La pêche à l'esturgeon reste interdite en Roumanie

la pêche à l'esturgeon reste interdite en roumanie La pêche à l'esturgeon dans les eaux territoriales roumaines reste interdite, après que le ministre de l'Environnement, Tanczos Barna, a récemment signé un arrêté en ce sens.

Le ministre a expliqué que les analyses effectuées par les spécialistes de son ministère indiquaient à profusion que les espèces d'esturgeons sont toujours en danger, en raison principalement du braconnage, et que des mesures de préservation stricte, sur le long terme, demeurent indispensables. En fait, le déclin de la population d’esturgeons a été constaté un peu partout dans le monde, c’est pourquoi les organisations internationales ont décidé d'inclure ces espèces dans les annexes I et II de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction dès 1998. La Roumanie, elle, n’avait pour sa part introduit ces mesures qu’en 2006, lorsqu’elle imposa un premier moratoire sur la pêche à l’esturgeon.

 

Une étude de l'organisation environnementale internationale World Wild Fund for Nature, le Fonds mondial pour la nature, est pourtant arrivée à une conclusion pour le moins préoccupante. En effet, près d'un tiers des captures contrôlées sont illégales. Menée entre 2016 et 2020, l’étude donne pour la première fois un aperçu de l'ampleur du braconnage et du commerce illégal de caviar et de viande d'esturgeon, capturé à l'état sauvage dans la région du Bas-Danube, en particulier en Bulgarie, en Roumanie, en Serbie et en Ukraine. Au cours de la même période, les autorités de ces pays ont signalé 214 cas de braconnage, dont 82 en Roumanie. Le phénomène est d’autant plus inquiétant que le bassin du Danube inférieur est l'un des derniers endroits au monde où les espèces d'esturgeons, espèces classées et considérées comme les plus menacées au monde, survivent et se reproduisent encore à l’état sauvage. Aussi, selon Arne Ludwig, expert en génétique de l'Institut Leibniz pour les études sur la vie sauvage et co-auteur du rapport, il existe, je cite, « très peu d'études sur le commerce et le trafic d’esturgeons, et c’est la seule à ce jour qui utilise deux méthodes de police scientifique de pointe, cruciales pour détecter le commerce illégal ». Les échantillons ont été récoltés tout au long de la chaîne commerciale, comprenant les différents types de commerces, tels que des magasins et des supermarchés, des restaurants et des bars, des marchés locaux, des installations aquacoles, des intermédiaires, des pêcheurs et des magasins en ligne. Des tests ADN et des tests isotopes ont été réalisés sur l’ensemble des échantillons, qui ont prouvé que les produits provenant d'esturgeons sauvages avaient été vendus dans les quatre pays. Cette étude montre à quel point l'impact du braconnage est à prendre au sérieux pour préserver les dernières espèces d’esturgeons sauvages et à quel point notre combat pour les sauver demeure vital, déclare Cristina Munteanu, chef de projet au Fonds mondial pour la nature Roumanie. Mais elle propose aussi des solutions. Cristina Munteanu :

 

« La solution en elle-même n’est pas simple ; il s’agit d’imaginer une réponse intégrée, mais que l’on doit apporter au braconnage. Il faut non seulement bannir la pêche à l’esturgeon dans les textes légaux, et cela pour une durée indéterminée, qui est bien entendu une mesure salutaire, il faut aller plus loin et renforcer les contrôles, tant au niveau de la pêche qu’au niveau des marchés, pour comprendre ce qui se passe là-bas. Des analyses peuvent nous renseigner sur la légalité du produit testé, s’il s’agit d’un exemplaire capturé à l’état sauvage ou d’un exemplaire issu de l’aquaculture. Il faudrait aussi travailler avec les communautés de pêcheurs, ce que nous avons fait dans le cadre du projet Life. Il faut déployer une campagne de communication et un travail de réflexion pour trouver, ensemble, des alternatives à la pêche. Nous devons également avoir un suivi clair des populations d'esturgeons, pour savoir exactement quelle est leur situation et, bien sûr, développer la coopération et la coordination entre tous les acteurs impliqués dans la conservation des esturgeons ou qui peuvent affecter les populations d'esturgeons. Tout cela est extrêmement important. »

 

        La région de la mer Noire est capitale pour la survie de cette espèce en Europe. Le Danube et le Rioni en Géorgie sont les deux seuls fleuves européens que les esturgeons migrateurs utilisent pour se reproduire à l’état sauvage. Les principales raisons de leur décimation sont la surpêche et la perte de leur habitat naturel, à cause des barrages hydro-électriques que nous avons érigés au long du Danube et qui ont pour effet de bloquer les voies de migration de ces espèces. Même remarque pour ce qui est des autres constructions fluviales censées faciliter la navigation. Le Danube demeure le seul fleuve de l’UE qui permet encore la reproduction des populations d’esturgeons à l’état sauvage. Dans le Pô, en Italie, et dans l'estuaire de la Gironde, en France, il existe d'importantes populations d'esturgeons, mais qui ne se reproduisent plus naturellement. Des initiatives de repeuplement ont également été lancées en Bulgarie, en Hongrie, en Roumanie, en France, en Allemagne, en Pologne, en Autriche et aux Pays-Bas. Les esturgeons et autres espèces de poissons migrateurs constituent un patrimoine historique vivant, et font partie du patrimoine économique et naturel du Danube. Cristina Munteanu plaide pour les esturgeons :

 

« Il s’agit tout d'abord d’une espèce contemporaine des dinosaures, une espèce qui compte 200 millions d'années d’histoire. Ensuite, leur présence est un indicateur de la santé du système fluvial dont ils proviennent, et surtout du fait que ce système bénéficie de la libre circulation de l'eau, et donc qu’il est en bonne santé. Enfin, dans la survie et le repeuplement de l’esturgeon, il y va de notre propre intérêt. Si nous arrivions à refaire cette population et à pouvoir à nouveau l’exploiter, la commercialiser, sans craindre de la mettre en danger, les revenus que l’on pourrait en tirer sont à même de garantir la prospérité des communautés locales. C’est donc ensemble que nous devons travailler pour sauver les populations d'esturgeons. »

 

        Il existe actuellement 26 espèces d'esturgeons dans le monde, dont six, soit l'esturgeon d'Europe (Acipenser sturio), Acipenser nudiventris, le sterlet, la morue, la truite et l’osciètre, appelée aussi esturgeon du Danube, se retrouvaient dans ce fleuve au début du 20e siècle, selon l’Institut de recherche du delta du Danube. Toutefois, les deux premières de ces espèces, soit l'esturgeon d'Europe (Acipenser sturio) et Acipenser nudiventris ont été aperçues pour la dernière fois dans ce fleuve au début des années 1960.

                                                                                   (Trad. Ionut Jugureanu)


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Publicat: 2021-08-27 13:00:00
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