Freiraum – Les enfants de la liberté

freiraum – les enfants de la liberté 38 Instituts Goethe et leurs partenaires ont lancé, à travers l’Europe, le projet « Freiraum ».

 

Le mot allemand Freiraum n'est pas facile à traduire, il fait penser à la liberté d'être soi, il évoque une libération ou un espace de liberté. Néanmoins, dans ce contexte spécifique, il pourrait nommer une certaine peur ou une angoisse par rapport à l'idée de liberté ; une peur qui soit entraînée par une possible perte de sa liberté personnelle, soit liée à une incapacité collective à jouir de la liberté telle qu'elle est garantie aujourd'hui par les institutions européennes. 

 

Déroulé de 2017 à 2019, le projet du Goethe-Institut vise surtout à explorer la situation des villes européennes en matière de liberté, explique Evelin Hust, la directrice de l'Institut Goethe de Bucarest : « Nous avons essayé de connecter des personnes de différents pays européens pour réfléchir ensemble à l'idée de liberté. La liberté est-elle mise en danger aujourd'hui? La liberté d'expression est-elle menacée, si on regarde l'exemple de la Turquie ou de la Pologne ? Le droit de choisir son mode de vie, on y porte atteinte lorsque quelqu'un définit l'idée de famille, comme c'était le cas en Roumanie avec la Coalition pour la famille ? Nous nous sommes aussi interrogés par rapport aux manières qui nous restent de vivre notre liberté, en cas de récession économique. D'un autre côté, sommes-nous réellement libres ? Les promesses de l'Union européenne se traduisent-elles véritablement par des libertés ? Je crois que, par rapport à l'Europe de l'ouest, les gens sont plus sceptiques en Romanie quant au rôle de la démocratie et aux avantages qu'elle peut offrir. »

 

Le projet Freiraum s'est déroulé en plusieurs étapes. Pour commencer, chaque Institut a identifié, à l'aide de ses partenaires locaux, une problématique spécifique au lieu d'implantation de l'Institut. Le projet a supposé par la suite la création de tandems par tirage au sort. Le hasard a réuni les Instituts Goethe de Bucarest et de Vilnius, la capitale de la Lituanie. De cette collaboration est né le documentaire « Les Enfants de la liberté ». La réalisatrice du film, Ruxandra Ţuchel, estime que l'association entre la Roumanie et la Lituanie permet d'illustrer l'idée actuelle de liberté par contraste avec la période communiste traversée par les deux pays : « Il est très important, ce thème de la liberté. Si nous pensons la liberté dans le contexte actuel de l'explosion du populisme et du nationalisme, nous pouvons dire que ça devient de plus en plus sérieux. Mais il est très intéressant, surtout en Europe de l'Est, de voir que d'une génération à l'autre, entre les parents et leurs enfants, l'histoire ne se transmet pas. Les enfants qui ont participé au projet ont 17-18 ans, ils sont en première ou en terminale. Leurs parents, dont la jeunesse battait son plein dans les années '90, après la chute du mur, ont d'énormes difficultés à expliquer à leurs enfants que le monde a beaucoup changé, que la liberté dont ils jouissent maintenant était utopique il y a trente ans ou plus. »

Il est probable que les jeunes interrogés dans le documentaire « Les Enfants de la liberté » aient raison et que l'idée de liberté se traduise aujourd'hui surtout par la possibilité de voyager librement pour les études ou pour suivre une carrière dans les autres pays européens. Toutefois, dans ce cas, des barrières économiques sont susceptibles d'apparaître, considère Evelin Hust, la directrice de l'Institut Goethe de Bucarest : « Je crois que, pour les jeunes, la liberté de choisir où ils veulent étudier ou vivre est aujourd'hui bien plus grande. Mais cela concerne uniquement les très éduqués. Ces dernières années, nous nous sommes rendu compte qu'une partie des jeunes se sentent laissés pour compte, notamment à cause de la récente crise financière qui a fait progresser les taux de chômage dans des pays comme le Portugal, l'Espagne et la Grèce. Les jeunes de ces pays se demandent probablement ce qu'il en est de leurs libertés, vu qu'ils manquent de moyens pour en profiter. Nous ne pouvons pas généraliser ces constats, mais je crois que parfois les jeunes voient la liberté comme quelque chose de normal. Les jeunes générations n'ont pas expérimenté les temps où, en Roumanie ou en Allemagne de l'Est, les gens vivaient au-delà du mur et la liberté de mouvement était extrêmement limitée. »

Derrière le Rideau de fer, la vie des jeunes n'était pas du tout facile, et les tentatives d'imiter le mode de vie occidental pouvaient avoir de graves répercussions en termes de liberté, dans un régime totalitaire où les droits humains étaient bafoués jour après jour. A la différence de la Roumanie, la Lituanie occupée par les Soviétiques a traversé un processus de russification linguistique et culturelle. Ruxandra Ţuchel explique d'où vient la différence de perspective entre les jeunes Lituaniens et les Roumains : « L'expérience a été très intéressante, car leur situation est en partie similaire à la nôtre. Evidemment, au-delà du communisme que nous avons également traversé, il existe une grande différence entre eux et nous : c'est le fait qu'eux, ils étaient sous occupation russe. Dès lors, le culte de la langue et le désir de préserver son identité nationale prennent une toute autre connotation. Ils deviennent des armes pour luter contre ceux qui essayaient d'effacer l'identité nationale. Ce sont des choses compliquées, je serais curieuse de savoir comment ça se passe pour les jeunes du même âge d'un pays qui n'a pas connu un régime totalitaire après la Deuxième Guerre mondiale, comme la France ou la Grande Bretagne. La tendance est très claire pour ce qui est des jeunes des anciens pays communistes : ils veulent tous quitter leurs pays. La différence entre la Roumanie et la Lituanie est que les jeunes roumains veulent s'installer ailleurs, alors que les Lituaniens souhaitent revenir chez eux à la fin de leurs études. »

 

Étonnamment, les lourdes traces laissées en Lituanie par le régime communiste sont aujourd'hui presque entièrement effacées. Si les jeunes de Vilnius visent à émigrer en Europe Occidentale pour les études, c'est parce que le système d'enseignement lituanien leur semble lourd, vétuste et bien trop théorique. Dans le documentaire « Les Enfants de la liberté », les jeunes lituaniens identifient l'idée de liberté avec la chose qui leur est la plus chère : la possibilité de disposer d'eux-mêmes à tout moment. (Trad. Elena Diaconu)

 


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Publicat: 2019-09-14 13:10:00
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