Bien que l'euro n'ait pas encore été adopté en Roumanie, la monnaie unique européenne y est une réalité de la vie quotidienne: 70% des crédits accordés par le système bancaire sont en euros. Et c'est toujours en euros que sont calculés les prix - depuis la téléphonie mobile, jusqu'aux autos et aux logements. Aussi, les ventes et achats de voitures, de terrains ou de logements sont-ils effectués en se rapportant à la monnaie unique européenne.
Par le Programme de convergence transmis à Bruxelles, l'ancien gouvernement Victor Ponta avait maintenu l'engagement du pays à adopter l'euro au 1-er janvier 2019. L'économie roumaine répond aux 5 critères de convergence nominale adoptés à Maastricht, pourtant, c'est la convergence réelle qui fait problème - soit le PIB par habitant - qui représente actuellement 55% de la moyenne des PIB enregistrés par les 28 Etats membres de l'UE. « En 2018, la convergence réelle de la Roumanie atteindra les 65% de la moyenne européenne. A l'horizon 2020, elle doit atteindre 71%. » - estimait l'ancien gouvernement de Bucarest.
Pourtant, selon les représentants de la Banque centrale, la Roumanie n'est pas préparée pour passer à l'euro en 2019, certaines voix évoquant l'année 2022 comme une date raisonnable pour l'adoption de la monnaie unique européenne. Les décideurs politiques sont considérés comme les principaux responsables de ce retard, car ils n'ont pas réussi, à ce jour, à dresser une feuille de route, avec des délais précis d'application de certaines réformes.
Le gouverneur de la Banque centrale de Bucarest, Mugur Isărescu: : « L'année 2019 n'est plus une cible viable, car en juin prochain, au plus tard, nous aurions dû rejoindre le système des taux de change. C'est l'antichambre de la zone euro et les préparatifs pour y entrer sont complexes. Celui qui connaît la technique d'entrée dans le mécanisme des taux de change européen peut se rendre compte que, techniquement, ce n'est plus possible. Même si on le souhaitait politiquement, je dirais que ce serait quelque chose d'improbable, sinon carrément impossible. »
Mugur Isărescu précisait qu'il était nécessaire d'élaborer une feuille de route, qui fasse l'objet d'un débat politique et qui soit acceptée par tous les partis et la société civile. C'est d'ailleurs la conclusion d'un rapport lancé récemment par le Centre roumain pour les politiques européennes, selon lequel le processus d'adhésion à la zone euro devrait reposer sur une stratégie claire et concrète.
Ruxandra Popescu, chercheuse à ce Centre et co-auteure de l'étude : « Avant tout, il doit y avoir une planification, des recherches et des études d'impact, ainsi que des prévisions qui reflètent, dans une certaine mesure, les opportunités et les vulnérabilités de la Roumanie. Le prochain pas serait la création d'un organisme de coordination du passage à l'euro. Pourquoi l'existence d'un tel organisme est-elle importante ? Parce qu'il serait directement en charge du plan d'action, qui peut, certes, être élaboré par les responsables les plus compétents au niveau national. Il est très important que cet organisme exprime la position unanime de la Roumanie et jette les bases de ce plan d'action. Nous proposons que la date-cible pour l'adoption de l'euro soit fixée suite aux consultations et repose sur les recherches et les études effectuée. L'élaboration d'une stratégie de communication est également nécessaire. »
Un nouveau délai officiel pour intégrer la zone euro doit être crédible et c'est pourquoi il doit s'accompagner d'un calendrier de mesures concrètes à adopter - estime le président du Conseil fiscal, Ionuţ Dumitru: « Quelle que soit la date fixée en ce moment - 2021, 2025, 2030 -, en l'absence d'un programme très sérieux, avec des délais très clairs, toute date évoquée en ce moment ne peut être considérée comme réaliste. Or, un objectif qui n'est pas réaliste peut engendrer des comportements qui seront par la suite nuisibles à l'économie. La première date fixée pour le passage à l'euro a été 2015 : un terme très ambitieux pour la Roumanie, en raison duquel une partie de la population a contracté des crédits en euros, pensant qu'au bout d'un certain temps, nous utiliserons l'euro comme monnaie et il n'y aurait plus de risques liés aux taux de change. »
De son côté, le conseiller présidentiel et ancien commissaire européen Leonard Orban, avertit que les choses se compliquent avec le temps qui passe, car l'Union monétaire devient plus exigeante et durcit les critères d'adhésion : « Mon message aux décideurs politiques - et non seulement - c'est qu'il est possible que nous n'ayons plus le temps. Il est possible qu'à partir de 2018 des décisions soient prises qui rendent l'adhésion à la zone euro de plus en plus difficile. Or, il est essentiel pour la Roumanie qu'elle fasse partie du noyau dur de l'UE. »