Les maisons de la culture – des centres d’éducation et de propagande ruraux
L’imaginaire
collectif roumain associe les maisons de la culture rurales à la propagande
communiste et, peut-être, à la boîte de nuit officieuse du village, improvisée
de temps à autre, à la limite de la loi. Leur histoire remonte, pourtant, à une
époque plus lointaine, plaçant ces établissements dans une démarche plus ample,
de propagande, mais aussi d’éducation au sens large du mot. Les maisons de la
culture rurales marqueront bientôt cent ans d’existence depuis leur création en
1923, sous l’égide des Fondations royales, une importante institution
culturelle publique.
Christine Leșcu, 13.08.2022, 09:30
L’imaginaire
collectif roumain associe les maisons de la culture rurales à la propagande
communiste et, peut-être, à la boîte de nuit officieuse du village, improvisée
de temps à autre, à la limite de la loi. Leur histoire remonte, pourtant, à une
époque plus lointaine, plaçant ces établissements dans une démarche plus ample,
de propagande, mais aussi d’éducation au sens large du mot. Les maisons de la
culture rurales marqueront bientôt cent ans d’existence depuis leur création en
1923, sous l’égide des Fondations royales, une importante institution
culturelle publique.
L’historien Răzvan Andrei Voinea explique le but de la
mise en place de ces établissements à l’entre-deux-guerres: C’était toujours un rôle de propagande. Le discours
nationaliste-monarchiste est très intéressant à analyser, surtout sa version
d’après la prise du pouvoir par le roi Carol II et la période de la dictature
royale débutée en 1938. La propagande de l’époque avait pour but d’éveiller la
conscience nationale, tout en étant assaisonnée de nombreuses mesures qui
mettaient en avant l’importance de la religion et qui redoraient l’image de la
monarchie dans l’imaginaire populaire, chose visible notamment après 1934. Avant
cette date, on comptait environ 100 à 150 maisons de la culture ouvertes dans
les villages, mais, après l’arrivée du sociologue Dimitrie Gusti à la tête des
Fondations royales, leur nombre explose à près de 2 000 établissements
créés entre 1934 et 1938. Un nombre immense, qui fascine, effectivement !
C’est aussi à ce moment-là que Gusti a proposé de nombreuses mesures pour
améliorer la qualité de vie dans les campagnes roumaines. Ce fut une action à
plusieurs dimensions : la première a été économique, introduite par le
biais d’un tas de programmes qui apprenaient aux paysans comment agrandir leurs
biens et avoirs ; et puis il y a eu une deuxième direction culturelle et
une troisième sanitaire, très importante, que ces réformateurs essayaient de
mettre en œuvre.
Ces maisons de la culture ne fonctionnaient
pas dans des bâtiments dédiés et ressemblaient plutôt à des associations de villageois.
L’historien Răzvan Andrei Voinea énumère les activités qui y étaient
organisées: L’on a essayé et partiellement réussi à
ériger diverses constructions : étables pour les animaux, fontaines et
monuments publics, lampadaires d’éclairage public, ou encore bains publics. (…)
L’on creusait des fossés, l’on soignait des gens malades. Du point de vue de la
santé, la propreté et les bains publics bénéficiaient de beaucoup
d’attention. (…) Durant la Deuxième guerre mondiale, l’on collectait de
l’argent et des matériaux pour les soldats engagés sur le front. (…) La
bibliothèque a joué un rôle important. Chaque maison de la culture avait sa
propre bibliothèque. Il faut rappeler qu’à l’époque, l’image de ces
établissements ne ressemblait pas à celle qui nous est restée des constructions
communistes. À l’entre-deux-guerres, les maisons de la culture fonctionnaient
d’habitude à l’intérieur de l’école ou de la mairie du village. C’est la raison
pour laquelle la plupart d’entre elles étaient entièrement liées à ces
établissements ou bien leur direction était assurée par le prêtre ou par le
directeur de l’école, les principaux animateurs de la vie culturelle locale.
Ce premier chapitre de l’histoire des
maisons de la culture s’arrête au moment de l’instauration du régime communiste
et la suppression des Fondations royales. Dans le milieu rural, l’activité
culturelle et éducationnelle entrait ainsi dans une nouvelle étape, explique
Răzvan Andrei Voinea: Premièrement, les maisons de la culture font l’objet d’investissements majeurs. (…)
Après 1948, un nouveau bâtiment fait son apparition dans chaque village de
Roumanie, c’est la maison de la culture. Dans un premier temps, elles sont
nombreuses à occuper des immeubles nationalisés ayant appartenu à des familles
de boyards. Plus tard, on en a construit de nouveaux sièges, selon des projets
réalisés dans les instituts d’architecture et d’ingénierie des grandes villes.
Les activités accueillies par ces nouveaux bâtiments étaient d’une grande
diversité et reposaient sur le même type de propagande. L’on y organisait des veillées,
des expositions sur la collectivisation en U.R.S.S. ou dans différentes régions
de la Roumanie. Une autre direction d’action intéressante a été la propagande à
travers le film, entamée en 1960. (…) L’on a créé des troupes de théâtre
campagnardes, avec un répertoire assez riche. Il y en eu des centaines partout
en Roumanie. (…) D’habitude, ces troupes mettaient en scène des scénarios
écrits à Bucarest et distribués ensuite dans les différentes maisons de la
culture. (…) Chaque dimanche matin, à 11
heures, les gens qui se rendaient à la Maison de la culture assistaient à une
pièce de théâtre. C’était la même à travers le pays, selon le principe
d’unification du discours culturel.
Depuis 1990, les maisons de la culture
rurales n’ont plus éveillé l’intérêt des décideurs politiques, ni des managers
culturels des institutions publiques. Aujourd’hui, sur les 7100 établissements
culturels des campagnes roumaines, seuls 125 organisent des activités plus ou
moins spécifiques. (Trad. Ileana Ţăroi)