Les retraites des magistrats provoquent des tensions au sein de la coalition gouvernementale
Les débats s’intensifient sur la scène politique de Bucarest. La pomme de discorde est la réforme du régime spécial des retraites des magistrats.

Bogdan Matei, 23.10.2025, 13:05
Pour les commentateurs politiques étrangers, la coalition gouvernementale en place à Bucarest qui se déclare pro-européenne semble fonctionner normalement. Elle réunit quatre partis appartenant à des courants politiques centristes qui dominent le Parlement européen et alimentent avec leurs cadres l’Exécutif Communautaire : le Parti social démocrate est affilié à la famille des socialistes, le Parti national libéral et l’Union démocrate magyare de Roumanie font partie de la famille des populaires alors que l’Union sauvez la Roumanie est membre du groupe des libéraux de Renew. Pour les commentateurs politiques autochtones il s’agit plutôt d’une coalition contre la nature. Le PNL et le PSD ont été tantôt ennemis jurés, tantôt alliés dès le début de la démocratie roumaine post-communiste. L’Union Sauvez la Roumanie a contesté avec véhémence les politiques des sociaux-démocrates et des libéraux. L’Union démocrate magyare de Roumanie s’est associé tant avec la droite, qu’avec la gauche et n’ont jamais raté les bénéfices du gouvernement.
La décision de la Cour Constitutionnelle allume à nouveau le conflit au sein de la coalition
Désormais, les polémiques s’amplifient au sein de la coalition gouvernementale suite à l’admission par la cour Constitutionnelle de la saisine déposée par la Haute Cour de Cassation et de Justice au sujet de la loi portant sur le régime spécial des retraites des magistrats, adoptée par l’engagement de la responsabilité du Gouvernement devant le Parlement. L’acte normatif jugé inconstitutionnel transgresserait pas moins de 37 décisions obligatoires de la Cour Constitutionnelle et de nombreux autres principes fondamentaux de l’Etat de droit, selon la Haute Cour de Cassation et de Justice.
Un régime des retraites particulièrement généreux alors qu’en moyenne les retraités roumains touchent quelque 500 euros
Le premier ministre libéral Ilie Bolojan réclamait le fait que les magistrats roumains faisaient leur départ à la retraite à 48 – 49 ans et qu’une pension de retraite mensuelle dans la magistrature dépasse les 5 000 euros pour se chiffrer souvent à 7 et même 8 000 euros, dans le cas des magistrats ayant rempli des fonctions de direction. C’est une situation tout à fait scandaleuse dans une société où la retraite moyenne tourne autour des 500 euros, à l’issue de 35 à 40 ans d’ancienneté dans le travail. « La réforme que nous proposons implique une période transitoire de 10 ans, à l’issue de laquelle le départ à la retraite se fera à 65 ans, qui est l’âge standard de la retraite en Roumanie », affirmait le chef du gouvernement de Bucarest. Il avait également annoncé le plafonnement de la pension de retraite des magistrats de l’équivalent du dernier salaire moyen net à 70% de celui-ci, c’est-à-dire quelque 3 000 euros par mois. Après la décision de la Cour constitutionnelle de Roumanie, tous les partis de la coalition gouvernementale ont fait part de leur consternation. Les leaders de l’USR, Dominic Fritz, et de l’UDMR, Kelemen Hunor, ont proposé, plutôt timidement la tenue d’un référendum pour éliminer les régimes spéciaux de retraite.
Des reproches réciproques ont refait surface dans la relation entre les socialistes et les libéraux.
Le PSD annonce qu’il élaborera à lui seul un autre projet de lois que la Cour pourrait admettre. Le leader par intérim des sociaux-démocrates, Sorin Grindeanu, affirme qu’Ilie Bolojan pourrait tout simplement quitter le gouvernement. C’est hypocrite pour le PSD d’invoquer la responsabilité face à une réforme que ses représentants minent – a rétorqué la libérale Raluca Turcan, qui à laissé entendre qu’elle nommait ainsi le ministre de la Justice, Radu Marinescu, soutenu justement par les sociaux-démocrates. Entre temps, les filiales départementales des deux partis publient des communiqués plein d’hostilité à l’adresse de leurs partenaires au sein de la coalition. Et la presse s’amuse de constater que les tensions devraient s’amplifier lorsque les partis de la coalition gouvernementale s’affronteront à nouveau le 7 décembre dans la course pour le fauteuil de maire général de Bucarest, désormais vacant après l’élection de l’ancien édile en chef Nicusor Dan aux fonctions de chef de l’Etat. (trad. Alex Diaconescu)