Aujourd'hui, nous vous proposons un voyage particulier, qui vous plongera dans le temps et dans l'histoire de la région d'Olténie, nous rendant dans le village de Măldăreşti, à la découverte des manoirs fortifiés, véritables joyeux architecturaux de Moyen Âge tardif roumain. Erigés dans le département de Vâlcea, ces manoirs sont désignés par le terme de « culă », signifiant tour fortifiée en langue turque. Et, en effet, si ces manoirs faisaient fonction de résidence des boyards d'Olténie, ils étaient également censés défendre la vie et les biens de leurs hôtes. Et pour s'acquitter de leurs fonctions, les manoirs fortifiés, répandus à partir du 17e siècle dans tous les Balkans, ont, en effet, tout l'apparence d'une tour fortifiée, capable de protéger ses occupants face à une éventuelle attaque ennemie, tout comme face à un soulèvement paysan.
Liliana Beu, directrice adjointe du musée départemental de Vâlcea nous lance un défi : « Si vos pas vous portent dans la région d'Olténie, je vous invite de ne surtout pas rater le complexe muséal de Măldărești, situé tout près de la ville d'Horezu, bien connue pour ses potiers traditionnels. A Măldăreşti, vous trouverez deux de ces « cule », de ces manoirs fortifiés, parmi les mieux préservés de toute la région, la « cula Greceanu », puis l'ancienne « cula Măldărescu », rebaptisée Duca, mais aussi la maison mémorielle d'I.Gh.Duca, celle de l'ancien président du Conseil de ministres roumain, assassiné par les tueurs d'extrême droite de la Garde de Fer, en 1933. Cula Greceanu est sans doute la plus représentative de cette architecture aristocrate d'Olténie. Elle avait été bâtie au 16e siècle, lors du règne de Michel le Brave. L'un de ses commandants avait été fait prisonnier par les Tatars. Il s'évade, réussit à regagner la Munténie et s'établit en Olténie, où il bâtira son manoir fortifié et fondera une lignée aristocratique prestigieuse de la région. Selon la tradition, il aurait donné son nom au village. Il semblerait que le sire était immensément riche pour l'époque. Mais le manoir avait été refait à plusieurs reprises, prenant son aspect actuel vers le début du 17e siècle, lorsqu'il reprit des éléments du style architectural brancovan, du nom du voïvode Constantin Brancovan qui l'initia. Ouvrage éminemment militaire à l'origine, il devient le siège d'une seigneurie féodale typique de la région, caractérisé par l'élégance des lignes du style brancovan. »
Et bien que le manoir fortifié Maldarescu ne peut être visité qu'à l'extérieur, il vaut le détour. C'est ici qu'avait d'ailleurs été tourné en 2015 Aferim, le film de Radu Jude, qui avait remporté l'Ours d'argent au festival de Berlin, et avait sélectionné pour les Oscar. Le manoir fortifié Duca est en revanche, lui, accessible aux visiteurs. Vous découvrirez les célèbres tapis d'Olténie, des icônes et du mobilier d'époque.
Liliana Beu : « Le manoir fortifié Duca se trouve toujours au sein du complexe muséal de Măldăreşti, car il avait appartenu, avec les terres attenantes, à la famille Măldărescu. Au début du 20e siècle, le libéral I. Gh. Duca, devenu premier-ministre en 1933, avait acheté ce manoir, bâti en 1827, et qui se trouvait en ruines à l'époque, et il l'avait remis à neuf, avec un grand respect pour la préservation de son style d'origine, et cela jusque dans les moindres détails. Il avait gardé les poêles anciennes du manoir, il avait récupéré du mobilier d'époque, les icônes et les tapis, qui décorent l'intérieur du manoir, plongeant de ce fait le visiteur actuel dans ce qu'était cette maison seigneuriale à ses débuts, en 1827. A côté du manoir fortifié, dont la fonction de défense primait sur le confort, le nouveau propriétaire bâtit une maison de vacances, assez modeste somme toute, et typique pour l'époque où elle avait été construite, après la Grande Guerre. En dépit de son apparence modeste, cette maison est chargée de mémoire. Son occupant, à maintes reprises ministre, président de Conseil, l'une des figures politiques libérales les plus remarquables, y a laissé son empreinte, et cela on le voit et on le sent, dès qu'on franchit son seuil ».
La reine Marie, la grande reine de la Grande Guerre, son fils, le roi Carol II, Cella Delavrancea, célèbre pianiste et femme de lettres roumaine, Gheorghe Tătărescu, ancien président du Conseil de ministres et bien d'autres personnalités de l'entre-deux guerres ont signé le livre d'or de la maison d'I Gh Duca. Une bibliothèque fournie en livres français tapisse les murs de la demeure, des toiles signées par Olga Greceanu, le meuble de bureau de l'homme d'Etat, le salon de thé de Nadia, l'épouse d'I. Gh. Duca, et jusqu'aux chapeaux de pailles des deux époux et les abat-jours en céramique d'Horezu qui ornent les lampes font de la maison mémorielle un endroit particulier. (Trad. Ionut Jugureanu)