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La présence du chameau dans l’espace roumain

(foto: pixabay.com)

L’archéozoologie – pour étudier les relations entre hommes et animaux au fil de l’histoire

 

L’histoire de l’humanité, des communautés et des individus peut aussi être connue à travers l’étude des animaux domestiqués et utilisés par les humains et les sociétés. Les archéologues qui exhument aujourd’hui les objets les plus surprenants, ramènent aussi à la surface les restes d’animaux domestiques. L’archéozoologie constitue ainsi la discipline qui étudie les relations de l’homme et le monde animal, à savoir la domestication, l’alimentation humaine, l’économie animale, les rites funéraires. L’archéozoologie diffère par ailleurs de la paléontologie, qui elle étudie l’évolution des animaux et des humains sans se soucier de leurs liens éventuels, mais aussi de la paléozoologie, discipline qui étudie les animaux disparus. Grâce à l’archéozoologie, nous apprenons que le chameau, mammifère typique des zones tropicales et désertiques d’Afrique, d’Asie et d’Australie, a également eu toute sa place dans l’histoire de l’espace roumain.

 

Trois types de chameau dans l’espace roumain

 

Grand mammifère herbivore ruminant, le chameau est présent dans l’espace roumain à travers ses trois variantes : le dromadaire ou le chameau à une bosse, le chameau de Bactriane ou chameau à deux bosses, et les espèces hybrides, munies d’une grande et une petite bosse. Appelé « le navire du désert », le chameau a depuis toujours était utilisé pour le transport de lourdes charges sur de longues distances, ses besoins en eau et en nourriture étant minimes. Domestiqué il y a environ 5000 ans, le chameau est élevé également pour sa viande, pour son lait et pour sa laine.

 

Le plus vieux squelette de chameau en terre roumaine

 

Adrian Bălășescu, docteur en biologie et zooarchéologue à l’Institut d’archéologie « Vasile Pârvan » de l’Académie roumaine, a étudié les squelettes de chameaux trouvés sur les sites archéologiques de Roumanie et dressé une chronologie des découvertes. Le plus vieil exemplaire découvert à ce jour, découvert dans la région de Dobroudja, près de la forteresse d’Ibida, aurait vécu entre le 2e et le 4e siècle de notre ère.

 

Adrian Bălășescu : « Il y a 60 ans, les premiers morceaux de squelettes de chameaux ont été découverts à Dinogeti, à Garvăn, dans le département de Tulcea, lors des fouilles archéologiques systématiques portant sur la période byzantine. Une phalange 1 de chameau à deux bosses avait alors été découverte. Après plus de 40 ans, en 2007, on fait mention d’un autre vestige découvert à Noviodunum, aujourd’hui la ville d’Isaccea, situé sur le bord du Danube, près de la frontière avec l’Ukraine. Ces derniers vestiges datent du 11e siècle. »

 

 Les chameaux d’Agighiol, dans la région de Dobroudja, font partie d’un important matériel faunique découvert en 2007. Il s’agit de six chameaux adultes identifiés par leurs mâchoires, dont les os ne présentent aucune trace d’intervention humaine ni aucune trace de dents de carnivore.

 

Des chameaux enterrés rapidement. Mais pourquoi ?

 

C’est une indication qu’ils ont été enterrés rapidement, un fait expliqué par Adrian Bălășescu : « On va sans doute se demander comment les os de ces animaux ont fini enfouis sous la terre ? Nous n’avons pas beaucoup d’informations sur la manière dont les fouilles ont été menées et il est difficile d’y répondre. J’ai une théorie selon laquelle l’absence de marques d’entaille, de désarticulation et d’éventration pourrait indiquer une mort dans un court laps de temps de ces animaux peut-être à cause de certaines maladies. Puis on les enterre, pour éviter la propagation de la maladie. À l’appui de cette théorie, des études récentes de paléogénétique et de microbiologie accréditent l’idée selon laquelle ces animaux, à savoir les chameaux, sont des vecteurs de propagation de la peste. Or, les grandes épidémies sont venues d’Asie et, outre les souris et les rats, porteurs de l’agent pathogène des puces, les chameaux semblent avoir aussi joué un rôle très important comme vecteur de transmission. D’ailleurs, la bactérie responsable de la peste a été identifiée dans le tartre dentaire des restes de chameaux étudiés. »

 

 En Europe centrale et Orientale, le chameau est présent depuis l’époque romaine

 

D’autres restes de chameaux ont été trouvés sur le territoire roumain à Timișoara, forteresse conquise par les Turcs en 1552 et contrôlée par eux jusqu’en 1716. Nous avons identifié ces deux mandibules de chameau trouvées dans des fouilles diligentées dans le centre de la ville. Mais les chameaux existaient en Europe centrale et orientale bien avant l’arrivée des Ottomans.

 

 

Adrian Balășescu : « En Europe centrale et Orientale, le chameau est présent depuis l’époque romaine. Sa présence pourrait être principalement le résultat de l’expansion de l’Empire romain et du déploiement d’unités militaires provenant de provinces du Proche-Orient ou d’Afrique, où l’espèce était fréquemment rencontrée. Ainsi, des preuves ostéologiques ont été trouvées en Allemagne, en Suisse, en Autriche, en Hongrie, en Serbie et en Bulgarie. Au début du Moyen Âge, et nous avons les découvertes de Dinogetea et de Noviodunum, l’on retrouve la présence du chameau entre le 9e et le 12e siècle, lorsque ces animaux sont présents dans la région en raison de l’influence romano-byzantine. »

 

 Moyen Age : le chameau arrive en Europe grâce aux Ottomans

 

La présence ottomane en Europe centrale depuis la seconde moitié du 16e siècle explique la présence des restes de chameaux datant de cette époque.

 

Adrian Balășescu : « Avec la pénétration des Turcs en Europe, on assiste à nouveau au retour de cette espèce relativement bien documentée en Hongrie, entre le 15e et le 17e siècle. La présence de ces animaux sur le territoire de la Roumanie est principalement due au fait qu’ils étaient utilisés comme animaux de transport à des fins militaires et civiles. Probablement, en cas de pénurie alimentaire, ils étaient également utilisés dans l’alimentation. Au cours du 16e et du 17e siècles, il existait des auberges dans la région du Banat occupée par les Turcs où l’on servait de la viande de chameau. Mais la présence de ces animaux en Roumanie est attestée jusqu’au XXe siècle. Il existe des archives photographiques d’un régiment d’artillerie de la Première Guerre mondiale basé en Dobroudja où l’on voit que les canons étaient tirés par des chameaux. »

 

 

Animal typique des régions chaudes, le chameau a une histoire transcontinentale ancienne. Et l’espace roumain fait partie de l’histoire universelle de cette fameuse espèce. (trad. Ionut Jugureanu)

Categories: Pro Memoria
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