L’Union des Principautés roumaines

l’union des principautés roumaines 1859 est le moment où sont posées les bases de l'État roumain moderne, par la double élection du colonel Alexandru Ioan Cuza, comme prince souverain, en Moldavie d'abord, le 5 janvier, en Valachie ensuite, le 24 du même mois de janvier.

        L'historiographie roumaine s'accorde aujourd'hui pour considérer l'année 1859 comme le moment où seront posées les bases de l'État roumain moderne. 1859 est en effet l'année de la double élection du colonel Alexandru Ioan Cuza, comme prince souverain, en Moldavie d'abord, le 5 janvier, en Valachie ensuite, le 24 du même mois de janvier. Cette double élection marquera de facto l'union de ces deux principautés danubiennes sœurs et sera l'aboutissement d'un long parcours, de l'effort conjoint de deux générations successives d'élites moldaves et valaques, déterminées à créer un État roumain fondé sur le modèle des États européens modernes.


        Accompagnés de Marian Stroia, chercheur à l'Institut d'histoire « Nicolae Iorga » de l'Académie de Roumanie, nous allons passer en revue la suite d'événements, qui aboutira à la constitution de la Roumanie moderne, et décrypter le contexte interne et international du moment.


Marian Stroia : « La guerre de Crimée, déroulée entre 1853 et 1855, avait bouleversé les équilibres et enclenché une suite d'événements qui ne manquera pas de changer en profondeur l'espace du sud-est européen. Cette guerre avait d'ailleurs débuté par l'occupation de l'espace roumain par les troupes russes. Une occupation déroulée entre le mois de juin 1853 et le mois de septembre 1854. La Russie essayait de la sorte de faire pression sur l'Empire ottoman, pour que ce dernier concède plus de droits aux peuples chrétiens orthodoxes des Balkans, qui se trouvaient toujours sous la férule de la Sublime Porte. Pourtant, ce n'était au fond qu'un prétexte pour la Russie d'étendre son emprise vers l'Europe centrale et de l'Est. » 


        L'espace roumain se trouvait enclavé à l'époque entre trois empires, celui des Habsbourg, celui des tsars et celui des sultans, qui étaient plutôt loin de se soucier de son bien-être et de son existence politique. Mais la Moldavie et la Valachie avaient eu alors la chance de bénéficier de la présence d'une génération d'hommes d'Etat d'exception, une élite qui saura composer avec les intérêts divergents de ces empires concurrents, pour donner une chance à la constitution de l'Etat roumain moderne, explique Marian Stroia.


Marian Stroia : « Ce que l'on peut constater c'est que la Sublime Porte s'avère plus réceptive aux désirs de liberté des Roumains. La Turquie semblait être en effet moins conservatrice que la Russie, à cette époque, et les tentatives d'affranchissement, initiées par les élites roumaines à partir de la révolution de 1848, ont toutes bénéficiées de son appui discret. Cela s'est avéré encore plus vrai au temps du règne d'Alexandru Ioan Cuza. L'Empire ottoman avait alors essayé de mettre en échec les tentatives russes de faire main basse sur les deux principautés roumaines, unifiées à l'occasion sous une même bannière. »   


        La guerre de Crimée, où l'appétit russe pour l'expansion fut mis momentanément en échec, la paix de Paris de 1856 qui s'en est suivie, créèrent le contexte favorable à l'accomplissement des desseins de cette élite nationale roumaine, précise Marian Stroia : « 1856 est une année charnière. La nécessité d'un affaiblissement préalable de la puissance russe était un élément connu de longue date, d'ailleurs. En 1849 déjà, le révolutionnaire Dumitru Brătianu l'exprimait en toutes lettres dans une missive adressée à son frère, le futur président de Conseil, Ion C. Brătianu. Il disait à cette occasion que les objectifs nationaux des Roumains ne pourraient s'accomplir que lorsque la Russie était affaiblie. Et 1856 est l'année qui marque un déplacement de la double suzeraineté, exercée, jusqu'alors, conjointement par la Russie et la Turquie sur l'espace roumain, vers un protectorat, exercé cette fois par les Grandes Puissances européennes. Ce changement de paradigme constituait l'opportunité tant attendue par les élites politiques roumaines de passer à l'action. » 


        De grands bouleversements voient le jour aussi sur le plan intérieur. L'on voit le parti unioniste et pro-européen gagner en importance et en influence, pour devenir prépondérant, affirme l'historien Marian Stroia : « Ce sont les élections de 1857 qui donnent le coup d'envoi au changement désiré. C'est à cette occasion que le dessein national, les points de convergence de l'identité nationale peuvent s'exprimer librement. Rappelons, à titre d'exemple, l'autonomie politique, la neutralité, la séparation des pouvoirs, la question fondamentale de faire élire un prince souverain étranger à la tête de l'État nouvellement constitué, afin d'accroître son poids et sa légitimité. Voyez-vous, l'élection du colonel Cuza à la tête de cet État, créé par l'union de la Valachie et de la Moldavie, était déjà perçue comme un passage obligé et nullement comme le point final de cette évolution toujours en marche, censée déboucher à terme sur l'indépendance de la Roumanie, reconnue par les Grandes Puissances. »      


        Le calcul géopolitique des élites roumaines était pourtant simple. Située à la confluence des grands empires concurrents et convoitée par ces derniers, la Roumanie devait trouver appui ailleurs. Et cet ailleurs fut vite trouvé en France, puissance éminemment modernisatrice et porteuse de l'étendard de l'universalisme des Droits de l'homme et du citoyen.


Les historiens d'aujourd'hui s'accordent tous pour considérer l'État roumain moderne comme une création française, souligne Marian Stroia : « En effet, la France a joué un rôle déterminant dans l'accomplissement du désir politique d'union de la Valachie et de la Moldavie, puis, plus tard, dans la voie vers l'indépendance du nouvel État roumain. Cuza bénéficiait déjà d'une éducation occidentale. Francophone et francophile, il était alumnus du collège Stanislas de Paris. Sa formation intellectuelle, tout comme celle de la plupart des élites roumaines, des révolutionnaires de 1848, était liée à l'Occident, à la France en particulier. Et l'appui déterminant est venu de la part de l'empereur des Français, Napoléon III, et de l'État français. C'est un fait historique qui ne fait aucun doute. »   


        Mais le désir d'union, le désir d'affranchissement des Roumains a surtout été le fruit des efforts conjugués d'une élite roumaine éclairée, explique Marian Stroia : « Une élite d'exception, en effet. Des gens totalement désintéressés au plan personnel, mus par le seul souci du bien-être et la poursuite de l'intérêt commun, par un patriotisme désintéressé. Costache Negri, un des proches du prince Cuza et ambassadeur à Constantinople, avait dû être enterré aux frais de l'État, ayant dépensé ses biens pour la cause nationale. Et puis aussi, Ion C Brătianu, lorsqu'il est allé à Dusseldorf offrir au prince Carol de Hohenzollern-Sigmaringen le trône de Roumanie, il a dû vendre une bonne partie de ses terres pour couvrir les frais d'un voyage dans l'intérêt de l'État. »


        Quoi qu'il en soit, la double élection d'Alexandru Ioan Cuza, le 5 et le 24 janvier 1859, à la tête de la Moldavie et de la Valachie, donne le coup d'envoi de la formidable aventure qui débouchera sur la constitution de l'État roumain moderne. (Trad. Ionuţ Jugureanu)



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Publicat: 2022-01-31 08:49:00
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