Des protestations contre la corruption dans la justice
Les Roumains manifestent pour soutenir l’indépendance dans la justice.
Daniela Budu, 15.12.2025, 11:20
Des milliers de personnes manifestent ces derniers jours à Bucarest et dans plusieurs grandes villes du pays, Arad, Cluj, Timișoara, Sibiu, Iași, Alba Iulia et Craiova – pour soutenir l’indépendance de la justice, après la diffusion d’une enquête du média indépendant Recorder, sur des grands dossiers de corruption qui ont échappé à une condamnation.
Les manifestant réclament, entre autres, la démission de Lia Savonea et de Cătălin Predoiu
Les manifestants réclament la démission de la présidente de la Haute Cour de cassation et de justice, Lia Savonea, et du ministre de l’Intérieur, Cătălin Predoiu, ancien ministre de la Justice. Selon certains magistrats, c’est sous son mandat qu’ont été adoptées en 2022 les lois ayant permis la mise en place au sein du système juridique d’une structure pyramidale, qui ne doit plus justifier ses actions. Les manifestants réclament également la démission de l’actuel ministre de la Justice, Radu Marinescu, et du procureur général de la Direction nationale anticorruption, Marius Voineag. Ils réclament des changements de structure au sein du système judiciaire, une nouvelle approche concernant les compétences du Conseil supérieur de la magistrature, ainsi que la suppression par voie législative des « échappatoires » qui permettent de reporter les dossiers pénaux jusqu’à leur prescription. Selon les manifestants, ces protestations sont également un signe de solidarité avec les juges et les procureurs qui ont eu le courage de critiquer l’actuelle situation. L’enquête journalistique « Justiţie capturată » (Justice capturée), transmise mardi par Recorder, met en lumière les abus au sein du système judiciaire roumain.
170.000 signataires d’une pétition sur la modification des lois sur la justice
Suite à cette enquête, une fracture s’est créée au sein du système judiciaire, provoquant d’une part, une réaction agressive de la part de la présidente de la Cour d’appel de Bucarest, institution subordonnée au CSM, et, de l’autre, une vague de solidarité exprimée par un nombre croissant de magistrats, avec à leur tête Laura Codruța Kövesi, procureure générale du Parquet européen. Plusieurs procureurs et juges, dont certains sous couvert d’anonymat, ont dénoncé la manière dont la direction de la Cour d’appel de Bucarest modifie la composition des tribunaux afin d’obtenir des décisions favorables à des personnes accusées de corruption. La section des juges du Conseil supérieur de la magistrature a annoncé avoir demandé à l’Inspection judiciaire de vérifier les abus signalés par les journalistes de Recorder. Des enquêtes sont également menées par la section des procureurs du CSM. D’autre part, la pétition lancée par les communautés Declic et Funky Citizens – et adressée au chef de l’État et au Premier ministre, pour demander une modification urgente des lois sur la justice – a déjà atteint environ 170 000 signatures.
Le chef de l’Etat discutera le 22 décembre avec les magistrats
Le Premier ministre Ilie Bolojan a annoncé la mise en place d’un groupe de travail gouvernemental chargé d’examiner la législation et proposer des réformes. Ilie Bolojan : « Nous devons analyser la législation actuelle, voir si elle tient compte de la situation réelle. Nous devons nous assurer qu’elle arrive à traiter correctement les aspects liés à la prescription de certains faits, que la durée des procès soit raccourcie et que les aspects liés aux transferts des juges ou à certaines interventions susceptibles de prolonger les procès soient réglementés. »
Le président Nicușor Dan a proposé aux magistrats souhaitant dénoncer des problèmes dans le système judiciaire roumain de venir le 22 décembre, à une discussion « sans limite de temps ». Si 200 magistrats affirment qu’il existe un problème d’intégrité dans le système judiciaire, la situation est très grave, a déclaré le chef de l’État.