« Ce nouvel an qui n’est jamais arrivé », un film multirécompensé
Ecrit et réalisé par Bogdan Mureșanu, le film „Ce nouvel an qui n’est jamais arrivé” a été le grand gagnant des Prix Gopo, qui récompensent chaque année le meilleur du cinéma roumain. Avec 13 nominations, le film a reçu entre autres le Prix du meilleur long métrage, de la meilleure réalisation, de la meilleure actrice et du meilleur acteur dans un rôle principal, celui du meilleur scénario, celui du meilleur film de début et des meilleurs décors. D’ailleurs, ce film a été récemment lancé en France et en Belgique. Témoignages.

Corina Sabău, 17.05.2025, 10:06
Gagnant incontestable du Gala des Prix Gopo 2025
Le dix-neuvième Gala des Prix Gopo du cinéma roumain a célébré les meilleures productions de l’année précédente. Le film « Anul Nou care n-a fost / Ce nouvel an qui n’est jamais arrivé », écrit, réalisé et produit par Bogdan Mureșanu, a été le gagnant incontestable de la soirée, étant récompensé du trophée du meilleur film, attribué par le vote de plus de huit cents professionnels de l’industrie cinématographique. À cela se sont ajoutés neuf autres prix, dont celui de la meilleure actrice dans un rôle principal, attribué à Nicoleta Hâncu, celui du meilleur acteur dans un rôle principal pour Adrian Văncică, ceux de la meilleure réalisation, du meilleur scénario et du meilleur premier film, raflés par Bogdan Mureșanu. Iulia et Victor Fulicea ont été récompensés pour les meilleurs décors, Vanja Kovačević et Mircea Lăcătuș pour le meilleur montage, Sebastian Zsemlye pour le meilleur son, enfin Iulia Roșeanu et Domnica Bodogan pour les meilleurs maquillages et coiffures.
La tragicomédie réalisée par Bogdan Mureșanu suit six personnages, dont les vies s’entrecroisent à la veille de la chute du communisme ; tous ces personnages sont à la recherche d’un sens et d’une existence normale dans un monde absurde, dominé par la peur.
Revenir sur la Révolution de 1989
Bogdan Mureșanu a parlé sur RRI de son besoin de revenir sur le moment de la Révolution de décembre 1989.
« Je dois dire tout d’abord que j’ai choisi cette histoire parce que moi aussi j’ai vécu quelque temps à cette époque-là et je m’en souviens parfaitement. Deuxièmement, ma propre famille a été fortement affectée par le communisme. Sans trop aller dans le détail biographique, je peux vous dire que mes grands-parents et mon père ont en beaucoup souffert. Mais il y a aussi une autre raison à l’origine de mon choix ; le 20 décembre 1989 au soir, j’étais à Universitate avec ma mère. J’avais 15 ans et maman nous a emmenés, ma sœur et moi, du côté de Universitate, où j’ai vu un tas de gens rassemblés. C’était quelque chose d’incroyable, une image que je n’oublierai jamais. Il faisait nuit et là, il y avait ce rassemblement silencieux, de dizaines de milliers de gens, sur le point de déborder. Enfin, trente-cinq ans après la Révolution, nous pouvons, je crois, nous permettre de faire aussi ce genre de films, plus détachés, d’un humour noir plutôt proche de la tragicomédie, qui nous entrainent dans un carrousel d’émotions. Le sujet de la Révolution de 1989 a été tellement débattu que ça m’a donné envie de faire quelque chose de nouveau, de montrer ma propre lecture des faits. »
Le drame d’un quartier démoli
Le film « Ce nouvel an qui n’est jamais arrivé » est aussi une occasion de revoir l’actrice Emilia Dobrin, qui y endosse les habits du personnage Margareta Dincă. Sa maison, située dans le quartier Uranus, attend d’être démolie pour laisser la place à un nouveau quartier de « blocs », les immeubles à étages communistes. C’est une des dernières maisons familiales encore debout et Margareta a la malchance de devoir l’abandonner peut avant la Révolution.
Interviewée par RRI, Emilia Dobrin a parlé de sa collaboration avec le réalisateur Bogdan Mureșanu et du personnage auquel elle donne vie dans « Ce nouvel an qui n’est jamais arrivé ».
« Je connaissais des histoires personnelles dramatiques similaires. Des gens mis dehors sans le moindre avertissement, des personnes âgés, des familles entières, tous forcés à abandonner leurs habitations pour déménager là où les communistes hautement placés leur imposaient. La vie entière de mon personnage Margareta était liée à cette maison où elle avait habité avec sa famille, avec ses enfants, et elle était incapable de s’imaginer emménager comme ça, du jour au lendemain, dans une boîte d’allumettes perdue quelque part, à la périphérie de Bucarest. Donc, pour moi, ce fut un retour douloureux à cette époque-là, mais aussi une sorte d’exorcisme, car j’ai vécu à cette époque malheureuse de l’histoire de la Roumanie. »
Les défis d’un premier rôle important dans un long métrage
Le film « Ce nouvel an qui n’est jamais arrivé » a offert à Andrei Miercure son premier rôle principal dans un long-métrage. Laurențiu Silvestru, son personnage, est un jeune homme qui, face à un régime totalitaire, tente de sauver sa vie en franchissant illégalement la frontière du pays.
Andrei Miercure raconte les défis posés par ce rôle.
« Comme je n’ai pas vécu à l’époque communiste, j’ai cherché toutes les sources de documentation possibles, j’ai posé des tas de questions à ma famille, à mes amis. Et on m’a raconté pas mal d’histoires de ces temps-là. En plus, j’ai évidemment regardé des films documentaires, j’ai lu beaucoup de livres et j’ai écouté de la musique écrite à cette époque-là, parce que ça m’a aidé à être connecté. Mais ce qui m’a le plus aidé à construire ce personnage ce fut mon approche de le comprendre et de le traiter en ami. J’ai essayé de comprendre ses frustrations et ses plus grandes aspirations et aussi la manière dont il veut les résoudre. Je crois que sa jeunesse et l’enthousiasme caractéristique de son âge pourraient le pousser à faire un geste imprudent. D’une certaine façon, j’ai mis un peu de moi-même dans le personnage Laurențiu, notamment une certaine insécurité, une remise en question de la décision qu’il prend lui-même. »
Le long-métrage « Anul Nou care n-a fost / Ce nouvel an qui n’est jamais arrivé », écrit, réalisé et produit par Bogdan Mureșanu, vient d’être aussi projeté dans les salles de cinéma de France et de Belgique.