Un nouvel hôpital pour sauver la vie des enfants roumains
Un projet unique en Roumanie, l’hôpital „Donner de la vie” a accueilli ses 50 premiers bénéficiaires, des enfants malades de cancer pour la plupart. C’est un hôpital privé, bâti à zéro grâce aux dons faits par 350 000 personnes physiques et 8 000 sociétés. Les deux femmes à l’origine du projet nous en parlent.
Luiza Moldovan, 14.08.2024, 10:51
Une nouveauté absolue en Roumanie
L’hôpital « Dăruiește Viață », « Don de vie » en français, de Bucarest est entré en fonctionnement courant avril. 50 enfants qui étaient pris en charge dans les sections d’oncologie, de neurochirurgie et de chirurgie de l’hôpital Marie Curie y ont été transférés avec le plus grand soin pour leur confort physique et mental. La première opération y a été réalisée le 15 avril.
La particularité de ce nouvel hôpital est qu’il a été construit grâce aux donations de 350 000 personnes et de 8000 entreprises à l’initiative de l’association „Dăruiește Viață/Don de vie” qui a donné son nom à l’hôpital.
Les fondatrices du projet, Carmen Uscatu et Oana Gheorghiu ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin et envisagent la construction d’un nouveau bâtiment afin de pouvoir accueillir les autres sections du vétuste hôpital Marie Curie. Pourtant la tâche n’a pas été facile, notamment à cause des lourdeurs bureaucratiques qui ont retardées l’avancée de ce projet unique.
Une initiative privée
Carmen Uscatu raconte cette aventure.
« Il faut préciser que nous ne sommes pas en lutte contre l’Etat, au contraire, nous considérons qu’il faut que nous collaborions si nous voulons que ce projet atteigne son véritable potentiel. Il s’agit d’un hôpital pour le futur, les enfants y seront traités selon les standards les plus élevés, si nous continuons notre collaboration avec la direction de l’hôpital Marie Curie, avec le ministère de la Santé et le gouvernement roumain. Je crois que je ne pourrai jamais oublier le bonheur qui se lisait sur le visage des enfants qui ont été transféré. En fait, ça m’a permis de réaliser que ça valait vraiment le coup de supporter toutes les difficultés, de se battre toutes ces années contre les mentalités rétrogrades, pour le sourire de ces enfants et l’espoir des parents, ce sont eux qui nous permettent d’avancer ».
Un chemin parsemé de difficultés
Oana Gheorghiu parle de ce que cela signifie de croire en son propre projet, en ses rêves, malgré les difficultés.
« Au début, il y a eu beaucoup de gens qui n’ont pas cru en notre projet, ou qui n’ont pas cru que nous pourrions collecter autant d’argent ou peut-être qui doutaient de notre capacité à construire un hôpital avec un tel niveau d’exigence. Mais finalement tout ceci s’est réalisé et on espère que les gens qui étaient réticents au début ont pu constater qu’il est possible de réaliser un projet de ce genre à force d’implication, de détermination et de persévérance. Un jour je suis allée dans une émission de radio dans laquelle les auditeurs pouvaient appeler en direct pour poser des questions ou exprimer leur opinion. Un homme a appelé pour dire qu’il n’avait pas eu confiance en nous et n’avait pas donné d’argent pour notre projet. Il disait qu’il regrettait désormais et allait soutenir tous les projets de l’association “Don de vie”, parce que tout le monde peut voir que nous avons fait ce que nous avions promis, que nous avons tenu parole. Pour moi, le fait que ce projet ait été mené à son terme, que des patients soient déjà traités au sein de l’hôpital dans les conditions optimales que nous souhaitions, est la preuve que si nous nous unissons, si nous sommes solidaires, nous pouvons faire des choses extraordinaires. Et c’est une leçon de vie… je ne sais pas si nous pouvons parler de leçon de vie mais en tout cas on peut voir ce qu’on arrive à faire en travaillant en équipe, quel impact on peut avoir ensemble, solidaires et avec l’intention de faire de bonnes choses pour les autres ».
Les droits des patients en Roumanie
Oana Gheorghiu revient sur les droits des patients en Roumanie.
« Malheureusement, en Roumanie, les patients se retrouvent toujours dans la situation de devoir lutter pour leurs droits, notamment les patients atteints de cancers ou dans des situations difficiles et pour lesquels la bataille est lourde à mener. C’est pourquoi les familles appellent souvent les associations. Parfois c’est notre association qui soutient le combat des familles et des patients. Nous avons souvent aidé des patients à attaquer l’Etat en justice avec l’aide d’un avocat pro bono parce qu’ils avaient besoin d’un traitement qui n’était pas disponible ou qui n’était pas prise en charge par l’assurance maladie et fort heureusement les juges se montrent assez compréhensifs et sages dirais-je ; ils font en sorte que les patients obtiennent rapidement leur traitement grâce à une ordonnance présidentielle avant que le procès ne s’achève et que la Caisse d’assurance maladie ne soit astreinte à trouver une solution sur le long terme. Le système de santé roumain n’est pas le plus respectueux des patients, tout le monde le sait, tout le monde a été confronté à des obstacles qui empêchent de trouver des traitements, surtout dans les situations difficiles. C’est pourquoi les politiques, les ministres, médecins, professeurs d’université et autres choisissent de se faire soigner à l’étranger quand ils ont une maladie grave. Voici qui en dit long sur la qualité actuelle des soins en Roumanie, et qui devrait donner à penser aux hommes politiques, surtout en cette année électorale ».
La crise des médicaments
Aux problèmes d’infrastructures s’ajoute depuis plusieurs années une crise du médicament.
Carmen Uscatu nous fait part de son opinion sur la démarche à suivre pour sortir de cette situation critique pour de nombreux patients.
« Je pense qu’on ne pourra sortir de cette crise des médicaments que si nous arrivons à nous assoir tous autour d’une table, les autorités, les associations et les patients. Mais malheureusement personne n’a initié ce dialogue. Notre association « Don de vie » a produit il y a plusieurs années un rapport sur le manque de cytostatiques, des médicaments anticancéreux. Ce rapport proposait aussi des solutions mais elles n’ont pas été appliquées. Or, c’est par le dialogue que des solutions vont émerger et pourront ensuite être appliquées ».
Alors qu’une association vient de réaliser ce que l’Etat peine à faire, reste à voir comment ce dernier va parvenir à accompagner cette dynamique. (Trad : Clémence Lheureux)