Mécontentements concernant la Justice
Les décideurs politiques à Bucarest affirment vouloir corriger les anomalies du système judiciaire.
Bogdan Matei, 31.07.2025, 13:48
Grand passionné de films et de séries américaines, le public roumain a remarqué depuis pas mal de temps qu’aux Etats Unis, dans les productions cinématographiques contenant des scènes dans les salles de tribunal, les juges sont le plus souvent des septuagénaires, aux cheveux blancs qui portent des lunettes épaisses. L’âge avancée est un symbole de la sagesse, de l’expérience professionnelle et dans la vie en général. Et c’est justement pourquoi les Roumains s’énervent lorsqu’ils apprennent que grâce à une législation qui leur est particulièrement favorable, les juges et les procureurs roumains peuvent partir à la retraite autour de l’âge de 50 ans, soit l’âge à laquelle une personne arrive à atteindre le niveau maximum de ses compétences professionnelles. Et ce n’est pas tout : certains magistrats touchent des retraites plus élevées que leurs salaires, des pensions de retraite qui tournent en moyenne autour des cinq mille euros.
Le régime spécial des retraites des magistrats, dans le collimateur du gouvernement
Dans le cadre du paquet de mesures censées diminuer le déficit budgétaire record pour un Etat membre de l’UE, le premier ministre Ilie Bolojan a présenté mardi un projet législatif qui propose de majorer l’âge du départ à la retraite des magistrats à 65 ans. Le projet prévoit également de limiter le niveau de la pension de retraite d’un magistrat à 70% du dernier salaire net au lieu de 80% du brut comme c’est le cas actuellement. Et ce ne fut une surprise pour personne lorsque le Conseil supérieur de la Magistrature a rapidement réagi pour affirmer que les mesures annoncées par le premier ministre seraient dès le début contraires à la Constitution et susceptibles de détruire à long terme le système de Justice roumain. Le Conseil supérieur de la Magistrature déplore également une campagne de stigmatisation des magistrats, censée miner la Justice et son indépendance et dévier l’attention du public des problèmes réels de la société.
Le président réagit
Mercredi, ce fut au président Nicuşor Dan de faire part publiquement de son mécontentement au sujet de la Justice, et notamment des parquets. Il a souligné que dans de nombreux cas, les délais de solution des dossiers étaient trop longs et impliquaient des procédures trop bureaucratiques. Le chef de l’Etat a également dit que même dans la phase du jugement, des dossiers importants trainent dans les tribunaux pour des périodes extrêmement longues. Pour ce qui est des retraites des magistrats, le chef de l’Etat a constaté que l’actuelle législation et le niveau des pensions de retraite encourage les magistrats à quitter le système beaucoup trop tôt.
« C’est quoi cette débandade ? »
Après avoir vérifié des dizaines de demandes de départ à la retraite, il a constaté que 90% d’entre elles ne respectaient pas la règle conformément à la quelle un magistrat devrait annoncer son intention de quitter le système au moins 90 jours avant de le faire, afin de ne pas perturber l’activité de l’instance où il travaille. Et ce fut au président Dan d’interroger le Conseil supérieur de la magistrature avec la question : « C’est quoi cette débandade ? » Il a annoncé son intention de parler à ce sujet au premier ministre, au ministre de la Justice et aux représentants des magistrats afin de rendre la Justice plus prédictible. Entre temps, toutes les études sociologiques le prouvent : depuis plusieurs années, la confiance des Roumains dans la Justice a enregistré une chute dramatique, à commencer par la Cour Constitutionnelle et jusqu’à la dernière salle de tribunal en province. (Bogdan Matei)