Spectacle consacré à Isidore Isou à Bucarest

spectacle consacré à isidore isou à bucarest Danse, musique et poésie.

Le Centre national de la Danse de Bucarest a proposé, récemment, en première, une expérience unique consacrée à l'artiste français d'origine roumaine Isidore Isou, créateur du lettrisme. La mezzo-soprano britannique Loré Lixenberg et le compositeur français Frédéric Acquaviva ont présenté chacun, un récital musical inspiré par les créations d'Isidore Isou. Né en 1925, à Botosani, en Roumanie, celui-ci s'établit définitivement à Paris, au cœur du quartier Saint-Germain-des-Prés où il arrive clandestinement en août 1945, après un périple périlleux de plusieurs semaines à travers l'Europe. Malgré le succès du courant littéraire qu'il a inventé, Isidore Isou reste plutôt méconnu du public roumain. C'est la raison pour laquelle le Centre national de la danse a décidé de lui consacrer un premier événement d'une série qui s'annonce plus longue. 


Le commissaire d'exposition Igor Mocanu affirme: « En tant que membre de l'avant-garde, Isidore Isou est un artiste à préoccupations multiples. Du coup, il s'occupe également de la danse à laquelle il a consacré un manifeste et plusieurs textes théoriques. A la différence de l'avant-garde expressionniste allemande des années 1920- 1930, Isidore Isou a imaginé une chorégraphie de la chute, des objets qui plongent dans le vide. C'est d'ailleurs une vision qui pourrait servir de source d'inspiration pour un futur projet de notre centre. Mais, pour l'instant, on a invité un compositeur français vivant à Berlin, à la tête de la Plaque Tournante, un espace artistique avant-gardiste basé dans la capitale allemande et d'une mezzo-soprano britannique. Concrètement, il s'agit de Frédéric Acquaviva et de Loré Lixenberg, deux artistes fortement préoccupés par l'art contemporain et par l'œuvre d'Isidore Isou. Ceci dit, il convient de préciser que Frédéric est un collectionneur d'ouvrages portant la signature d'Isou ». 


L'événement consacré à Isidore Isou a débuté par la projection vidéo d'un extrait de deux minutes d'un documentaire réalisé par Orson Welles et intitulé « Around the World in Saint Germai des Près » « Autour du monde à Saint Germain des Près ». Tournée en 1955 à Paris, sous la direction de la Librairie Fischbacher, la séquence présentée au public bucarestois a pour protagonistes Isidore Isou, Maurice Lemaître, Jacques Spacagna et Orson Welles. 


Le récital de la mezzo-soprano Loré Lixenberg a inclus des ouvrages créés entre 1947 et 1984. En voici les témoignages : « J'ai fait une sélection parmi les œuvres d'Isidore Isou, composées entre 1945 et 1984. J'ai fini par choisir « la Neige », un de ses premiers ouvrages musicaux qui témoigne de son génie de transformer la réalité. J'interprète aussi quelques-uns de ses poèmes silencieux qui se chantent à l'aide des gestes. C'est absolument fascinant pour un artiste comme moi d'interpréter un matériel tellement riche en sons différents. Personnellement, j'adore ces désaccords entre les sons et leur signification. C'est un sentiment qui me plaît, un « good mouth feel » comme on dit ».


Vers la fin de sa vie, Isidore Isou s'est beaucoup rapproché de la musique. La seconde partie de l'événement de Bucarest a inclus justement une composition de cette période. Il s'agit de la Symphonie nr 4, « Juvenal », composée en 2001 et orchestrée par Frédéric Acquaviva en 2003. Le compositeur français avait connu Isidore Isou pendant les 10 dernières années de sa vie. Ils ont créé ensemble plusieurs symphonies. 


Frédéric Acquaviva décrit la création musicale d'Isidore Isou: « Il a quitté la Roumanie après la Seconde Guerre Mondiale. Il est arrivé à Paris en 1945. Il voulait créer de la poésie lettriste, soit un mélange de poésie et de musique. Par conséquent, plus tard, on en parlait en termes de « poésie », alors qu'en fait, la poésie lettriste n'utilise que la voix, des mouvements et des sons obtenus à l'aide du corps. C'est donc une sorte de « musique du corps » (body sound). C'est quelque chose de très avancé. C'est une poésie complètement abstraite. La musique d'Isidore Isou a l'air un peu primitif, parce qu'elle est construite en boucles. C'est quelque chose de très bizarre. « Juvenal » est la 4e des 5 symphonies sur lesquelles nous avons travaillé ensemble. Nous l'avons orchestrée sur la voix de la chorale. On ne s'y rend compte ni de l'époque, ni du pays où l'on est, ce qui est vraiment très intéressant et très spécial.  » 


Le compositeur Frédéric Acquaviva a déjà organisé plusieurs événements consacrés à Isidore Isou à travers l'Europe et ses projets continueront : « J'ai déjà organisé plusieurs expositions et j'ai écrit des livres sur Isidore Isou. Avec laide de l'Institut Culturel Roumain de Stockholm, j'ai publié un livre consacré à ses romans hyper-graphiques. Et puis, nous sommes ici, au Centre national de la danse de Bucarest. Il faut dire qu'Isidore Isou a créé quelques chorégraphies fantastiques qui devançaient d'au moins 40 ans leur temps. Il écrivait dans les années 1950 ce que l'on retrouve dans la danse contemporaine française des années '90, par exemple. D'ailleurs, je suis en train de travailler sur quelques projets qui lui sont consacrés. Tout d'abord sur une monographie de ses peintures et de ses œuvres d'art. J'espère qu'elle sera publiée cette année par les Editions du Griffon. Ce sont les mêmes éditions qui ont publié la première monographie de Brancusi dans les années '50. » (Trad. Ioana Stancescu, Valentina Beleavski)


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Publicat: 2017-03-11 13:10:00
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