«La distance entre moi et moi» ...

«la distance entre moi et moi» ... ... un documentaire sur la poète roumaine Nina Cassian

Un film d'une heure trente qui arrive à retracer l'histoire d'une vie complexe, en accompagnant dans le même temps son héroïne, Nina Cassian, dans le questionnement des choix qu'elle avait faits dans la vie.

 

Après sa première internationale au Festival de film de Trieste, en Italie, « La distance entre moi et moi », un documentaire réalisé par Mona Nicoară et Dana Bunescu sur la poète roumaine Nina Cassian, est sorti début mars dans les salles de Roumanie. « A la réputation de femme-fatale, buveuse et fumeuse, la poète de l'avant-garde, la compositrice et la graphicienne Nina Cassian (1924-2014) a été simultanément complice et problème pour le régime staliniste. Elle est ensuite entrée en conflit direct avec le régime Ceauşescu et elle a fini par devoir s'exiler à New York en 1985, suite au meurtre du dissident Gheorghe Ursu », racontent les deux réalisatrices du film. Nous avons invité Mona Nicoară et Dana Bunescu à Radio Roumanie Internationale pour échanger autour de leur documentaire. Le film, produit par Hi Film Productions de Roumanie et Sat Mic Film des Etats-Unis, en coproduction avec la Télévision publique roumaine, a provoqué beaucoup de réactions en Roumanie à cause de l'histoire compliquée de la poète. C'est pour cette raison que la partie formelle du documentaire a souvent été mise de côté. 

 

Le tournage a commencé en 2013, quand Mona Nicoară a commencé à filmer Nina Cassian dans son appartement new-yorkais. La recherche documentaire s'est prolongée jusqu'en 2014 et c'est seulement un an plus tard, en 2015, qu'a été obtenu le gros du financement. Tout le long du film, Nina Cassian parle de sa poésie, des raisons qui l'ont poussée à adhérer au mouvement communiste, des déceptions que le régime Ceauşescu lui a causées. Une des critiques faite aux deux réalisatrices du documentaire est d'avoir transformé une écrivaine prolétarienne en une icône. Cela, alors que Nina Cassian, à part quelques ouvrages des années '50 où elle exprimait ses convictions politiques, a publié plus de 20 recueils de poésie et autant de livres pour enfants. Mona Nicoară :« Je ne pense pas que nous ayons réussi à transformer Nina en une icône, elle l'était déjà et ce depuis longtemps. Elle était très connue dans la communauté gay, par exemple, elle y était perçue comme une de leurs grandes alliées. Elle était présentée, dans les manuels scolaires ou à la télé, comme une autrice pour enfants ou comme une poète prolétarienne. Selon la situation, tout le monde se concentrait sur un autre aspect, une autre facette de sa personnalité. Ce qui nous intéressait c'était justement de rassembler toutes ces tentatives de présentation de Nina, de voir comment tous ces visages se réconcilient. Par ailleurs, elle-même était très critique par rapport à tous ces essais de représentation. »

 

« La distance entre moi et moi » n'est pas un film-testament. Selon Mona Nicoară, tout ce que Nina Cassian avait à dire, à justifier, à expliquer, elle l'avait déjà fait figurer dans ses mémoires. Toutefois la poète avait aimé l'idée d'un film qui rassemble des fragments de son passé pour les confronter au présent. Mona Nicoară :« Ce qui m'intéressait dans la réalisation de ce documentaire était de voir ce qui se trouvait derrière ce syntagme qui donne le titre du film et que j'ai trouvé dans ses mémoires, « la distance entre moi et moi ». Je voulais voir comment quelqu'un avec une histoire personnelle complexe gère son passé. Je m'attendais à une relation compliquée entre les archives et ses souvenirs personnels et je ne savais pas comment nous allions gérer cela. Mais, dans le même temps, notre intention était de la mettre elle en relation avec ces archives. D'un autre côté, quand tu commences à travailler sur un film, il y a toujours une part d'inconnu, tu ne sais jamais où ça te mènera et la tendance est d'accumuler le plus de matière possible. Ainsi, à part les interviews qui constituent la base du film, j'avais d'autres choses que je pouvais utiliser : des documents d'archives sans lien direct avec Nina, des rushes réalisés à New York et à Bucarest avec Ovidiu Mărginean et Rudolf Costin, surtout avec des cadres d'extérieur. Dana Bunescu m'a persuadé de renoncer à ces bandes, et elle a eu raison de le faire. C'est grâce à Dana que je suis arrivée à cette simplicité formelle apparente qui a fait que le film devienne ce que je voulais : un film sur la relation de Nina Cassian avec elle-même. »

 

Mona Nicoară a essayé plusieurs formats avant d'arriver à la forme finale du film. Avec Dana Bunescu, elle s'est arrêtée à cette structure très simple, qui retrace la chronologie d'une vie. Dana Bunescu :« Le film a pris forme après maintes discussions sur tout le matériel que nous avions. Et il y en avait beaucoup : le tournage réalisé par Mona en 2013, l'interview-même avec Nina ; ensuite, les recherches réalisées auprès du Conseil national pour l'étude des archives de la Securitate et des Archives d'Etat. Il y avait aussi les archives de la télévision publique roumaine et les Archives nationales du film. Mona connaissait déjà tout ça, nous avons à nouveau tout regardé ensemble et nous avons ensuite beaucoup discuté sur ce qu'on garde et sur comment organiser cette matière. A partir d'un certain moment il y a eu beaucoup de tentatives de notre part de mettre de l'ordre dans tout ça, pour que notre histoire soit plus efficace, plus claire, mais pour qu'elle laisse aussi la place à des questions. La partie la plus difficile a été, probablement, d'insérer dans le film le dossier des Archives de la Securitate. Cela faisait apparaître une troisième voix dans le documentaire, celle d'une personne inconnue, mais qui avait existé dans la vie de cette personne. »

 

Dana Bunescu a aussi évoqué quelques réactions générées par le film :« J'ai été ravie de voir des jeunes gens venir voir le film. Des jeunes qui ne savaient pas très bien ce qu'ils allaient voir, mais que j'ai entendu discuter après les projections : ils voulaient chercher les livres de Nina Cassian. Rien ne m'a autant émue. » a conclu Dana Bunescu, qui a réalisé, avec Mona Nicoară, le documentaire « La distance entre moi et moi ».(Trad. Elena Diaconu)

 


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Publicat: 2019-08-31 13:06:00
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