La danse des Paparude
Nous découvrons cette fois-ci un autre rituel censé assurer le bon fonctionnement de la vie des communautés traditionnelles. Un rituel très populaire au commencement de l’été, car c’était le début de l’année agraire et les anciens fermiers tentaient de convaincre la nature à protéger leurs récoltes d’automne. Et comme la sécheresse est le pire ennemi de la récolte, invoquer la pluie était un geste absolument nécessaire. Dans la campagne roumaine, un des rituels les plus répandus pour invoquer de la pluie s’appelle les « Paparude ». En fait, il s’agit d’une danse. Plusieurs personnes parcourent le village. Au moins une ou deux portent des masques spécifiques, étant couvertes de feuilles et de guirlandes de hêtre et de chêne et de rubans rouges. Leur danse est rudimentaire : les gens frappent dans leurs mains au rythme de tambours improvisés de poêles et récitent une incantation. C’est la danse des Paparude.
Monica Chiorpec, 31.05.2019, 13:14
Davantage de détails sur ce rituel, avec Delia Suiogan, ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare : « La forme la plus ancienne de ce rituel attestée dans la tradition roumaine parle de la fabrication d’une poupée, le plus souvent en tissu. La poupée est ensuite fixée sur un squelette en bois. C’est la représentation d’une divinité féminine, une vielle femme en fait. Elle a la capacité de communiquer avec le macro-cosmos et d’attirer ainsi la pluie. Cette poupée s’appelle d’ailleurs « la mère de la pluie ». Les jeunes filles et les vieilles femmes dansent avec cette poupée pour invoquer la pluie. Chacune porte un seau rempli d’eau dans la main et arrose toute personne qu’elle rencontre sur son chemin. Il faut absolument arroser la poupée aussi, pour que son pouvoir se répande sur les autres.»
Au début du 18e siècle, le prince moldave Dimitrie Cantemir, encyclopédiste et ethnographe, décrivait la danse des Paparude comme un jeu d’enfants en Europe du sud-est. Une manifestation collective, publique, un acte magique censé attirer certains phénomènes météorologiques. Comme toute tradition, ce rituel se décline différemment, selon les régions.
Delia Suiogan explique : « On dit que ce jour-là, les femmes se voient pardonner toute erreur. Les hommes n’ont pas le droit de se fâcher s’ils sont arrosés, car toute colère peut annuler la pluie. Trois jours plus tard, la poupée est déchirée, car la pluie en excès n’est pas bonne non plus. Cette « mère de la pluie », on ne la laisse agir qu’une période de temps limitée. En Dobroudja (sud-est) il existe une autre variante de cette coutume selon laquelle une jeune fille de moins de 14 ans est vêtue de feuilles vertes. Même ses yeux sont couverts de feuilles. Cette poupée vivante est portée à travers le village et tout le monde doit l’arroser. »
Des danses similaires existent chez d’autres peuples de l’Europe du sud-est et dans les Balkans, notamment en Hongrie, en Serbie et en Bulgarie. Jadis, c’était une danse d’enfants ayant une jeune fille pour protagoniste. Par la suite, d’autres formes ont vu le jour, les femmes et les hommes ayant rejoint la danse. De nos jours, ce rituel n’est plus respecté. Les Paparude restent une légende, une histoire ou sont souvent transformées en spectacle. (Trad. Valentina Beleavski)