Les événements décembre 1989 en Roumanie, sous la loupe
Cela
fait 33 ans déjà, que chaque décembre, en Roumanie, les préparatifs pour Noël
coïncident avec la commémoration des héros de la Révolution anticommuniste
roumaine de décembre 1989. Rappelons-le, la Roumanie a été le seul pays du bloc
communiste où le changement de régime s’est réalisé par la violence. C’est
également le seul pays ex-communiste où, le dernier dictateur communiste,
Nicolae Ceausescu, a été exécuté. Somme toute, lors des événements de décembre
1989, un millier de personnes ont été tuées et 3000 ont été blessées, durant
les combats de rue qui ont eu lieu avant mais aussi et surtout après la fuite
de l’ex-dictateur communiste depuis toit du Comité Central de Bucarest, un
moment considéré par le grand public comme la fin de son régime.
Alex Diaconescu, 26.12.2022, 07:54
Cela
fait 33 ans déjà, que chaque décembre, en Roumanie, les préparatifs pour Noël
coïncident avec la commémoration des héros de la Révolution anticommuniste
roumaine de décembre 1989. Rappelons-le, la Roumanie a été le seul pays du bloc
communiste où le changement de régime s’est réalisé par la violence. C’est
également le seul pays ex-communiste où, le dernier dictateur communiste,
Nicolae Ceausescu, a été exécuté. Somme toute, lors des événements de décembre
1989, un millier de personnes ont été tuées et 3000 ont été blessées, durant
les combats de rue qui ont eu lieu avant mais aussi et surtout après la fuite
de l’ex-dictateur communiste depuis toit du Comité Central de Bucarest, un
moment considéré par le grand public comme la fin de son régime.
Depuis,
chaque année, les responsables de l’Etat et les participants à ces événements font
un véritable pèlerinage aux endroits emblématiques de la Révolution anticommuniste
roumaine.
A
chaque fois, les cérémonies démarrent le 16 décembre à Timisoara. De nombreux
événements en lien avec la Révolution se sont déroulés cette année dans cette
ville martyr de l’ouest de la Roumanie : des expositions, des projections de
films, des débats, des marches le long de l’itinéraire des révolutionnaires et
même un concert intitulé « Du folk pour la Révolution ». Et pour cause, c’était
le 16 décembre 1989, à Timisoara
qu’une manifestation de solidarité avec le pasteur réformé Lazslo Tökes, qui
allait être évacué de sa maison s’est transformée en une révolte populaire. Le
prêtre était ainsi puni par les autorités pour ses commentaires critiques à
l’adresse du régime dans les médias internationaux. Aux quelques fidèles
rassemblés devant sa maison sont venus s’ajouter des dizaines, puis des
centaines d’habitants de la ville qui ont crié pour la première fois « A
bas Ceausescu ! ». Les manifs s’amplifièrent dans les jours à venir, tout
comme les heurts entre les forces de l’ordre – milice, troupes anti-émeute,
Securitate et armée – et les protestataires. Une présence militaire massive fut
mise en place à Timisoara et des centaines de personnes furent blessées et même
tuées par balles les 17, 18 et 19
décembre.
Puis,
le 20 décembre, une centaine de
milliers de protestataires se sont installés la Place de l’Opéra, toujours à
Timisoara, pour proclamer des slogans anticommunistes. Face à une telle
présence massive des protestataires et vu l’incapacité du régime de rallier à
ses côtés les ouvriers des usines de la ville, les forces de l’ordre se retirent
et Timisoara devient la première ville
roumaine libérée du communisme. Face à cette défaite évidente, Nicolae
Ceausescu demanda l’organisation d’un grand rassemblement populaire à Bucarest sur
la place devant le siège du Comité central du Parti communiste roumain pour
montrer justement la popularité de son régime, qui fut diffusé en direct par la
télévision. Normalement ces rassemblements étaient préparés plusieurs mois
d’avance. Après quelques minutes le discours du dictateur fut interrompu par un
événement très controversé, un moment qui suscite d’amples débats entre
historiens de nos jours encore. Des pétards se firent entendre et les hauts
parleurs commencèrent à diffuser un enregistrement étrange, des hurlements. La
foule effrayée commença à courir vers les sorties de la place alors que
Ceausescu fut obligé d’interrompre son discours, le tout en direct, à la
télévision d’Etat. C’est à ce moment-là que les Roumains ont eu la possibilité
de voir une première faille dans le régime communiste, en voyant le visage
pétrifié du dictateur Nicolae Ceausescu.
