Neptun Deep : le pari énergétique de la Roumanie
Le gaz de la mer Noire signifie liberté, c’est-à-dire une vingtaine de milliards d’euros dans la poche des Roumains, voire plus, a déclaré le ministre de l’Energie, Sebastian Burduja, qui a salué les premiers forages dans le périmètre Neptun Deep en mer Noire. C’est l’investissement dans le secteur énergétique le plus important de Roumanie. Sécurité énergétique pour la Roumanie et l’Europe.

Corina Cristea, 18.04.2025, 11:15
Un véritable tournant historique pour la Roumanie
En effet, en dépit des obstacles et des menaces de ceux qui auraient préféré voir le pays rester dépendant, la Roumanie avance sur la voie de l’indépendance énergétique, déterminée à devenir un acteur clé de la sécurité énergétique européenne, selon le ministre de l’Énergie, Sebastian Burduja, qui affirme : « Nous écrivons l’histoire. Et nous allons y parvenir, pour une Roumanie indépendante et forte. »
En mars dernier, les travaux de forage ont commencé sur le gisement « Neptun Deep », situé à 160 kilomètres au large, dans les profondeurs de la mer Noire. Un projet qui pourrait rapporter à la Roumanie plus de 20 milliards d’euros, et devrait surtout briser les chaînes de la dépendance au gaz russe. Derrière cette opération titanesque, deux géants de l’énergie, OMV Petrom, premier producteur intégré d’énergie en Europe du Sud-Est, et Romgaz, principal producteur et fournisseur de gaz naturel en Roumanie et dont l’État détient 70 % du capital. Ils se sont réunis pour investir jusqu’à 4 milliards d’euros dans les travaux d’extraction de ce gisement gazier, connu depuis avant 1989, comme le rappelle le ministre roumain de l’Energie Sebastian Burduja :
« Il a fallu attendre longtemps, surmonter des blocages législatifs, le retrait de l’Américain Exxon, puis le rachat de sa participation par Romgaz pour un milliard de dollars pour qu’enfin le projet démarre réellement, après la réunion de ces deux compagnies autour du projet : Romgaz et OMV Petrom. En cette dernière la participation publique de la Roumanie s’élève encore et toujours à 20%. Aujourd’hui, l’État roumain est pleinement engagé dans la finalisation du projet, et si tout se passe comme prévu, le gaz provenant du gisement Neptun Deep devrait entrer dans le réseau national dès le début de l’année prochaine sinon plus tôt. La Roumanie atteindra alors deux objectifs majeurs : D’une part, des revenus conséquents pour le budget national, car les bénéfices pourraient atteindre dix fois la valeur des investissements ; D’autre part, la Roumanie renforcera son rôle stratégique, devenant le principal fournisseur de sécurité énergétique pour toute la région. »
La Roumanie doublera sa production de gaz
En effet, grâce à cette manne gazière, le pays doublera sa production de gaz, redeviendra autosuffisant et pourra relancer son industrie, notamment dans le domaine de la production d’engrais, voire exporter du gaz vers ses voisins, encore dépendants du gaz russe.
Mais quel sera l’impact du gaz ainsi extrait sur le marché européen ? Ecoutons Eugenia Gusilov, directrice du Romania Energy Center :
« Pour la Roumanie, ce gisement signifie que nous n’aurons plus besoin d’importer de gaz pendant sa période d’exploitation. Mieux encore, nous pourrons peut-être en exporter. Cela nous donne une vraie carte à jouer dans la région. Dans un contexte européen où la production baisse et où l’on cherche à réduire la consommation de gaz, ce projet offre à la Roumanie un avantage stratégique : Nous bénéficierons d’un délai supplémentaire pour cette transition énergétique, là où d’autres pays doivent agir plus vite. »
8 milliards de mètres cubes par an
Côté chiffres, Neptun Deep devrait produire environ 8 milliards de mètres cubes par an. Un volume significatif, mais qui ne bouleversera pas l’équilibre européen, comme l’explique sur nos ondes Mihnea Cătuţi, directeur de recherches à l’Energy Policy Group :
« Ce gisement jouera un certain rôle au niveau régional, surtout dans les Balkans de l’Ouest où le nécessaire et l’influence du gaz russe demeure importante. Mais il ne faut pas rêver : on ne va pas réinventer l’industrie lourde autour de ce gaz. L’Europe demeure encore extrêmement dépendante des importations, vu que près de 90% de la consommation européenne de gaz et de pétrole provient des importations. La consommation européenne de gaz s’élève à 330-350 milliards de mètres cubes par an. Et l’exploitation de ce gisement, qui fournira entre 8 et 10 milliards de mètres cubes par an, ne changera pas la donne à grande échelle. »
En clair, affirme Mihnea Cătuţi, l’enjeu n’est pas tant économique qu’énergétique et géopolitique. Le gaz roumain ne fera peut-être pas baisser le prix du gaz en Europe, mais il va resserrer les liens régionaux et pourra offrir à la Roumanie une voix plus forte lorsqu’il s’agira de décider de l’avenir énergétique du continent. (Trad. Ionut Jugureanu)