"Baccalauréat" en DVD

"baccalauréat" en dvd Cette création, prix de la meilleure réalisation à Cannes 2016, sera distribuée dans une cinquantaine de pays

Portant la signature du cinéaste Cristian Mungiu, le film « Baccalauréat » montre jusqu’où peut aller l’amour d’un père pour sa fille dans une société où la corruption est à l’ordre du jour. La sortie sur DVD du film, meilleure réalisation à Cannes 2016, a eu lieu au Salon international du livre Gaudeamus 2016 en présence du réalisateur, Cristian Mungiu, du protagoniste Adrian Titieni, du directeur des Editions Humanitas Gabriel Liiceanu et de l’écrivain Marius Chivu. « Baccalauréat », qui a ramené plus de 55.000 spectateurs dans les salles de cinéma de Roumanie, sera distribué dans une cinquantaine de pays. Déjà projeté en France et en Espagne, il sera présenté au public canadien et américain au cours du mois de janvier 2017, pour arriver en Grande Bretagne en mars prochain.

 

Qu’est-ce qui rend spécial Cristian Mungiu en tant que réalisateur ? L’écrivain Marius Chivu précise : « Le point fort de Cristian Mungiu en tant que réalisateur et scénariste, c’est la manière dont il met en scène des équations morales presque impossible à résoudre, extrêmement compliquées, des équations où se mélangent sentiments et concepts forts tels que le devoir, la responsabilité, la morale, l’amour – toute sorte de choses qui appartiennent à la raison… ou pas. De même, le point fort des films de Mungiu est la manière dont tous les personnages ont raison en même temps, la difficulté de comprendre quelle vérité est plus solide, qui a raison, qui exagère. « Baccalauréat » est le premier film de Cristian Mungiu qui ne parle plus de la mort. Cette fois-ci il s’agit d’un problème très pesant : le succès dans la vie. Je me réjouis du fait que nous avons accès pour la première fois au scénario écrit. Parce que c’est vraiment surprenant comment dont Mungiu réussit à construire ces personnages et leurs dialogues, très exactes et équilibrés. » 

 

Lors du lancement du DVD au Salon du livre « Gaudeamus 2016 », le philosophe et éditeur Gabriel Liiceanu a analysé le film de Cristian Mungiu d’un point de vue historique. « Malheureusement, la Roumanie entre dans la modernité, en traînant une histoire du Levant, basée non pas sur des normes mais sur des relations interpersonnelles. La société affiche une façade moderne, de lois et d’institutions démocratiques, tout en gardant à l’intérieur des structures anachroniques. La forme est moderne, mais le fond reste levantin », affirmait  Gabriel Liiceanu, se référant aussi à la société présente dans le film de Mungiu.

 

Et lui de poursuivre : « C’est une société captive dans une faille de l’histoire où des individus en chair et en os ne s’élèvent pas au statut de citoyen, qui leur imposerait l’égalité devant la loi et les normes. Aux yeux de la loi, l’individu est une abstraction. C’est ce monde que décrit le film de Cristian Mungiu. Le monde de ces individus concrets, où ce qui fonctionne, ce sont les relations, un sentimentalisme onctueux, une  indulgence infinie. Ce sentimentalisme enveloppe le monde, créant l’impression que tout peut s’arranger, tout peut changer grâce à ces relations. Le malade qui a besoin d’une transplantation du foie n’attend pas son tour, la liste d’attente ne fonctionne pas, on peut la contourner, les coups de piston sont décisifs, tout repose sur les « bons gars », sur les arrangements, sur le « on va s’entendre », sur le « évitons la loi » ; c’est la relation interpersonnelle, qui est souveraine, et non pas la règle abstraite, qui définit la société moderne. Or, dans une société incapable de faire le saut de la relation à la règle, la corruption est le résultat inévitable. Et c’est de la corruption que parle, avec talent, Cristian Mungiu dans son film sur une société où les positions sociales ne s’occupent pas au mérité mais en ayant recours à la chaîne des faiblesses. Le mal s’insinue donc dans le monde sous le masque du bien. Ce qui interpelle dans ce film, c’est qu’ils sont tous « de bons gars », à commencer par le maire adjoint, l’homme politique, qui est adorable. Le proviseur du lycée aussi. Alors, quel est le drame de celui qui refuse ce monde et qui sauve son enfant en l’envoyant loin de là ? Eh bien, avant de rejeter ce monde, il faut en faire partie. Et à partir de ce moment-là, on se salit peu à peu. C’est ce qui arrive au médecin, qui était quelqu’un d’honnête, et qui, une fois entré dans ce monde, devient sale lui aussi. »

 

Le réalisateur Cristian Mungiu précise : « En fin de compte, ce film est issu d’un terrible désespoir, que je remarque autour de moi, que j’ai compris et que je ressens aussi, de temps à autre ; et puis, d’un tas de dilemmes, peut-être moraux, mais surtout personnels, liés à notre âge, à notre avenir, aux solutions que nous avons choisies. Des solutions que je mets en rapport avec nos enfants. Nous pouvons dire des tas d’abstractions à nos enfants, surtout quand ils sont très jeunes, mais au moment où ils entrent dans la vie réelle et se confrontent à différentes situations, ils constatent que notre discours privé cohérent n’a aucun rapport avec le monde réel. En tant que parents, je vis de tels moments au quotidien et j’ai donc décidé, en l’absence d’une quelconque solution, de faire un film pour y poser ces questions. »

 

Présenté en première au Festival du film de Cannes, où il a reçu le Prix de la mise en scène, « Baccalauréat » s’est vu accorder 5 étoiles par Peter Bradshaw, critique de cinéma au journal britannique The Guardian. « La création du réalisateur roumain est complexe, c’est une étude psychologique, comme allégorie morale, des choix mesquins que font les gens pour forcer leur chemin dans la vie. Contraints par un devoir de loyauté envers d’autres, qui, à leur tour, les ont aidés à faire des choses minables, les gens se servent de la corruption générale comme d’un alibi personnel, qui les justifie », explique Peter Bradshaw. (trad. : Valentina Beleavski, Ileana Taroi)


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Publicat: 2017-01-07 13:30:00
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