Une crise inattendue
La crise autour du Barrage de Paltinu a laissé une centaine de milliers d’habitants du sud de la Roumanie sans eau potable et a mené à la fermeture partielle d’une des centrales électriques les plus importantes du pays.
Roxana Vasile, 05.12.2025, 13:00
100 000 habitants de Prahova sans eau au robinet
Le sud de la Roumanie est confronté à une crise non seulement grave, mais aussi inattendue. Plus de 100 000 habitants de ces régions ne reçoivent plus d’eau au robinet depuis plusieurs jours. La cause? Alors que le niveau de l’eau dans le lac de retenue de Paltinu était très bas pour pouvoir effectuer des travaux de réparation sur le barrage, des pluies abondantes ont provoqué une hausse de la turbidité qui a rendu impossible l’épuration de l’eau. La turbidité représente la quantité de boue présente dans l’eau.
Une semaine sans eau courrante
Cela fait donc déjà une semaine que les habitants de plusieurs villes et communes du département de Prahova sont obligés d’acheter de l’eau au magasin – dont les stocks s’épuisent rapidement – ou de patienter dans de longues files d’attente pour recevoir de l’eau distribuée en bouteille ou en citerne par le gouvernement. Les écoles des localités sinistrées, dont la plus importante est la ville de Câmpina (30 000 habitants) ont été fermées et les cours se déroulent en ligne. Aucun malade n’est plus reçu dans les hôpitaux de la région et les cas graves sont transférés dans d’autres villes, dont Bucarest. Les autorités affirment que l’eau courante sera rétablie vers le début de la semaine prochaine.
La crise touche aussi le système énergétique.
A cause du manque d’eau, la compagnie pétrolière OMV Petrom a interrompu la production de la centrale électrique de Brazi qui assure 10% de la production nationale d’électricité.
Qui est responsable?
Le premier ministre Ilie Bolojan a demandé que les responsables à l’origine de cette situation soient identifiés. La ministre de l’environnement, Diana Buzoianu a également demandé des démissions au sein des institutions en charge. L’Administration des eaux roumaines, subordonnée au ministère de l’Environnement, accuse l’opérateur du système zonal d’eau d’être responsable de ce désastre. Certaines voix ont également demandé la démission de la ministre Buzoianu, qui aurait été prévenue des risques de l’opération sur le lac de retenue de Paltinu, mais aurait ignoré les mesures à prendre.
Une multitude de questions
« Par combien de paires de mains la prise en charge de l’évacuation de l’eau d’un barrage passe-t-elle ? Quelles sont les institutions impliquées ? Ou s’est rompue la collaboration interinstitutionnelle et pourquoi personne n’assume la responsabilité de cet échec ? Comment a-t-on vidé les barrages jusqu’à présent ? » interroge le quotidien roumain Ziarul Financiar. Et la publication Adevarul écrit que l’actuelle crise à Paltinu « a été la conséquence inévitable d’un enchainement de négligence technique tolérée à travers le temps, d’une évacuation de l’eau opérée sans réserves d’eau et sans stratégies alternatives, aggravée par l’absence de coordination entre institutions et par l’ignorance des avertissements lancés par les hydrologues, transformant une intervention prédictible en coupure régionale de l’alimentation en eau et en une vulnérabilité énergétique majeure ».
Une longue série d’erreurs humaines
L’actuelle crise n’est pas un accident inévitable, mais la conséquence d’une longue série d’erreurs humaines, de décisions prises trop tard et du manque de coordination institutionnelle – voilà la conclusion d’une analyse de l’Association de l’énergie intelligente, citée par la chaine d’informations Digi24. Dumitru Chisăliță, président de l’association, affirme que la situation est à « 100% une erreur humaine » et constitue un exemple éloquent des dysfonctionnements systémiques des institutions roumaines. « Malheureusement, notre Etat ne nous noie ni dans l’eau, ni dans la boue, mais dans ses propres institutions qui se gênent réciproquement. En l’absence de réformes réelles, d’ici un ou deux mois, voire une année, un nouvel épisode comme celui de Paltinu pourrait se reproduire » – avertit Dumitru Chisăliță.