De
nos jours encore, les avis sont partagés au sujet de cet épisode : on a
évoqué la présence de quelques révolutionnaires de Timisoara ainsi qu’une
erreur de la part des organisateurs, tout comme d’autres théories plus ou moins
prouvées. Jusqu’au soir les Bucarestois investissent le centre-ville et
notamment la place de l’Université et des combats avec les forces de l’ordre commencent.
Le bilan de la répression massive déroulée dans la nuit du 21 au 22 décembre est
lourd : 50 morts, 462 blessés et 1 245 personnes arrêtées. A l’aube les
services de salubrité nettoyaient le centre-ville et notamment le sang coulé
sur le pavé.
Ce
sont ces martyrs qui ont été commémorés le 21 décembre 2022 au monument érigé place de l’Université. « Gardons vive la mémoire des héros de la Révolution
de décembre 1989 et perpétuons les idéaux pour lesquels nous avons lutté ! » a
écrit à cette occasion le chef de l’Etat Klaus Iohannis sur les réseaux sociaux.
Retour
en 1989 et plus précisément le 22 décembre lorsque les ouvriers de toutes les
plates-formes industrielles bucarestoises descendent dans la rue et obligent
l’armée de se retirer et Nicolae Ceausescu de quitter le Comité central à bord
d’un hélicoptère. C’est à ce moment-la que Nicolae Ceausescu perd son pouvoir
de commandant suprême. Le vide de pouvoir est remplacé par les révolutionnaires
du Conseil du Front du Salut National, organisés autour d’Ion Iliescu, qui aura
plusieurs mandants présidentiels après la chute du régime. Pourtant ce n’est
pas la fin des violences, puisque les combats se poursuivent et s’amplifient le
23 décembre entre les révolutionnaires et l’armée, d’un côté, et les fidèles de
l’ancien régime, de l’autre.
Le
24 décembre 1989 Bucarest est une ville en guerre, tout comme presque toutes les
autres grandes villes roumaines. D’ailleurs la plupart des décès ont été
enregistrés après la fuite de Nicolae Ceausescu le 22 décembre. Le couple
dictatorial Elena et Nicolae Ceausescu est capturé, jugé dans le cadre d’un
procès sommaire et exécuté le jour de Noël à Târgoviste.
Les
combats s’apaisent, même si les tirs sporadiques se poursuivent jusqu’au 27 décembre. De nombreux épisodes ensanglantés
ont eu lieu ces jours-là, avec plusieurs cas de tirs fratricides entre
différentes forces de l’armée.
Toutes
les victimes de la Révolution roumaine ont fait l’objet d’un immense dossier
qui a fait des aller-retours ces dernières années entre le Parquet militaire et
la Haute cour de cassation et de Justice. Selon les procureurs militaires, « le
groupement autour de Ion Iliescu, ex-membre de la nomenklatura communiste,
avait agi avec habileté et efficacité dans ses efforts d’accaparer le pouvoir
politique et militaire en décembre 1989 ». Conformément aux procureurs,
tout le territoire de la Roumanie a été la scène d’une ample, systémique et
complexe action militaire de désinformation et de manipulation, unique dans
l’histoire nationale. Ces faits ont eu comme conséquence la psychose du
terrorisme qui a été semée et amplifiée au point de causer la mort d’un nombre
important de personnes. Les propos des procureurs suscitent toujours des débats
parmi les historiens et les chercheurs qui contestent plus ou moins cette
théorie, affirmant que les fidèles de Ceausescu auraient agi jusqu’à la
dernière minute contre la Révolution.
Enfin l’opinion publique espère que la
publication, le 23 décembre dernier, de tous les documents relatifs à la
Révolution se trouvant toujours aux archives du Service roumain de
renseignements puisse produire plus de détails sur ces événements, voire
élucider ces véritables mystères de la Révolution roumaine.