Par temps exceptionnels, des mesures exceptionnelles
L'élan des investissements étrangers s’est essoufflé.
Corina Cristea, 11.04.2025, 14:12
En 2022, les investissements directs étrangers en Roumanie atteignaient un niveau record : plus de 10 milliards d’euros. Une hausse de 12,3 % par rapport à l’année précédente, soutenue par des facteurs conjoncturels mais aussi par l’assouplissement des restrictions sanitaires post-pandémie et la résilience du climat d’investissement roumain, et ce en dépit des tensions géopolitiques et de la crise énergétique. Mais cet élan s’est essoufflé depuis. En effet, les investissements ont reculé : plus que 6,6 milliards d’euros en 2023, puis encore un milliard de moins l’année dernière. Enfin, selon les chiffres publiés par la Banque nationale de Roumanie, en janvier 2025 les investissements étrangers n’ont été qu’à moitié par rapport au niveau enregistré en janvier 2024. Un recul amplifié par l’instabilité politique interne, mais aussi par un contexte géopolitique global plus tendu. Conséquence: les agences de notation ont dégradé la perspective économique du pays, désormais jugée « négative » — même si la Roumanie reste encore et toujours dans la catégorie des pays recommandés à l’investissement.
Face à cette situation, des voix s’élèvent pour appeler à des mesures exceptionnelles.
C’est le cas de l’économiste Mircea Coșea. Ecoutons-le : « Nous entrons dans une période où l’avenir économique de la Roumanie, et surtout son attractivité face aux capitaux étrangers, s’assombrit, car l’instabilité politique risque de durer, peu importe le résultat les élections. Mais c’est surtout le facteur géopolitique qui semble inquiéter davantage. La Roumanie se retrouve aujourd’hui assez isolée. J’ai été choqué par une déclaration de l’ambassade américaine à Bucarest qui n’a fait que relayer le discours du vice-président américain : l’on nous perçoit toujours comme un pays à démocratie fragile, mal gouverné. Le vilain petit canard de la région aux yeux de la nouvelle administration américaine, paraît-il. Et puis, avec la guerre en Ukraine à nos frontières, l’on n’est pas mieux loti. Car même si elle se termine, nous allons nous retrouver très proches de la frontière russe. Et tous ces éléments rendent la Roumanie beaucoup moins attractive pour les investisseurs. »
Des avantages temporaires extraordinaires
Des temps exceptionnels appellent à des mesures exceptionnelles pour accroître l’attractivité du marché roumain aux yeux des investisseurs, martèle l’économiste : « Il nous faudrait offrir tout d’abord des avantages temporaires extraordinaires aux investisseurs étrangers : des incitations fiscales inédites, un accès facilité au foncier, plus d’attractivité que nos voisins. Ensuite, une mobilisation accrue de la diplomatie économique. Enfin, il faudrait une véritable campagne de communication pour montrer que la Roumanie, malgré ses difficultés, dispose des atouts solides et mérite l’attention des investisseurs. »
Entre attentisme et apathie
Mircea Coșea lorgne notamment l’industrie agroalimentaire, l’énergie et le tourisme : « Nous nous sommes enfermés dans l’attentisme, dans l’apathie. C’est comme si l’on attend que quelqu’un vienne frapper à notre porte, alors que c’est à nous d’aller chercher les investisseurs. C’est à nous encore d’approcher la nouvelle administration américaine et de tenter de rétablir l’image du pays à ses yeux. »
La nervosité des marchés touche aussi la Roumanie
Mircea Cosea n’est pas le seul à tirer la sonnette d’alarme. Mais pour l’économiste Daniel Dăianu, ancien ministre de l’Économie et des Finances, la nervosité palpables des marchés ne touche pas que la Roumanie : « Nous vivons à une époque fort imprévisible. L’administration Trump a pris des décisions étonnantes dans sa relation avec la Russie. La guerre commerciale entre les États-Unis et l’Union européenne est en cours, traduite par des droits de douane élevés. On s’achemine probablement vers une guerre monétaire, les États jouant sur les taux de change pour stimuler leurs exportations. Cela ne concerne pas que la Roumanie. Le contexte global est bien plus instable que les plaintes habituelles des milieux d’affaires sur la fiscalité ou les politiques économiques. Nous assistons à des bouleversements — des disruptions, oserais-je dire — qui étaient auparavant inimaginables. Le retour de Donald Trump pourrait redessiner complètement l’ordre économique d’après-guerre en Europe. »
Et ces changements ne manqueront pas d’avoir un impact majeur en termes d’investissements sur tout le continent européen, conclut-il.