Le théâtre change le monde
Au micro aujourd’hui pour nous parler des spectacles de cette édition et des changements que le théâtre peut produire dans le monde, deux metteurs en scène réputés, Mihai Măniuţiu et Radu Afrim, qui ont monté le plus grand nombre de spectacles à l’affiche du festival. Mihai Măniuţiu a été présent cette année au Festival national de théâtre en tant que metteur en scène, écrivain et directeur du Théâtre national de Cluj-Napoca. Lors de cette édition, il a lancé un recueil de récits et un volume de poésie.
Luana Pleşea, 18.11.2017, 19:11
Au micro aujourd’hui pour nous parler des spectacles de cette édition et des changements que le théâtre peut produire dans le monde, deux metteurs en scène réputés, Mihai Măniuţiu et Radu Afrim, qui ont monté le plus grand nombre de spectacles à l’affiche du festival. Mihai Măniuţiu a été présent cette année au Festival national de théâtre en tant que metteur en scène, écrivain et directeur du Théâtre national de Cluj-Napoca. Lors de cette édition, il a lancé un recueil de récits et un volume de poésie.
Le théâtre à la tête duquel il se trouve a proposé au public deux productions signées par deux jeunes metteurs en scène : « Le Procès », d’après Kafka, monté par Mihaela Panainte et « Playlist », l’histoire d’une famille roumano-hongroise, mise en scène par Tudor Lucanu. Mihai Măniuţiu est le metteur en scène ayant proposé le plus grand nombre de spectacles sélectionnés pour l’édition de cette année du festival, à savoir deux spectacles montés à Bucarest « Le journal de Robinson Crusoe », d’après Gellu Naum, au théâtre Odeon et « Hiver » de Jon Fosse, au théâtre Nottara, puis un spectacle mis en scène au Théâtre « Regina Maria » d’Oradea et « Rambuku », toujours de Jon Fosse, au Théâtre national de Timişoara.
Ces spectacles prouvent l’intérêt du metteur en scène pour tout ce qui se cache derrière la réalité immédiate. Mihai Măniuţiu : « Jon Fosse m’attire justement parce qu’il me permet de voyager dans des mondes parallèles, comme je me plais à dire, de regarder le monde dans un miroir, qu’à un moment donné je traverse, pour me retrouver de l’autre côté de ce miroir. Je ne pratique pas un théâtre réaliste. A mon avis, il n’y a pas de réalisme, mais moi, j’accentue davantage ce manque de réalisme du théâtre. Je pense qu’il c’est de la méditation, une sorte de réflexion, comme je disais, une incursion dans des mondes parallèles, une manière de traverser le miroir et de jeter de là-bas un regard neuf qui vous fera voir la réalité. A mon avis, c’est ce que fait le théâtre et c’est pour cela qu’il est important pour le monde. »
En parlant du message « Le théâtre change le monde », Mihai Măniuţiu préfère dire que le théâtre infuse de l’énergie aux gens : « Le théâtre me donne de l’énergie, il me donne une joie de vivre. Il me change, donc, me sortant des éventuelles déprimes. C’est un acte d’exorcisation, un acte cathartique. Et si mes spectacles ont sur le public le même effet qu’ils ont sur moi – c’est-à-dire cathartique, énergétique, d’exorcisation – alors c’est très bien, j’en suis sûr. J’ai toujours dit qu’un bon spectacle est celui dont on sort avec plus d’énergie que l’on n’avait en arrivant. Si l’on reçoit de l’énergie du spectacle, alors, oui, on peut dire que c’était un bon spectacle. Si l’on a perdu de l’énergie en regardant le spectacle, c’est que le spectacle n’était pas bon. »
Dans la sélection réalisée cette année par le critique Marina Constantinescu, on retrouve aussi trois spectacles montés par le metteur en scène Radu Afrim lors de la saison précédente. Mis en scène au Théâtre national de Târgu-Mureş – Compagnie « Tompa Miklos », le spectacle « L’Oiseau rétro percute la barre d’immeuble et tombe sur l’asphalte brûlant » est une évocation de la Roumanie des années ’70, de l’enfance du metteur en scène, qui est également l’auteur du texte. Le deuxième spectacle, « La Boucherie de Job » de Fausto Paravidino, monté au Théâtre national Vasile Alecsandri de Iaşi, parle de l’amour, de la religion, du capitalisme. « Si on réfléchissait à haute voix » d’Adnan Lugonic, une production du Théâtre national Marin Sorescu de Craiova, aborde les drames de l’homme contemporain.
Nous avons demandé à Radu Afrim s’il pense que ces spectacles peuvent changer le monde un tant soit peu : « Le monde dans la salle, probablement oui, en partie. L’Oiseau rétro… ne s’est pas nécessairement proposé de changer l’humanité. C’est un spectacle nostalgique, sur notre enfance, le moment de notre formation. Le spectacle de Craiova, oui, il pourrait ouvrir quelques esprits. Si on réfléchissait à haute voix… Il s’agit là de différents problèmes de certaines minorités de catégories sociales diverses. Je suis un peu revenu chez les marginaux, chez les vieux, des gens moins acceptés par la société. J’espère que la salle sympathise avec eux. C’est mon programme que je suis, censé ouvrir les esprits. C’est ce que moi je peux faire. La Boucherie de Job est plus ciblé sur une famille. Là, c’est le problème des banques… mais on ne peut pas savoir. Chaque spectacle peut contenir quelque chose et produire un déclic dans l’esprit de celui qui est dans la salle. Ces trois spectacles posent certains problèmes, ils changent quelque chose dans les gens. Je suis l’adepte de la théorie selon laquelle le théâtre change le monde. »
Radu Afrim n’a pas été seulement metteur en scène invité de l’édition 2017 du Festival national de théâtre. Il a également été un spectateur, consciencieux, pourrait-on dire, des spectacles du FNT. Nous terminons cette discussion sur le théâtre, sur le changement du monde, par une image du théâtre de Roumanie vue par les yeux d’un metteur en scène qui a changé le théâtre roumain : « La moitié, c’est toujours du traditionnalisme. Quand c’est bien fait, ça va. Mais pour moi, cela ne crée pas de défi. Il y a aussi une tendance, celle des indépendants plutôt, politique, sociale… je me félicite de ce qu’elle existe, même si je n’apprécie pas toutes ses productions. Cela est nécessaire. C’est un changement. Il y a une école de mise en scène – jeune en quelque sorte – bucarestoise, qui ne me choque pas trop ni ne me provoque pas trop à voir ses spectacles. Il me suffit de regarder quelques photos et je me rends compte que ce n’est pas une révolution théâtrale. Ce qui n’est pas une expérimentation ni une révolution et qui ne fait pas avancer le théâtre de quelques pas, moi, cela ne m’a jamais intéressé. »
