QSL mars 2018 – L’Obélisque de Horea, Closca et Crisan
Un monument impressionnant par son histoire et par ses dimensions.
Daniel Onea, 25.05.2018, 17:31
A l’entrée de la forteresse d’Alba Carolina, tout près du 3e portail, on arrive à l’obélisque consacré à Horea, Cloşca et Crişan – les chefs de la révolte paysanne de Transylvanie de 1784. En fait, le monument a été construit pour marquer les 150 ans écoulés depuis l’exécution de Horea et de Closca.
Un peu d’histoire si vous permettez : en 1784, les paysans de Transylvanie – roumains, hongrois et saxons vivant et travaillant sur les domaines des nobles et de l’Etat – aux côtés des mineurs des Monts Apuseni et du Marmures, de maîtres artisans et même de prêtres – toutes ces catégories sociales donc se révoltent contre les conditions de vie et les abus des nobles. Selon le site spécialisé historia.ro, qui cite à son tour des statistiques du 18e siècle, à cette époque-là, les nobles comptaient pour 6,7% de la population totale de la Transylvanie. En fait, un quart de la population de cette province historique roumaine était formée de paysans asservis. Par conséquent, la révolte a été une conséquence directe des relations extrêmement tendues entre les nobles d’origine hongroise et la population asservie, formée de Roumains pour la plus grande partie.
Les protestations avaient commencé bien avant la révolte, note le même article, et des représentants des paysans s’étaient rendus à plusieurs reprises à Vienne pour présenter leurs plaintes à l’empereur. Parmi eux, Horea, un Roumain né dans une famille de paysans serfs. Il s’est rendu 4 fois à Vienne, la dernière fois étant reçu par l’empereur Joseph II, fils de l’impératrice Marie-Thérèse. Horea lui a transmis une pétition dans laquelle les paysans dénonçaient les trop nombreuses taxes qui leur avaient été imposées et avouaient que ceux qui s’y opposaient étaient le plus souvent emprisonnés.
La révolte a éclaté au moment où un groupe de paysans se dirigeant vers Alba Iulia fut arrêté de force par des troupes des nobles. Dirigés par Closca, ancien soldat dans l’armée impériale, les paysans ont attaqué les manoirs de la région. D’autres ont suivi leur exemple. Horea fut celui qui a formé des groupes dirigés par des capitaines et rédigé un programme exprimant leurs doléances. Quelles doléances ? Que les nobles quittent à jamais leurs domaines et qu’ils paient des taxes comme le reste du peuple et que leurs terres soient partagées par ordre impérial entre les simples citoyens.
Des négociations ont lieu entre les commandants militaires impériaux et les leaders de la révolte, des armistices sont conclus, Vienne envoie d’importants effectifs militaires en Transylvanie et en Hongrie pour gagner du temps, Horea incite les paysans à attaquer à nouveau, avant la défaite finale, le 7 décembre 1784. Horea demande à ses troupes de se retirer. Entre temps, une commission impériale conduit des interrogatoires pour apprendre les origines de la révolte, alors que l’empereur lui-même demande que les leaders de l’insurrection paysanne soient « exécutés de manière spectaculaire » devant la foule à titre d’exemple, lit-on sur historia.ro. Deux semaines durant, Horea et Closca ont été portés, enchaînés, à travers les villages transylvains. Ils ont été roués le 28 février 1785. Un autre chef connu de la révolte paysanne, Crisan, s’était pendu en prison le 13 février. Bien que la cour impériale ait continué les réformes sociales en Transylvanie, permettant aux paysans serfs de changer de domaine ou de se marier sans avoir l’accord des nobles, ces mesures n’ont pas été mises en œuvre pendant longtemps. Les paysans serfs de Transylvanie deviennent libres à peine en 1848.
C’est pour commémorer ce moment si important de l’histoire de la ville d’Alba Iulia et de la Transylvanie que fut érigé l’Obélisque de Horea, Closca et Crisan, en 1935, soit 150 ans après les événements racontés. Un monument impressionnant par ses dimensions, car haut de 20 m et donc visible à plusieurs de km de distance. Il fut inauguré le 14 octobre 1937, en présence du roi Carol II et de son fils Michel Ier, qui avait à l’époque le titre de « grand voïvode d’Alba Iulia ».
Sur la façade ouest, au-dessus de la porte en fer forgé, sont sculptées en relief les frontières de la Grande Roumanie, avec au milieu le portraits de Horea, Closca et Crisan. Sur la façade est de l’obélisque, une statue de grandes dimensions représente la déesse Victoire, ailée, tenant dans la main une couronne de lauriers destinée aux trois leaders de la révolte.
Le monument est réalisé en style Art déco, un courant artistique qui marie éléments géométriques et floraux, avec la ligne gracieuse du corps humain. C’est peut-être le monument public le plus important construit ces 100 dernières années en Roumanie.