L'avertissement, issu par des experts mondialement reconnus en biodiversité, considère que, je cite, « les pandémies récentes sont une conséquence directe de l'activité humaine, en particulier de nos systèmes économiques et financiers globalisés, pour lesquels seule compte la course au bénéfice, et ceci sans égard du prix à payer par l'ensemble. Nous disposons d'une brève fenêtre d'opportunité pour dépasser les défis mis en exergue par la crise actuelle, et pour en éviter d'autres », conclut le message des experts. Les professeurs Josef Settele, Sandra Diaz et Eduardo Brondizio avaient dirigé l'étude la plus compréhensive jamais réalisée sur l'état de la santé mondiale, et dont les conclusions ont été publiées en 2019 sur la plateforme de spécialité Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services. Leurs conclusions : la société humaine est en danger à cause du déclin accéléré des systèmes naturels qui concourent à maintenir la vie sur Terre.
Ces chercheurs, avec l'appui du dr. Peter Daszak, tirent encore la sonnette d'alarme dans un article récemment paru. Selon eux : « Les déforestations massives, l'expansion incontrôlée de l'agriculture, surtout de l'agriculture intensive, les exploitations minières, le développement de l'infrastructure et l'exploitation des espèces sauvages constituent le mix parfait pour permettre l'apparition des pandémies ». Les chercheurs ajoutent dans leur tribune qu'il est urgent que les gouvernements, qui mettent sur la table des trillions d'euros pour venir en aide aux secteurs en difficulté, mettent à profit cette opportunité pour conditionner l'accès des industries à cette manne financière à leur respect pour l'environnement. Les chercheurs plaident encore pour la mise en place d'une vision unitaire au niveau de la planète, vision qu'ils intitulent « One Health ». Parce que, poursuivent-ils, « Notre état de santé dépend de l'état de santé des animaux sauvages, des animaux de ferme et de l'environnement. Tout se tient ».
Frans Timmermans, vice-président exécutif du Pacte vert européen est sur la même longueur d'onde lorsqu'il affirme, je cite : « La crise provoquée par le nouveau coronavirus a mis en évidence nos vulnérabilités, et combien il était urgent de rétablir l'équilibre entre l'activité humaine et la nature ». La Commission européenne avait ainsi adopté en mai dernier deux nouvelles stratégies portant sur la biodiversité et le système alimentaire. Aussi, selon la première, d'ici 2030, 30% des terres et des eaux de l'UE devraient être transformés en zones protégées, alors que 10% des terres agricoles seront rendues à la nature. Adoptée en pleine crise provoquée par la COVID-19, la stratégie constitue un élément central du plan de redressement de l'UE, censé prévenir l'apparition de futures épidémies et consolider notre capacité de résilience face à ce risque.
Frans Timmermans : « La stratégie relative à la biodiversité est un élément clé pour stimuler notre résilience, pour prévenir l'apparition de nouvelles maladies, telles les zoonoses. Parce qu'en détruisant la nature à ce rythme - et rappelez-vous que près d'un million d'espèces risquent de disparaître en l'espace de dix années - nous mettons en péril notre vie, notre état de santé, notre bien-être. Les crises climatiques, la crise de la biodiversité, tout cela se trouve dans une relation étroite. Arrêter la destruction de la biodiversité constitue un préalable pour atteindre la neutralité climatique. Il s'agit en outre d'un impératif économique, pour autant que près de la moitié du PIB mondial trouve sa source dans la nature. Et dans cette stratégie pour la diversité, nous avons des ambitions fortes déjà pour 2030, en proposant un plan d'envergure, censé rétablir la nature dans ses droits au sein de l'UE. Pour cela, il faut mieux protéger nos terres et nos mers, encourager les pratiques agricoles soucieuses de l'environnement et de la biodiversité, rendre nos villes propres, réduire la pollution, reboiser et réhabiliter nos forêts. »
L'autre stratégie adoptée, et intitulée « De la ferme à la fourchette », envisage une réduction de 50% de l'emploi des pesticides, une diminution d'au moins 20% des engrais et une réduction de moitié de la vente des antimicrobiens utilisés dans les élevages et l'aquaculture. Par ailleurs, la stratégie opte pour consacrer 25% de la superficie des terres agricoles à l'agriculture bio. La stratégie préconise ainsi de retrouver un meilleur équilibre entre la nature, les systèmes alimentaires et la biodiversité, pour protéger la santé de nos citoyens, mais aussi pour accroître la compétitivité et la résilience de l'espace européen.
Frans Timmermans : « Cette stratégie, « De la ferme à la fourchette », construit la valeur de la durabilité par l'entremise de la chaîne alimentaire. Il s'agit d'un nouveau paradigme censé assurer à la fois la sécurité alimentaire et l'impératif de la durabilité. De régler l'usage des pesticides et de diminuer la pollution qui découle de l'utilisation des engrais. Réduire aussi la quantité des antimicrobiens utilisées, dont l'usage en excès mène au décès de 33 mille personnes, chaque année, en l'UE ».
Les deux stratégies européennes récemment adoptées sont complémentaires, conviant, autour d'une même table, la nature, les fermiers, les entreprises et les consommateurs, pour mettre ensemble les bases d'un avenir durable et compétitif. Selon Bruxelles, les stratégies sont conformes aux objectifs du Pacte vert européen, dont elles relèvent le défi, et proposent des engagements ambitieux, censés combattre le déclin de la biodiversité, en Europe et dans le monde entier. Nos systèmes alimentaires devraient devenir à terme la référence mondiale en matière de durabilité compétitive, de protection de la santé humaine et celle de la planète, tout en assurant les moyens de subsistance des acteurs du domaine. (Trad. Ionut Jugureanu)