Réactions après l’enquête de Recorder
Des centaines de Roumains ont manifesté mercredi soir devant le siège du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) à Bucarest, suite à une enquête sur l’état du système judiciaire.
Mihai Pelin, 11.12.2025, 13:22
Suite à l’enquête des journalistes du site d’investigations Recorder, intitulée « La Justice capturée », diffusée tant en ligne, que par la chaîne de Télévision nationale mercredi soir, des manifestations ont eu lieu devant les institutions judiciaires et des réactions politiques de haut niveau se sont enchaînées. Les révélations concernant les mécanismes par lesquels le système judiciaire roumain est capturé par un groupe d’intérêt composé de magistrats et de politiciens ont déterminé des centaines de personnes de sortir dans la rue pour manifester devant le siège du Conseil supérieur de la magistrature de Bucarest.
« Justice, pas mafia », « La corruption n’est pas prescrite », scandaient les manifestants, exigeant la démission de la présidente de la Cour suprême, Lia Savonea, de la direction de la Cour suprême et du ministre de l’Intérieur, Catalin Predoiu, ancien ministre de la Justice.
Une manifestation similaire a eu lieu devant le tribunal de Cluj-Napoca (nord-ouest). Le documentaire résume, dans l’espace de deux heures, une enquête journalistique de plus d’un an et demi, sur un possible pacte entre certains politiciens et magistrats. Selon les auteurs, le pouvoir politique aurait proposé des lois instaurant une organisation pyramidale du système judiciaire, concentrant tout le pouvoir entre les mains d’un petit groupe. En échange, ce groupe de magistrats aurait offert un acte de justice de manière à ne pas gêner plus hommes forts de la classe politique. Des témoignages d’anciens et d’actuels magistrats sont présentés dans l’enquête, évoquant la prolongation des procédures jusqu’à la prescription ou la modification de la composition des commissions de juges, parfois même avant le moment où les peines devaient être prononcées.
Réactions de la part du système
La Cour d’appel de Bucarest a immédiatement réagi, qualifiant de « dénigrantes et sans fondement concret » les déclarations du juge Ionel Laurenţiu Beşu, l’un des magistrats qui s’est exprimé auprès des journalistes de Recorder. Le président Nicusor Dan affirme quant à lui que la classe politique est responsable du relâchement de la lutte anticorruption. Cependant, il constate que « les magistrats eux-mêmes n’assument pas leur responsabilité de réformer le système ». Il assure avoir pris connaissance du rapport sur la situation du système judiciaire et souligne que la solution aux problèmes soulevés réside également au sein de ce système. « Les affaires présentées doivent faire l’objet d’une enquête et les coupables doivent être punis, mais uniquement par la justice et sur la base de preuves », estime encore le chef de l’Etat, qui annonce que la présidence est en train de travailler sur un rapport contenant des données sur les dysfonctionnements du système judiciaire. « J’invite tous les magistrats à me faire part directement des difficultés auxquelles ils sont confrontés », a affirmé le président.
Les représentants des magistrats sont également invités aux pourparlers par le premier ministre Ilie Bolojan, qui se propose d’analyser lui-même les informations rendues publiques par cette investigation. Il se propose également de s’entretenir avec l’actuel ministre de l’Intérieur, Catalin Predoiu, au sujet de son précédent mandat à la tête du ministère de la Justice. Le chef de l’Exécutif a pourtant souligné qu’il ne pouvait pas destituer un ministre pour des activités menées il y a des années, aucune responsabilité directe n’ayant été établie. Si les informations s’avèrent exactes, d’importantes modifications législatives seront nécessaires, a déclaré le Premier ministre Ilie Bolojan.