur le fait que la démocratie se porte bien dans son pays et que si le peuple a voté le parti présentement au pouvoir, c'est justement pour son programme démocratique, que le gouvernement se doit de mettre en place, dans le respect de la Constitution et des traités européens. Le débat sur le Tribunal constitutionnel est de nature politique, alors qu'il devrait être traité comme une question juridique, interne, a précisé la première ministre polonaise. Elle a appelé l'Union européenne à respecter la souveraineté de son pays et souligné que la Pologne resterait membre de l'espace communautaire. »  


La Commission européenne souhaite clarifier les faits de manière objective et mener un dialogue avec les autorités de Varsovie. « Ce que nous voulons, c'est aider à trouver des solutions si nécessaires », a expliqué le commissaire européen Frans Timmermans. Selon l'analyste Claudiu Degeratu, la Pologne ne saurait être ignorée ni sanctionnée aussi durement. : « Je pense qu'en réalité, l'UE ne veut pas tellement faire avancer cette procédure. Elle a dû probablement répondre à certaines pressions, y compris de la part de l'Allemagne. Je ne crois pas que cela puisse mener à une rupture ou à une dégradation sérieuse des relations. A mon avis, c'est Berlin qui a eu la première réaction et qu a le plus contribué à cette décision ». 


Il évident que toute détérioration des relations avec la Pologne se répercute sur la situation au sein de l'UE, a conclu Claudiu Degeratu. (Ioana Stancescu, Mariana Tudose)


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Publicat: 2016-01-22 15:03:00
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